Si une chose n'est plus à prouver dans la littérature, de quelque nationalité que ce soit, c'est que le thème de la famille est omniprésent. Rarement sous des jours très positifs il faut bien l'avouer. Roxana Robinson s'engage elle aussi dans ce territoire, mais le mot "toxique" ne va pas chez elle de paire uniquement avec les relations intra-familiales, aussi compliquées soient-elles. Si les jours que l'on partage avec ses personnages, dans la vieille maison brinquebalante du Maine, sont toxiques, c'est avant tout au sens propre.
Julia, la mère, Wendell, le père, se font empoisonner à feu lent par l'héroïnomanie de leur fils cadet, Jack. Steven, l'aîné, supporte de moins en moins les incartades de son frère. Un frère qui est devenu un autre, prêt à tout, et inconscient de l'être, pour pallier au manque morbide et intolérable. Mensonges, fugues, vols. Et pour chacun la grande remise en cause ; qu'ai-je fait ? que n'ai-je pas fait ? et surtout, que puis-je faire maintenant ? Même les grands-parents et la tante de Jack se retrouvent questionnés par les événements.
L'écriture de Roxana Robinson glisse insensiblement des pensées de Jack à celles des autres personnages, presque sans qu'on n'y prenne garde. Tous les raisonnements vacillent sous l'incompréhension et les questions obsédantes. Sauf ceux de Jack. Car Jack ne se pose pas de question. Il obéit à sa dépendance.
Fascinant.
Jours toxiques, Roxana Robinson (USA). 10/18. 589 pages. 9, 60 €