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suicide

  • Les Morues, Titiou Lecoq

    9782253166801-T.jpgFoutraque. Bordélique. Savoureux. Comment trouver l'adjectif idéal pour qualifier ce roman étonnant ? Entre Bridget Jones et John Le Carré (pour les préoccupations de filles et l'espionnage), le pamphlet critique de la société et la publicité pour apple, les tergiversations amoureuses et le "no future" ... Il y a un un peu de tout dans Les Morues. Parce qu'un groupe de copines trentenaires qui boivent des vodkas accoudées au même bar toute l'année, ça recèle forcément des vies, des passages compliqués, des aspirations contradictoires, des prises de conscience, des prises de bec, des certitudes ébranlées. Sur ce point, la palme revient à Ema, en apparence très à même de distribuer les bons et les mauvais points. Les bons d'un côté et les mauvais d'un autre. Charlotte, son amie d'enfance était passée du côté obscur en projetant d'épouser "Tout-mou". Alors quand Ema apprend le suicide de cette amie, elle enrage de ne pas avoir les clés pour comprendre son geste. Qu'à cela ne tienne, elle va essayer de résoudre le mystère, quitte à utiliser des méthodes originales et fantasques, qui vont la mener vers des territoires inconnus pour elle, où les partenariats public-privé dans la gestion des musées jouent un rôle diabolique. Vous me suivez ? Plus compliqué qu'il n'apparaît de prime abord, non ?

    Bref, sous une apparente simplicité, Les Morues n'est pas qu'un "roman de filles". On rit. On s'interroge. On doute. On compatit. Titiou Lecoq nous fait naviguer du grave au léger sans vergogne, en parvenant miraculeusement à trouver l'équilibre. Etonnant.

    Les Morues, Titiou Lecoq (France). Le livre de poche. 408 pages. 7, 10 €

    Titiou Lecoq nous explique comment elle a réussi à maintenir un équilibre dans son roman très polymorphe : passionnant !

     

    Catégories : Livre 5 commentaires
  • Sukkwan Island, David Vann

    41N-uaR+yoL.jpgAu début, ça démarre bien. Une version d'Into the wild façon père divorcé en recherche de contact avec son fils. On redémarre à zéro. Adieu la vie de dentiste, bonjour les grands espaces, la solitude, les ravitaillements par avion, les ours, les élans, la pêche au saumon, les réserves pour l'hiver, le bois à scier. L'authentique, l'essence de la relation. Mais il y a quand même un peu de Psychose dans tout ça. Car on se doute petit à petit qu'un truc pas net se trame et que quand ça va péter il n'y aura personne sur cette île perdue de l'Alaska pour entendre les cris. Sournoisement, la tension monte. Et tout éclate bien avant qu'on en ait eu conscience.

    Alors là, d'un coup, la vie au grand air n'est plus le sujet principal. La tension psychologique, palpable, laisse place à des scènes d'horreur, où tout contrôle échappe aux personnages.

    Chez David Vann, vivre en contact direct avec la nature n'exempte de rien, et certainement pas des plus odieux face-à-face avec soi-même.

    Sukkwan Island, David Vann (Etats-Unis). Folio. 240 pages. 6, 50 €

    Catégories : Livre 3 commentaires
  • Une bonne raison de se tuer, Philippe Besson

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    Quelle sensation étrange que d'être immobile quand tout bouge autour de vous. Les deux personnages de ce roman, Laura et Samuel, en font l'expérience douloureuse. Parce qu'ils sont américains, que nous sommes en novembre 2008 et que leur pays-continent s'apprête à vivre un boulversement de premier ordre : l'élection d'un noir à sa tête. Tout bouillonne et s'excite, s'enthousiasme et s'inquiète. Chaque Américain se souviendra sûrement de ce qu'il faisait ce jour-là, comme une sorte de 11 septembre à l'envers. Pourtant, Laura et Samuel ne participent pas au mouvement. Ils sont ailleurs, dans d'autres préoccupations. Le monde qui change ne les concerne plus.

    Laura et Samuel ne se connaissent pas. Ils vivent dans le même pays, dans la même ville. Leurs existences sont différentes. Ils n'ont aucune raison particulière de se croiser. L'un vit un drame personnel profond et ineffaçable. L'autre n'a qu'un projet en tête : passer à l'acte, se suicider.

    Si on était dans un conte de fées, ils se rencontreraient et se sauveraient mutuellement. S'ils évoluaient dans un monde d'avant la tour de Babel, où le langage serait source de communication et non de fermeture, ils se sauveraient mutuellement. Mais l'écriture de Philippe Besson se veut plus près de la vie réelle.

    L'auteur nous offre à de nombreuses occasions un champ des possibles très large. On y croit, on espère. Et puis les ratés interviennent, rageants, inéluctables mais vraisemblables. A l'image d'une écriture efficace, sans fioriture, qui va droit au but et touche à l'essentiel. Vraisemblable elle aussi.

    Une bonne raison de se tuer, Philippe Besson (France). 10 / 18. 274 pages.

    7, 50 €

    Catégories : Livre 1 commentaire
  • Philippe Besson : Le son des mots et du silence

    230329_10151137513545950_212017152_n.jpgPhilippe Besson est l'auteur (entre autres) de Une bonne raison de se tuer, un roman à deux voix qui effleure la vanité du langage, en Californie comme ailleurs. Il répond avec une grande disponibilité aux questions de Fais-moi les poches ! sur ses personnages, la difficulté à communiquer, les conditions de l'écriture et ses influences littéraires.

    Fais-moi les poches : - Votre roman se situe aux USA. Aurait-il été transposable en France ou le décor que vous lui avez choisi était-il nécessairement celui-là ?

