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violence

  • Des poings dans le ventre, Benjamin Desmares

     

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    Il erre dans les rues, en mode guetteur. A l'affût de la moindre castagne, il se drogue à l'envie de frapper, de faire peur. Toujours sur le qui-vive, que ce soit pour trouver ses victimes ou pour échapper à la vigilance de sa mère, s'échapper de l'appartement quand elle l'attend dans la cuisine avec l'espoir toujours vain de communiquer. Sur la volonté, la maîtrise de la situation, en toutes circonstances. Pour lui, frapper, c'est vivre. Tenir debout. Etre le plus fort. Dominer de toutes ses forces l'envie d'être aimé à un âge, l'adolescence, où cette aspiration dépasse souvent toutes les autres.

    On est dans sa peau, à ce narrateur. Surtout qu'il nous embarque, s'adresse à nous en se parlant à lui. Evite le « je », comme pour esquiver toute possibilité d'introspection, d'explication de la violence gratuite. Peut-être aussi pour observer, de loin, le personnage terrible qu'il incarne.

    Roman noir en mouvement perpétuel à travers les rues d'une adolescence tourmentée, Des poings dans le ventre, de Benjamin Desmares, s'inscrit aussi dans la lignée du roman initiatique, dans lesquels les rencontres ne sont pas plus fortuites que sans conséquence. Une lecture rapide, qui coupe le souffle, comme le ferait un poing dans le ventre.

    Des poings dans le ventre, Benjamin Desmares.

    Edition du Rouergue. 78 pages. 8, 70 €

    A découvrir aussi, du même auteur : Cornichon Jim, Une histoire de sable.

     

    Catégories : Littérature Française, Littérature jeunesse, Roman noir 0 commentaire
  • Tony Hogan m'a payé un ice-cream soda avant de me piquer maman, Kerry Hudson

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    Allez hop, direction l'Ecosse, Aberdeen plus précisément. Ce sont les années 80, et une petite fille pointe son nez dans une famille modeste. Enfin, elle pointe son nez de façon imprévue, après la rencontre de sa mère avec un bel Américain évaporé après une escapade londonnienne qui a fait pschitt. Retour dans le nord pour la jeune mère, célibataire, sans emploi et aux prises avec une famille pour le moins pesante. La grand-mère ne vit que pour ses séances de bingo, Tonton Frankie tente de faire plaisir mais est abonné aux plans foireux. Ca picole, beaucoup, ça fume, toujours (mais nous sommes dans les années 80 après tout), et l'ambiance est huileuse en cuisine.

    L'originalité de ce roman de type autobiographique tient dans le fait que le récit à la première personne commence dès la naissance. Le bébé surveille, perçoit les gestes maladroits. Il apprend très tôt aussi à déceler les signes annonciateurs de la violence, du désespoir. Certes, le décor est sombre, la banlieue sordide, mais -apanage du regard enfantin ?- le recul et l'humour parviennent toujours à prendre leur place. La relation mère-fille évolue, au gré des rencontres plus ou moins malheureuses de la mère. Cette relation explose, expose, protège, dissimule, déçoit, rassure.

    Ce roman résolument social dépeint une époque, des lieux, des relations tout sauf rose-bonbon sans jamais atteindre le désespoir. C'est raconté comme un conte, avec beaucoup de fraîcheur.

    Tony Hogan m'a payé un ice-cream soda avant de me piquer ma maman, Kerry Hudson

    (Grande-Bretagne). 10/18. 

    336 pages. 8, 10 €

    Catégories : Littérature Britannique 4 commentaires
  • Le monde à l'endroit, Ron Rash

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    Etre jeune et subir les saisons et la culture délicate du tabac, en compagnie d'un père irascible, Travis le supporte de moins en moins bien. Quand il tombe sur quelques plants de cannabis à maturité en longeant la rivière lors d'une quête à la truite, il se dit qu'il suffirait de les ramasser et de les revendre, pour arrondir ses fins de mois ni vu ni connu. Sauf que les redoutables Toomey père et fils, qui ont quelques mois plus tôt semé les graines des psychotropes en puissance, ne l'entendent pas de cette oreille. La vengeance risquait d'être terrible. Pas de déception, elle le sera : les Toomey savent repérer le talon d'Achille de leurs ennemis...

