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Fais-moi les poches ! - Page 10

  • La nuit tombée, Antoine Choplin

    tchernobyl, ukraine, urss, road tripPartir en moto sur les routes, avec une remorque harnachée derrière, c'est déjà une aventure en soi. Le faire pour rejoindre Pripiat, quelques années après l'accident de Tchernobyl, cela relève forcément de la nécessité absolue. Gouri a un besoin impérieux de retourner là-bas, dans la zone contaminée. Pour ramener quelque chose qui lui appartient, qui est resté dans son appartement. Un objet un peu incongru mais plein de sens pour lui. Les immeubles ont tous été pillés, il lui faudra un peu de chance pour retrouver ce qu'il cherche. De la chance, il lui en faudra aussi pour passer sans encombre les barrages. De la compagnie bienveillante également pour mener son projet à bien.

    Sur sa moto, Gouri transporte sa carcasse d'homme saccagé, les stigmates profonds d'une catastrophe sans précédent, ses souvenirs envolés dans les nuages radioactifs, le visage de ses camarades irradiés, la tristesse infinie et pudique du père orphelin de son enfant, les images des maisons de famille que les bulldozers enfouissent sous terre, le silence de la grande roue de la fête foraine arrêtée à jamais. Sur sa moto, Gouri transporte tout le poids de Tchernobyl. Une catastrophe au visage soudain plus humain.

    La nuit tombée, Antoine Choplin (France). Points. 123 pages. 5, 70 €

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  • Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s'annonce, Lola Lafon

    002912037.jpgEmilienne et la narratrice sont des amies, des vraies. Elles partagent la même expérience de la vie, qui semble les souder à jamais, sans que cela ait besoin d'être formulé. Elles sont jeunes. Rien ne prédispose donc Emilienne à s'effondrer en pleine journée, en buvant un chocolat chaud dans un bistrot avec le jeune garçon étranger qu'elle aide à faire ses devoirs. Le coeur bat. Et puis il s'arrête. Comme ça.

    Black out, réanimation, espoirs, doutes, guérison, opération, inquiétude : les phases se succèdent, l'expectative demeure. La narratrice est là, fidèle, au chevet de son amie. Au gré des visites à l'hopital, elle continue à vivre et rencontre un autre "oiseau" sauvage, une jeune fille énigmatique qui elle aussi dévore à la chaine les séances de Ciné-Club. 

    Chacune des trois jeunes femmes est une ligne brisée. Elles se rencontrent, s'entrechoquent, portant des fardeaux lourds et qui font d'elles des personnes sans concession. Pas de paix sans justice. Elles n'ont pas eu de justice, elles cherchent donc leur paix, chacune à sa façon.

    Plongée dans un univers, une ambiance, une révolte permanente où le rapport entre norme et vertu est bien loin d'être évident. Un roman comme un gros coup de gueule, une colère qui bout, une promesse d'intranquillité pour les bourreaux en tous genres.

    Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s'annonce, Lola Lafon (France). Babel. 432 pages. 9, 70 €

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  • Tout cela n'a rien à voir avec moi, Monica Sabolo

    amour, journal, ruptureA première vue, c'est un roman. A y regarder de plus près, c'est un journal intime agrémenté de notes, de sms, de photos, de souvenirs d'enfance, d'ordonnances, de dvd. A première vue, c'est Le journal de Bridget Jones. A y regarder de plus près, ce sont Les fragments d'un discours amoureux. A première vue, c'est drôle. A y regarder de plus près c'est un peu désespéré. Mais enfin, qu'est ce que cet objet étrange intitulé Tout cela n'a rien à voir avec moi

     Et bien, c'est un roman patchwork, une mosaïque à la Gaudi qui tente de recenser les différents états de la vie amoureuse, entre espoir et chute vertigineuse. C'est le Je vis, je meurs de Louise Labé 5 siècles plus tard. Tout cela n'a rien à voir avec moi arrache de nombreux sourires, mais sait faire tomber des couperets saisissants au moment où l'on s'y attend le moins. Etonnant.

    Tout cela n'a rien à voir avec moi, Monica Sabolo (France). Pocket. 156 pages. 6, 90 €

    Ce roman a obtenu le Prix de Flore en 2013.

     

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  • Le bruit de tes pas, Valentina d'Urbano

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    "Je suis née ici. Je n'ai pas connu d'autre endroit, je n'ai jamais été nulle part ailleurs. Mon père a été l'un des premiers squatters. A l'époque, il était jeune, enragé. Ici on agit vite, on enfante vite, on grandit vite et on meurt vite." C'est l'Italie des années de plomb. Une vie de quartier, avec pour uniques perspectives ses frontières. Le premier qui squatte un logement change la serrure, et occupe ensuite les lieux autant que possible pour ne pas être délogé. La jeune Bea passe tout son temps avec son voisin, Alfredo, que sa famille recueille à chaque fois que son père ivre le frappe avec un vrai désir de meurtre. Il trouve refuge dans cette maison où tout est plus apaisé, même si on se serre, même si on travaille dur.

