Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

autobiographie

  • Le livre que je ne voulais pas écrire, Erwan Larher

    larher.jpg

    Lui ne voulait pas l'écrire. Nous, pas sûrs que nous voulions le lire. Et pourtant il est là, ce livre. Qui n'est pas un roman, mais un récit. Celui d'une soirée d'hiver pendant laquelle un fan de rock se rend à un concert, dans l'attente de la communion qui a toujours lieu dans ces cas-là. Sauf que ce jour d'hiver, c'est le 13 novembre 2015. Sauf que cette salle de concert, c'est le Bataclan.


    Bien sûr qu'il avait surtout des raisons de ne pas l'écrire, ce texte, cet "objet littéraire", Erwan Lahrer. Parce qu'il était un survivant, parce qu'il ne se sentait pas un héros, parce qu'il était hanté par le portrait de ceux qui sont morts ce soir-là. Parce qu'il avait un corps à reconstruire. Parce qu'il faudrait assurer le service après-vente du livre, répondre aux questions des journalistes. Parce qu'il faudrait trouver le ton juste. Parce que sur son chevet d'hôpital, il y avait déjà les épreuves d'un roman sur le point de sortir. Parce que la pudeur, parce que la dignité, parce que le choc. Parce que le "je", ça n'allait pas. Parce que le "il", ça n'allait pas.

    La pression amicale des proches, amis auteurs notamment, aura eu raison de cette détermination, de cette peur de passer pour un charognard. Tous les moments de ce récit sautent à la gorge, tous, mais la pudeur de son auteur semble déteindre sur nous, lecteurs. On n'est pas là pour voir des scènes de guerre avec un oeil avide. Souvent, on a même refusé d'apercevoir le moindre plan à la télé. On ne sait pas trop, vraiment, pourquoi on est en train de lire ces lignes. Mais on sait que les lire nous fait du bien. 

    Les mots des proches d'Erwan Larher s'intercalent entre les chapitres de l'auteur pour raconter leur soirée du 13 novembre à eux. Comment ils ont réagi, stupeur exprimée de mille façons différentes. Parce que tous savaient où il était ce soir là, il l'avait annoncé sur Facebook avec fierté dans la journée. Ces mots là, aussi, nous parlent. Ceux des spectateurs impuissants que nous étions tous.

    Les questions sur la peur qui reste en suspens dans l'atmosphère et qui culpabilise, aussi, nous évoquent quelque chose, à tous. Alors, même s'il avait surtout des raisons de ne pas exister, c'est une très belle chose que ce livre existe.

    Le livre que je ne voulais pas écrire, Erwan Lahrer (France). 260 pages. Quidam éditeur. 20 €

    Catégories : Littérature Française 1 commentaire
  • Tony Hogan m'a payé un ice-cream soda avant de me piquer maman, Kerry Hudson

    tony hogan ice cream soda.jpg

    Allez hop, direction l'Ecosse, Aberdeen plus précisément. Ce sont les années 80, et une petite fille pointe son nez dans une famille modeste. Enfin, elle pointe son nez de façon imprévue, après la rencontre de sa mère avec un bel Américain évaporé après une escapade londonnienne qui a fait pschitt. Retour dans le nord pour la jeune mère, célibataire, sans emploi et aux prises avec une famille pour le moins pesante. La grand-mère ne vit que pour ses séances de bingo, Tonton Frankie tente de faire plaisir mais est abonné aux plans foireux. Ca picole, beaucoup, ça fume, toujours (mais nous sommes dans les années 80 après tout), et l'ambiance est huileuse en cuisine.

    L'originalité de ce roman de type autobiographique tient dans le fait que le récit à la première personne commence dès la naissance. Le bébé surveille, perçoit les gestes maladroits. Il apprend très tôt aussi à déceler les signes annonciateurs de la violence, du désespoir. Certes, le décor est sombre, la banlieue sordide, mais -apanage du regard enfantin ?- le recul et l'humour parviennent toujours à prendre leur place. La relation mère-fille évolue, au gré des rencontres plus ou moins malheureuses de la mère. Cette relation explose, expose, protège, dissimule, déçoit, rassure.

    Ce roman résolument social dépeint une époque, des lieux, des relations tout sauf rose-bonbon sans jamais atteindre le désespoir. C'est raconté comme un conte, avec beaucoup de fraîcheur.

    Tony Hogan m'a payé un ice-cream soda avant de me piquer ma maman, Kerry Hudson

    (Grande-Bretagne). 10/18. 

