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  • La nuit tombée, Antoine Choplin

    tchernobyl, ukraine, urss, road tripPartir en moto sur les routes, avec une remorque harnachée derrière, c'est déjà une aventure en soi. Le faire pour rejoindre Pripiat, quelques années après l'accident de Tchernobyl, cela relève forcément de la nécessité absolue. Gouri a un besoin impérieux de retourner là-bas, dans la zone contaminée. Pour ramener quelque chose qui lui appartient, qui est resté dans son appartement. Un objet un peu incongru mais plein de sens pour lui. Les immeubles ont tous été pillés, il lui faudra un peu de chance pour retrouver ce qu'il cherche. De la chance, il lui en faudra aussi pour passer sans encombre les barrages. De la compagnie bienveillante également pour mener son projet à bien.

    Sur sa moto, Gouri transporte sa carcasse d'homme saccagé, les stigmates profonds d'une catastrophe sans précédent, ses souvenirs envolés dans les nuages radioactifs, le visage de ses camarades irradiés, la tristesse infinie et pudique du père orphelin de son enfant, les images des maisons de famille que les bulldozers enfouissent sous terre, le silence de la grande roue de la fête foraine arrêtée à jamais. Sur sa moto, Gouri transporte tout le poids de Tchernobyl. Une catastrophe au visage soudain plus humain.

    La nuit tombée, Antoine Choplin (France). Points. 123 pages. 5, 70 €

    Catégories : Littérature Française 0 commentaire
  • Les vaches de Staline, Sofi Oksanen

    51KgwkbHdEL._.jpgVu d'Europe de l'ouest, un jour le mur de Berlin est tombé, et avec lui le rideau de fer et toute une époque. La narratrice de ce roman - comme Sofi Oksanen du reste- est Finlandaise, de mère Estonienne. Les Estoniens du début du 20 ème siècle ont dû devenir des soviétiques. Sans être des Russes, avec lesquels ils ne partagent pas grand chose. Vu de Finlande, le pays riche et puissant de l'autre coté du golfe, les Estoniennes sont les femmes qui cherchent à se marier avec un homme de l'ouest, ou simplement à faire une passe pour une paire de collants ou des tampons hygiéniques. Le rapport de force est injuste forcément. La perception de l'autre, de l'étranger pourtant si proche, est déformée, faussée.

    Oppressés entre les sirènes de l'ouest et la pesanteur soviétique, déportés en Sibérie où l'horreur est partout, les Estoniens se noient, semblent disparaître.

    Anna, née dans les années 80, la narratrice, vit avec ces deux cultures, Finlandaise et Estonienne. Mais partant, également avec la honte, des deux côtés. Il lui est impossible de révéler ses origines d'Eesti en Finlande, tant les clichés ont la peau dure, et tant le KGB a des oreilles partout, ici aussi, incarné par des petits soldats à la solde de ce pouvoir qui tient en étau, de l'autre côté de l'eau, leurs familles restées au pays. En Estonie, compliqué d'avouer qu'elle ne vit pas dans un conte de fées en Finlande quand les apparences montrent le contraire.

    Les chapitres se succèdent, alternant entre l'histoire de la famille d'Anna depuis l'arrivée des Soviétiques et le calvaire moderne de la jeune fille : l'incapacité à se nourrir normalement. Car ce que mange Anna, elle le vomit aussitôt. Et elle mange, beaucoup. Passant maître incontestée dans l'art de la dissimulation, du silence, de la disparition. Vomissant une Histoire qu'elle ne parvient pas à digérer.

    Ce roman incarne majestueusement un pan énorme du destin Estonien, et plus largement la souffrance de ceux qui ont dû quitter leur terre, et qui ne parviennent pas à reconstituer le puzzle. Un roman pur et très puissant.

     Les vaches de Staline, Sofi Oksanen (Finlande). Le livre de poche. 552 p.

    7, 90 €

     

    Catégories : Littérature Scandinave 0 commentaire