    Philippe BessonLe suicide est, par essence, une question universelle. L'histoire que je raconte aurait donc pu se passer presque partout. Et les femmes de 45 ans déclassées, rendues au célibat, jetées dans une forme de précarité ne sont pas l'apanage de l'Amérique. Pour autant, je tenais à ce décor car il m'est familier (je vis à Los Angeles quatre mois par an). Du reste, le Joey's Café où Laura est serveuse est le diner où je me rends tous les jours ou presque quand je suis à L.A. Enfin, j'avais envie d'évoquer l'élection d'Obama, le jour de son élection, l'électricité qu'il y avait dans l'air ce jour-là.

    FMLP - Comment expliquez-vous que la détresse de Laura aille jusqu’au désir de se suicider ? Que s’est-il cassé chez elle ?

    P. BLaura est dans une forme de résignation. Elle n'a plus rien à attendre, à espérer. Elle a été lâchée par son mari, ses enfants se sont éloignés, elle n'a pas vraiment de boulot, elle se sent inutile, elle ne sait plus où est sa place, si elle a encore une place. Alors elle préfère arrêter là. Pour moi, c'est quelqu'un qui range une pièce, éteint la lumière et ferme la porte. 

    FMLP - Ni Laura ni Samuel ne sont des êtres livrés à une solitude absolue. Qu’est-ce qui explique qu’ils le ressentent comme tel malgré tout ?

    P. BParce que L.A., par son gigantisme (15 millions d'habitants, 80 km de long) est une ville où on peut se sentir seul. Et puis, ils ont été, l'un et l'autre, délaissés, marginalisés. Ils n'ont plus grand chose à quoi se raccrocher. Elle vit dans un petit appartement, lui seul dans une villa de Venice Beach avec l'océan pour seul horizon, et la présence d'un mort, son fils. 

    FMLP - Pourquoi vos personnages ne parviennent-ils pas à se parler, à communiquer ?

    P. BParce qu'ils ne possèdent pas les mots, le langage. Ce ne sont pas des parleurs. Ce sont des taiseux. Ils ont toujours tout gardé par-devers eux, à commencer par leurs sentiments. Ils n'ont pas de sociabilité. Ce sont des êtres sauvages, à leur manière. Et ils redoutent plus que tout qu'on ne les comprenne pas, ou bien qu'on leur vienne en secours uniquement par pitié.

    FMLP - Le personnage de l’écrivain français qui écrit sur son ordinateur dans le café où travaille Laura, et dans lequel on pense bien sûr vous reconnaître, était-il important à vos yeux ? Faut-il, comme lui, s’imprégner d’ambiances et de lieux, s’immerger, pour écrire au plus juste ?

    P.BCe n'est pas mon habitude de me mettre en scène mais j'avais envie de faire une apparition dans le roman, "à la Hitchcock". Pour le reste, je ne crois pas nécessaire de bien connaître les lieux pour en restituer l'atmosphère. J'ajoute que souvent les endroits dont on parle le mieux sont ceux qu'on ne connait pas du tout, parce qu'on a la liberté de les inventer. On n'est pas corseté par le réel.

    FMLP - Dans le thème de l'incommunication comme dans votre style d'écriture, on peut penser à Marguerite Duras. Est-ce un modèle littéraire qui vous parle ?

    P. BDuras, c'est peut-être ma plus grande admiration. Peut-être même avant Proust. J'aime ces phrases où la sonorité parfois précède le sens. Et puis cette façon de dire par ellipses. Et, oui, bien sûr, cette impossibilité de dire, de se rejoindre.

    Philippe Besson est l'auteur de De là on voit la mer (Julliard), L'arrière-saison, Son frère, En l'absence des hommes, Les jours fragiles, Se résoudre aux adieux, Retour parmi les hommes, La trahison de Thomas Spencer, Un garçon d'Italie (10 / 18)

    Catégories : Livre, Rencontres 0 commentaire
  • L'ardoise magique, Valérie Tong Cuong

    51Wdkq1kqML._SL500_AA300_.jpgEcrire un roman qui débute par un suicide relève de la gageure. Comment continuer l'histoire, ne pas faire fuir le lecteur, ne pas céder à la facilité des clichés ? Valérie Tong Cuong nous invite à suivre le chemin de Mina, dix-huit ans, seule au monde et désespérée. Celle à qui on ne parle pas, celle qui ne parle pas. A ses côtés, heureusement, il y a Alice, son contraire exact : jolie, intelligente, issue d'une famille aisée. Mais malgré les apparences, et même si c'est incompréhensible pour Mina, Alice ne veut plus vivre. Alors elle va le faire, comme prévu, elle va sauter sur les rails du chemin de fer. Aucune chance d'en réchapper. Mina, elle, ne pourra pas passer à l'acte. Elle va devoir vivre avec la culpabilité et la détresse, répondre à des questions sur la vie qu'elle ne s'était pas encore posées. Et puis il y aura Sans-Larme, le jeune gothique vêtu de noir. Grâce à lui, Mina va pouvoir enfin s'ouvrir.

    Valérie Tong Cuong plonge avec une grande sensibilité dans les méandres de l'isolement et de l'adolescence. Elle nous emmène avec Mina dans une enquête désarçonnante sur la vie d'Alice, la pauvre petite fille riche qui a préféré la mort. Une disparition que Mina aura tardivement toutes les clés pour comprendre et qui lui en apprendra beaucoup plus qu'elle ne le pensait sur elle-même.

    Un roman sur la solitude extrême et sur les facultés de l'être humain à -peut-être- reprendre le dessus.

    L'ardoise magique, Valérie Tong Cuong (France). J'ai lu. 157 pages. 6, 20 €.

    Catégories : Livre 3 commentaires