    336 pages. 8, 10 €

    Catégories : Littérature Britannique 4 commentaires
  • Patients, Grand Corps Malade

    téléchargement.jpgOn connaît le bonhomme et sa silhouette bancale. Ses textes fins et sa voix fantomatique. On le connaît derrière un micro, aimé ou brocardé, auteur de textes courts et percutants. Le voilà aux commandes d'un format différent : 165 pages de retour sur soi, de confessions, de révélations intimes sur une exprérience fondatrice : l'accident, l'hospitalisation, le handicap, la rééducation. La découverte brutale et complètement inattendue, à 19 ans, d'un monde dont les valides ne connaissent que les contours, les parties émergées.

    C'est l'autre face de la question que Grand Corps Malade veut ici mettre à jour. Le handicap, ça peut être un fauteuil, certes, mais c'est aussi une liste incroyablement longue de contraintes, de situations où la dignité est mise à mal, de dépendance jusque dans les fonctions corporelles les plus primaires, de questions existentielles sur soi et son rapport aux autres. Le centre de rééducation, tel que le décrit Grand Corps Malade, c'est un lieu où règne la solidarité, souvent, mais aussi une certaine hiérarchie assez cruelle, établie tacitement sur l'observation de la diminution des uns et des autres. Des rapports cordiaux avec le personnel soignant, et parfois de l'exaspération.

    On en apprend donc beaucoup dans Patients. Mais pas n'importe comment : la plume de Fabien Marsaud est vive. Elle ne passe pas par quatre chemins et sait susciter des émotions fortes et diverses. On trouvera beaucoup d'humour et d'éclats de rire, donc, au fil des pages, mais les larmes ne sont jamais très loin non plus. Le plaisir de la lecture est en tous cas évident, car le style et l'observaton fine des situations et des personnes se rencontrent de façon extrêmement efficace.

    Patients, Grand Corps Malade (France). Points. 165 pages. 5, 70 €.


    Chanter et écrire : Y revenir, de Dominique A.

     

    Catégories : Littérature Française 0 commentaire
  • Y revenir, Dominique Ané

    51QLSu24f6L._.jpgComment écrire une autobiographie en effleurant juste les personnes et les événements ? Comment exprimer de l'amertume par rapport à son enfance quand celle-ci n'a pas été le théâtre de drames ou de désamours ? Dominique Ané choisit d'évoquer les lieux, juste les lieux. Des lieux boule au ventre, ceux où il a grandi. Pas de misère, pas d'insalubrité, loin s'en faut, mais un sentiment d'isolement, de morne plaine autour de la cité historique de Provins. Alors quand Dominique Ané sera devenu Dominique A., le parolier que l'on connaît pour avoir apporté un souffle nouveau dans la chanson française au milieu des années 90, quand les années auront passé, quand il aura mis cap à l'ouest, il y repensera à cette ville. 

    Au travers de ces lignes, Dominique Ané se fait violence en revenant aux sources, (un peu à la Olivier Adam dans Les lisières, la misanthropie de façade en moins) à l'occasion d'un concert par exemple, en foulant à nouveau les pavés de Provins et les souvenirs qui s'y rattachent. Comme un chemin qui apaise.

    Y revenir, Dominique Ané (France). Points. 93 pages. 4, 70 €


    Catégories : Littérature Française 0 commentaire
  • Paul Vacca : "La lecture, un acte charnel et fédérateur"

    385671_235819876544592_468334448_n.jpgDans La petite cloche au son grêle, Paul Vacca fait adhérer le lecteur, à son insu, à un pacte autobiographique. Pourtant, les apparences peuvent se révéler trompeuses. C'est ce que nous explique l'auteur, avec la fraîcheur que l'on retrouve dans son roman. Merci à lui pour ces révélations surprenantes sur ses "secrets de fabrication".

    Fais-moi les poches - Pour commencer, quelle est la part d'autobiographie dans ce roman ?

    Paul Vacca - Je serais tenté de dire "rien" puisque toute cette histoire est une pure fiction. Je n'ai pas vécu dans le Nord, ni dans un bar, je n'ai pas lu Proust à 13 ans etc. Je n'avais pas à travers ce roman l'envie de me raconter, ni de faire de mon expérience et de ma vie un matériau fictionnel. Pour autant, il se glisse toujours qu'on le veuille ou non d'ailleurs -une part d'autobiographie... Mais elle reste difficile à évaluer. Où se situe-t-elle ? Je ne saurais le dire. Si, j'avoue, j'ai quand même cédé une petite concession autobiographique : j'ai bien eu une prof de Français qui s'appelait Mlle Jeannin qui m'a fait subir les mêmes supplices en classe qu'au narrateur !

