S'émanciper : "s'affranchir d'une tutelle, d'une sujétion, de servitudes", nous révèle le Robert. Nulle mention de la famille dans cette définition. C'est de cette émancipation-là dont choisit quant à elle de nous parler Faïza Guène. Car il est bien question de cordons ombilicaux à rompre dans Un homme, ça ne pleure pas.
Mais en l'absence de mode d'emploi, les différents membres d'une même fratrie adoptent des attitudes bien différentes. Dounia, la soeur rebelle et ambitieuse, utilise la réussite professionnelle et embrasse la carrière politique pour trouver le courage de rompre les ponts avec une famille traditionnelle, une mère protectrice à l'excès. Mina, garante des institutions familiales, s'illustre par son conservatisme, tandis que Mourad, le narrateur, navigue entre culpabilité et désir de changement. Au dessus de cette mêlée incontrôlable, le "Padre" assume son rôle : rappeler qu'un homme "ça ne pleure pas". Pendant ce temps, la mère règne sur son petit monde, avec force démonstrations d'affection et kilos de sucres. Tel un satellite fou, Miloud, le cousin improbable, brouille tous les repères.
Ceux qui ont découvert la verve de Faïza Guène dans Kiffe kiffe demain ne seront pas déçus : son syle percutant, drôle et émouvant n'a fait que s'amplifier. Le ton sonne juste. C'est frais, c'est élégant, vraisemblable et poétique.
Un homme, ça ne pleure pas, Faïza Guène (France).
Le Livre de Poche. 260 pages. 6, 60 €