A première vue, c'est un roman. A y regarder de plus près, c'est un journal intime agrémenté de notes, de sms, de photos, de souvenirs d'enfance, d'ordonnances, de dvd. A première vue, c'est Le journal de Bridget Jones. A y regarder de plus près, ce sont Les fragments d'un discours amoureux. A première vue, c'est drôle. A y regarder de plus près c'est un peu désespéré. Mais enfin, qu'est ce que cet objet étrange intitulé Tout cela n'a rien à voir avec moi ?
Et bien, c'est un roman patchwork, une mosaïque à la Gaudi qui tente de recenser les différents états de la vie amoureuse, entre espoir et chute vertigineuse. C'est le Je vis, je meurs de Louise Labé 5 siècles plus tard. Tout cela n'a rien à voir avec moi arrache de nombreux sourires, mais sait faire tomber des couperets saisissants au moment où l'on s'y attend le moins. Etonnant.
Tout cela n'a rien à voir avec moi, Monica Sabolo (France). Pocket. 156 pages. 6, 90 €
Ce roman a obtenu le Prix de Flore en 2013.
Amis lecteurs, ne soyons pas dupes : oui, la littérature a récemment produit un grand roman érotique, mais ce ne fut pas Cinquante nuances de Grey. Pour les sensations vraies, mieux vaut emprunter les landes islandaises en compagnie de Bjarni Gislason, un vieillard (et oui...) au soir de sa vie. Ce qu'il a fait, ce qu'il aurait aimé faire, ce qu'il n'aurait pas dû faire avec Helga, la jolie voisine, la femme d'un autre, il le confie dans une longue lettre à sa bien-aimée à jamais disparue.
Comme il est bon parfois de faire des pauses dans le rythme effréné des nouveautés, du contemporain. De s'extraire d'une actualité brûlante, délirante. De s'autoriser une pause avec un roman de 1000 pages, écrit par un Russe il y a 150 ans, dans lequel des aristocrates aux moeurs codifiés mais extrêmement modernes s'épient, s'aiment, se trahissent, meurent d'amour, défendent leur honneur, débattent de souveraineté des peuples, réfléchissent à une organisation plus juste de la société, devançant le souffle de l'Histoire.
Le roman à huis-clos est sans aucun doute un exercice risqué. Cela n'a semble-t-il pas effrayé Jean-Philippe Blondel, qui campe ce texte dans une seule unité de lieu : le train Troyes-Paris de 6 H 41. Ces trains paupières lourdes du lundi matin, à l'ambiance si différente des wagons du dimanche soir, avec leurs lots de blues de fin de week-end. Ces trains où l'on dort, on feuillette, on pianote. Souvent seuls malgré la proximité évidente des voisins de sièges.
La famille, les amours, l'amitié. Ainsi se résume la trilogie affective des vies humaines. Pour Alice et Cécile, les deux femmes qui occupent la première place dans ce roman, les amours auront été, au cours des longues années de leurs existences, fluctuantes, tandis que les rôles de leurs familles et de leur amitié auront traversé sans broncher -ou presque- les changements sociétaux, politiques, ou culturels de leur pays, la France. De mai 1981 aux smartphones, les amies grandissent, mûrissent, vieillissent ensemble, se désillusionnent et s'enthousiasment au gré des événements. Se serrent les coudes. Et puis un jour -gâchis- s'éloignent.