    FMLP - Pourquoi avoir choisi le style autobiographique, avec une telle vraisemblance dans les descriptions et les ressentis, pour écrire ce roman ?

    P.V - Je ne sais pas si ce sont les decriptions ou les ressentis qui créent cet effet. Je serais tenté de dire que c'est plutôt par le "pacte autobiographique" que je passe avec le lecteur en parlant à la première personne. Cela induit fatalement un certain type de relation au récit. Je voulais jouer de cet effet d'optique pour créer un effet de réel... Le paradoxe romanesque : tromper le lecteur pour qu'il soit en confiance. Je recherchais plus de proximité pour cette histoire. C'est d'ailleurs un des ressorts de toute fiction... C'est aussi un autre clin d'oeil à Marcel Proust. La Recherche du Temps perdu est écrite à la première personne sur un pacte autobiographique... Mais Proust en a fait une oeuvre romanesque à part entière évidemment. Il y a bien sûr le terreau vécu mais c'est la transformation, l'alchimie proustienne qui importe, sa vision... Et jamais le narrateur ne donne son nom bien que souvent on entend parler de "Marcel" le concernant. Toutes proportions gardées, j'ai subi la même méprise sur le nom du narrateur : à plusieurs reprises des lecteurs ont évoqué un certain Paolo alors que nul prénom n'apparaît jamais.

    FMLP - Pourquoi avoir choisi la deuxième personne du singulier pour évoquer la mère du narrateur ?

    P. V - C'est un choix qui s'est imposé à moi en cours d'écriture. J'ai commencé le livre à la troisième personne, puis à la première personne uniquement... Mais une fois le premier jet rédigé, j'ai senti que quelque chose cochait - si je peux me permettre le jeu de mots. Cette histoire pour être portée jusqu'au bout devait contenir une adresse du narrateur à sa mère. D'où l'idée du "tu" qui a germé. Je voulais que le lecteur se retrouve plongé dans une confidence entre un fils et sa mère ; sauf qu'il s'agit du livre que le lecteur est en train de parcourir. Ainsi le lecteur tient dans ses mains le fruit de la promesse de l'enfant, le livre qu'il a promis à sa mère. Je voulais que le lecteur puisse ressentir une forme de libération à la fin du roman. En lisant le livre, il a vécu -et participé !- aux retrouvailles du fils et de sa mère.

    FMLP - La lecture, la famille, l'amitié : des remèdes simples contre les agressions extérieures ?

    P. V - Remèdes simples, je ne sais pas... J'ai souhaité montrer en tous cas que la lecture, loin d'être un acte passif et solitaire, constitue un acte charnel et fédérateur. Une lectrice perspicace m'a d'ailleurs fait remarquer que le livre trouvé par le narrateur dans le roman -Du côté de chez Swann- jouait le rôle de fée dans cette histoire qu'elle qualifiait de conte... En effet, il fédère et unit la famille dans une certaine mesure lui jette un sortilège de bonheur ou d'antidote au malheur. Les livres ont ce pouvoir. C'est d'ailleurs ce que vous prouvez quotidiennement dans vos blogs littéraires : la lecture comme puissant objet de partage et d'échanges qui permet de transcender les vicissitudes quotidiennes. Alors toutes mes félicitations pour ce que vous faites ! Et un message : continuez !

    Catégories : Livre, Rencontres 2 commentaires
  • Jean-Philippe Blondel : des deuils, Lloyd Cole, ce roman, le soulagement

    lloyd cole,mail,laurent sagalovitsch,deuil,autobiographie,drame,distanceOn peut très bien lire Et rester vivant sans penser une seule seconde qu'il s'agisse d'un texte autobiographique. Certes, le narrateur parle à la première personne, mais difficile de prendre ce récit pour argent comptant. D'abord, parce que les coïncidences en termes de malheur paraissent beaucoup trop grandes pour êtres vraies. Ensuite, parce que le roman débute par un simple message d'un fan du chanteur Lloyd Cole sur son blog, et par un échange de mail avec un collègue écrivain (Laurent Sagalovitsch, à découvrir sur ce blog). Et pourtant, tout est vrai dans ce texte. Jean-Philippe Blondel a accepté de lever un peu le voile sur le mystère de ce roman, et de fait sur sa propre histoire. Merci à lui.