    Et puis les enfants grandissent. Alfredo maigrit, au rythme de ses veines qui durcissent sous les coups des seringues. Bea observe, impuissante mais pas inactive. La relation fraternelle a fait place à autre chose, tandis que la poussière continue à inonder le béton du quartier. Et puis, bien sûr, un jour, la ligne d'équilibre se brise.

    Valentina d'Urbano nous fait entrer dans les appartements, dans l'ambiance d'une époque, le désarroi d'une situation. Dans les désirs contradictoires de Bea aussi, tirraillée entre le besoin de partir et les éléments qui la raccrochent au lieu. 

    Le bruit de tes pas, Valentina d'Urbano (Italie). Points. 312 pages.

    7, 20 €

    La toxicomanie en question, c'est aussi dans le roman de l'américaine Roxana Robinson, Jours toxiques.

    Catégories : Littérature Italienne 0 commentaire
  • Un homme, ça ne pleure pas, Faïza Guène

    famille, émancipation, relationsS'émanciper : "s'affranchir d'une tutelle, d'une sujétion, de servitudes", nous révèle le Robert. Nulle mention de la famille dans cette définition. C'est de cette émancipation-là dont choisit quant à elle de nous parler Faïza Guène. Car il est bien question de cordons ombilicaux à rompre dans Un homme, ça ne pleure pas.

    Mais en l'absence de mode d'emploi, les différents membres d'une même fratrie adoptent des attitudes bien différentes. Dounia, la soeur rebelle et ambitieuse, utilise la réussite professionnelle et embrasse la carrière politique pour trouver le courage de rompre les ponts avec une famille traditionnelle, une mère protectrice à l'excès. Mina, garante des institutions familiales, s'illustre par son conservatisme, tandis que Mourad, le narrateur, navigue entre culpabilité et désir de changement. Au dessus de cette mêlée incontrôlable, le "Padre" assume son rôle : rappeler qu'un homme "ça ne pleure pas". Pendant ce temps, la mère règne sur son petit monde, avec force démonstrations d'affection et kilos de sucres. Tel un satellite fou, Miloud, le cousin improbable, brouille tous les repères. 

    Ceux qui ont découvert la verve de Faïza Guène dans Kiffe kiffe demain ne seront pas déçus : son syle percutant, drôle et émouvant n'a fait que s'amplifier. Le ton sonne juste. C'est frais, c'est élégant, vraisemblable et poétique. 

    Un homme, ça ne pleure pas, Faïza Guène (France).

    Le Livre de Poche. 260 pages. 6, 60 €

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  • La lettre à Helga, Bergsveinn Birgisson

    003276807.jpgAmis lecteurs, ne soyons pas dupes : oui, la littérature a récemment produit un grand roman érotique, mais ce ne fut pas Cinquante nuances de Grey. Pour les sensations vraies, mieux vaut emprunter les landes islandaises en compagnie de Bjarni Gislason, un vieillard (et oui...) au soir de sa vie. Ce qu'il a fait, ce qu'il aurait aimé faire, ce qu'il n'aurait pas dû faire avec Helga, la jolie voisine, la femme d'un autre, il le confie dans une longue lettre à sa bien-aimée à jamais disparue.

    Roman épistolaire sans réponse, La lettre à Helga mêle poésie et douleur, érotisme et symphonie pastorale, regrets et remords, souvenirs enflammés et considérations agricoles, amour et haine larvée. Le tout baigné dans la fraîcheur de la campagne d'Islande, que l'on imagine indomptable et hostile.

    La lettre à Helga, Bergsveinn Birgisson (Islande). Points. 240 pages. 6, 50 €

    Envies d'Islande ? Découvrez sans plus attendre le magnifique Rosa Candida, de Audur Ava Olafsdottir, un road movie au départ de l'île volcanique, ou, du même auteur, L'embellie.

    Catégories : Littérature Scandinave 1 commentaire
  • Avoir un corps, Brigitte Giraud


    003285125.jpgMener un travail autobiographique par l'angle exclusif du corps, ses évolutions, ses déchirements, ses cicatrices, ses résurrections : voilà l'enjeu audacieux de ce roman. Périlleux, même, pourrait-on croire à la lecture des premières pages. Et puis petit à petit, on se rend compte que non, car finalement, quel meilleur témoin des vies que ces enveloppes charnelles, invisibles, douloureuses, gratifiantes ou inquiétantes ?

    Estomacs noués, ongles rongés, cheveux ternes, rides du lion, mollets musclés, mains rougies ou manucurées, piercings, tatouages, voix chargée de tabac, ligne impeccable, maigreur extrême parlent de nous et malgré nous, sans mensonge ni faux-semblant.

    Avec Avoir un corps, Brigitte Giraud signe un roman original, ambitieux et réussi.

    Avoir un corps, Brigitte Giraud (France). J'ai lu. 224 pages. 6, 90 €

    Quand le corps se détache de l'esprit : A Suspicious River, Laura Kasischke.

    Quand l'esprit protège le corps : L'Ardoise magique, de Valérie Tuong Cong.

    Quand le corps nous trahit : Dieu surfe en pays basque, Harold Cobert.

    Quand l'adolescent ne sait pas quoi faire de son corps : La blessure, la vraie, François Bégaudeau

    Quand le corps ne répond plus : Patients, Grand Corps Malade.

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