    Heureusement, Travis fait la connaissance de Leonard, zonard érudit et dealer vivant dans un mobil-home en compagnie d'une faune humaine un peu disparate. Leonard, l'ancien prof mis sur la touche, le père déclassé, le mari rejeté. Il connaît un paquet de choses sur la guerre de Sécession et ses épisodes sanglants, qui fascinent Travis. Un nouvel élan va naître de cette rencontre, en Travis comme en Leonard. La question est bien sûr : pour combien de temps ?

    Le monde à l'endroit, c'est une oscillation permanente entre la tentation du conte de fées et le principe de réalité. Reste à savoir lequel des deux aura le dernier mot.

    Le monde à l'endroit, Ron Rash (Etats-Unis). Points. 320 pages. 7, 20 €

    Grands espaces, Etats-Unis, violence... Si Le monde à l'endroit vous parle, vous aimerez peut-être A Suspicious River, de Laura Kasischke, ou Sukkwan Island, de David Vann.

    Catégories : Littérature Américaine 1 commentaire
  • A Suspicious river, Laura Kasischke

    usaIl paraît que les psys appellent ce phénomène la dissociation. Mon corps est un, la réalité est autre. Moyen de défense imparable contre les agressions irréparables. Dans sa ville froide et terne des Etats-Unis, Leïla a bien compris les avantages à tirer d'un tel fonctionnement. Et comme elle se pense vouée à un destin tragique, elle se laisse brûler à petits feux, sans jamais sentir la flamme.

    Dans le motel pourri de Suspicious River où elle est employée, Leïla accueille les clients de passage en chassant les odeurs de moisi infiltrées au plus profond des moquettes. Et puis, un jour, elle fait une passe. Elle se dit que comme ça, elle aura de l'argent le jour où. Elle ne sait pas pour quoi faire, mais en tous cas la machine est lancée, entre sexe et violence, cruauté et fatalité.

    On la voit s'étioler page après page, partir toujours plus loin au delà des limites, abandonner son corps, son âme. Se donner pour s'effacer, s'anéantir. Comme elle, on subit, on attend, sans trop savoir quoi.

    Plongée sans concession dans le cauchemar de l'âme humaine, A Suspicious River communique sa froideur avec une grande efficacité.

    A Suspicious River, Laura Kasischke (Etats-Unis). Le livre de poche. 384 pages. 7, 10 €

    Catégories : Littérature Américaine 0 commentaire
  • Le dîner, Herman Koch

     

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    C'est aux Pays-bas que nous dinons ce soir. Petits plats dans les grands, il s'agit d'un "grand" restaurant, bonnes manières riment ici avec bonne chère. Alors si en plus vous dinez avec le futur premier ministre du pays, qui n'est autre que votre frère, il paraît évident qu'il s'agira d'un moment agréable, tout en retenue et en élégance. Ca, c'est pour le cadre, la petite musique de fond. 

    Car c'est de violence et d'amoralité dont parle ce roman, dont l'originalité est de tisser ses pages autour d'une seule unité de temps, ce fameux dîner. Deux frères, qui ont reçu une bonne éducation et évoluent dans les sphères privilégiées d'un pays développé, ont élevé leurs enfants, devenus adolescents. Un jour pourtant, les rouages se grippent, avec une brutalité inouïe. Les fils vont commettre un acte haineux, honteux, scandaleux, incroyable. Quelles réactions vont adopter leurs parents ? Où se place, au bout du compte, le curseur de la morale quand on tient à sauver sa peau, sa famille, les apparences ?

    Plus on approche du dessert et plus l'auteur nous bluffe. Herman Koch souffle le chaud et le froid sur ses lecteurs en les tenant en haleine et en les amenant où ils ne veulent sans doute pas aller : de l'autre côté de la bienséance. C'est agréable et dérangeant.

    Le dîner, Herman Koch (Pays-bas). 10 / 18. 355 pages. 8, 10 €.

    Catégories : Livre 2 commentaires