    Fais-moi les poches - La première question qu’on se pose en lisant Et rester vivant, c’est s’il s’agit d’un récit autobiographique. On le pressent, on se doute, mais... on se dit que tant de malheurs concentrés sur un seul jeune homme, c’est finalement peu vraisemblable. Votre réalité a-t-elle dépassé ce qu’on aurait pu juger à peine vraisemblable dans une fiction ?

    Jean-Philippe Blondel -Le matériau de Et rester vivant est hautement autobiographique -les faits sont exacts. Si j'ai voulu l'appeler "roman", c'est parce que j'ai choisi le point de départ et le point d'arrivée, ainsi que le point de vue - et que le temps passé depuis 1986 a pu me faire commettre des erreurs de détail... Mais oui, je suis très conscient du fait qu'un lecteur peut se dire d'emblée "non, ce n'est pas possible" - c'est d'ailleurs ainsi que je le ressentais à l'époque. J'avais l'impression d'être le héros d'un mauvais roman.

    FMLPEcrire un texte autobiographique, c’est se mettre à nu. Que ressent-on  le jour où le manuscrit part à l’imprimerie, où l’intime devient public ? Et le regard des autres, de vos proches, de vos lecteurs, a-t-il changé après ce livre ?

    J-P.B -En fait, mes proches, mes vrais proches, et même une bonne partie de la ville où j'habite, connaissent mon histroire, parce qu'elle a fait la une des journaux locaux à l'époque - c'était un drame parfait pour la presse. Depuis ce moment-là, je me suis habitué à être dévisagé -la plupart du temps avec bienveillance. Donc, je n'ai rien ressenti d'autre qu'un immense soulagement quand le manuscrit est parti à l'imprimerie.

    FMLP- Vous décrivez une démarche de début de deuil, de survie. Est-ce que 20 ans après, l’écriture de ce roman s’est inscrit dans cette démarche ?

    J-P.B -Non. Le deuil était déjà fait. Quand le deuil n'est pas fait, il est impossible d'écrire de cette façon-là, avec cette distance que je voulais retranscrire, parce que c'est ainsi que je sentais les choses à l'époque : tout se passait comme si mon esprit avait créé une vitre en Plexiglas qui empêchait les émotions de m'atteindre trop profondément. C'est cette distance-là qui a été difficile à retrouver.

    FMLP- Votre roman n’aurait pas existé sans un message laissé sur le blog du chanteur Lloyd Cole un soir d’ivresse, réellement ?

    J-P.B -J'ai écrit une douzaine de versions de ce roman. Quand j'ai laissé le message sur le site de Lloyd Cole, j'étais persuadé que ce roman ne verrait jamais le jour. En fait, c'est sans le mail de Laurent Sagalovitsch que cette version n'aurait pas vu le jour !

    Jean-Philippe Blondel est l'auteur de 06 h 41 (Buchet-Chastel), Un minuscule inventaire (Robert Laffont) et en format poche : G 229, Le baby-sitter, Accès direct à la plage (Pocket).

    Il écrit également pour la jeunesse : Blog, Au rebond, Brise-glace, (Re)play (Actes Sud junior)

    Catégories : Livre, Rencontres 0 commentaire
  • Rien ne s'oppose à la nuit, Delphine de Vigan

    419yRqhSsYL._SL500_AA300_.jpgQue se cache-t-il derrière ces quelques mots lancés en l'air un beau jour par Alain Bashung ? Le destin étrange d'une femme, la mère de la narratrice, et à travers elle les sinuosités de toute une famille.

    Delphine de Vigan aime faire passer le lecteur de l'autre côté du miroir, ce côté obscur où se disent les choses qui d'habitude sont tues. Dans les familles, il en va ainsi de la folie, des morts honteuses, des gestes déplacés. Et puis, dans ses lignes, ceux qui parlent fort ne sont pas toujours ceux qui en disent le plus.

    Une lecture dérangeante et fascinante.

    Rien ne s'oppose à la nuit, Delphine de Vigan (France).

    Le Livre de Poche. 7, 60 €

    Si vous avez aimé ce roman, vous apprécierez peut-être La tour d'arsenic, de Anne B. Radge, ou Les oreilles de Buster de Maria Ernestam.

    Catégories : Livre 2 commentaires