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bretagne

  • Article 353 du Code Pénal, Tanguy Viel

    meurtre, décor, juge

    Le drame est tout de suite annoncé : Martial Kermeur a précipité le promoteur Antoine Lazenec par dessus bord pendant une partie de pêche. Dans le bureau du juge, jamais il ne niera les faits, pas plus qu'il le les minimisera. Mot à mot, il va les faire venir, pour peut-être enfin parvenir à les expliquer. Le juge, patiemment, demande des explications, perd un peu de vue sa place par moments. D'ailleurs, souvent, il nous la laisse, à nous lecteurs, sa place. Comme lui, nous avons des questions à poser, des éclaircissements à obtenir. Martial Kermeur a tellement à dire.

    Antoine Lazenec, parfait escroc au culot sans borne, est arrivé un jour avec sa belle voiture, et plus rien ne s'est passé normalement dans les parages. Les terrains sont devenus des millions, les investissements le seul avenir. Les gars de l'arsenal, dotés de belles économies après leurs licenciements, des pigeons à ne pas manquer. Les élus locaux, en quête de reconnaissance et d'idées novatrices, des proies faciles. Les places au stade, seulement en tribunes chauffées. Antoine Lazenec, c'était le loup dans la bergerie. 

    Jusqu'où est-il allé ? Suspendus aux lèvres de Martial Kermeur, nous attendons. Le juge aussi. Manipulation, crédulité, machiavélisme sont à l'oeuvre et le suspense à son comble, dans les embruns de la rade saturés d'amertume.

    Article 353 du Code Pénal, Tanguy Viel. Editions de Minuit.

    174 pages. 14, 50 €

     

     

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  • Fleur de tonnerre, Jean Teulé

    Bretagne, poison, mort, légendesEn voilà une qui n'avait pas froid aux yeux : Hélène Jégado, bretonne par naissance et empoisonneuse par vocation. Il faut la comprendre, bercée de légendes et de croyances dès le berceau, elle se convainc très tôt qu'elle est elle-même l'Ankou. L'Ankou, vous savez, ce personnage mythique et effrayant de la tradition bretonne, qui vient faucher les âmes avec sa charrette qui grince et ses chevaux efflanqués (On renverra les lecteurs intrigués à La légende de la mort d'Anatole Le Braz, authentique, passionnant et effrayant recensement des croyances celtiques liées à la mort). Une bonne connaissance de la flore morbihannaise, et le tour est joué. Le premier forfait commis, un sentiment d'omnipotence habite Hélène, qui ne peut plus s'arrêter. L'employée de maison va tuer, tuer, tuer. Mission facilitée par sa présence obligatoire en cuisine. Elle sillonnera la Bretagne dans tous les sens, car elle aura parfois besoin de se faire oublier. Mais au 19ème siècle, l'information ne circule pas au même rythme qu'aujourd'hui. Il faudra donc un nombre impressionnant de victimes aux profils variés avant que ne cesse le règne mortifère d'Hélène, sur la place du champ de Mars de Rennes.

    Comme toujours, Jean Teulé signe un récit plaisant et simple, où se mélangent l'obscène, le drôle, le désespéré, avec cette fois une héroïne totalement désarçonnante à force d'amoralité. 

    Fleur de tonnerre, Jean Teulé. Pocket. 264 pages. 6, 20 €

    Et pour la petite histoire, une adaptation cinématographique est en cours de réalisation, sous la direction de Stéphanie Pillonca-Kervern, avec à l'affiche, Albert Dupontel, Miou-Miou et Miossec notamment. A suivre...

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  • Fruits et légumes, Anthony Palou

    41IVKKm0dXL.jpgArrivé un jour en France avec deux oranges dans sa besace, fuyant l'Espagne franquiste, il finira quelques dizaines d'années après par devenir le spécialiste des agrumes et de la soupe majorquine dans les halles de Quimper. Parce que passer la frontière ne semblait pas suffisant pour fuir l'ombre du caudillo, il est monté se mettre au frais dans le Finistère et a pris femme parmi les Bretonnes. Comme un conte, mais en moins facile.

    Dans l'affaire familiale de fruits et légumes, créée par le grand-père majorcain, continuée par le fils et observée d'un oeil méfiant et attendri par le petit-fils, il y a les bons jours et les autres, les temps de vache maigre et ceux de l'ivresse des billets décomptés en fin de marché. Les gros coups de pas de chance, et les rouleaux compresseurs du monde qui bouge. Surtout là, dans ce coin de France, où un épicier audacieux dont on n'a pas fini d'entendre parler vient de dégoter une idée révolutionnaire : le supermarché. Il faudra faire avec. Ou peut-être pas.

    Le rythme est partout dans les mots d'Anthony Palou, les comparaisons bien trouvées, et l'humour se dresse en bouclier pudique, en pare-feu contre l'apitoiement. Sensible, donc. Drôle, on l'a dit. Un brin nostalgique et un rien désabusé. 

    Fruits et légumes, Anthony Palou (France). J'ai lu. 124 pages. 5, 60 €

    Si vous avez aimé Fruits et légumes, vous aimerez sans doute La petite cloche au son grêle, de Paul Vacca. 

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  • Paris-Brest, Tanguy Viel

    71OPVDCNKyL._AA1500_.jpgPour qui a déjà arpenté les rues de Brest, ce roman est une obligation. Pour tous les autres, une nécessité. Parce que cette ville est une ambiance à elle seule, tout comme l'est ce roman. Parce qu'à Brest, les classes ouvrières, fourmis laborieuses de l'arsenal et du port cotoyèrent les officiers, les amiraux et leurs descendances. Même lieu, mondes opposés.

    La rencontre entre les deux univers s'opère pourtant dans ce roman. Le narrateur fréquente le fils Kermeur. Il voudrait bien être issu d'une famille de gauche, le fils Kermeur serait prêt à tout pour être d'une famille de droite. Alors va se constituer ce duo de pieds nickelés, qui n'est pas sans évoquer Les Apprentis de Pierre Salvadori. Parce que chacun étouffe dans son milieu, ils vont se trouver. Comme ça. Sans raison vraiment recevable. C'est quand la grand-mère du narrateur va hériter des millions de son compagnon de vieillesse, un amiral richissime rencontré sur le tard (très tard) sur les marches du Cercle marin, que les choses vont, disons, s'emballer. Il faudra donc, peut-être, pour paraphraser Miossec, un jour "quitter Brest". Et ça ne se fait pas comme ça.

    Il y a ici de la noirceur et de l'humour à parts égales, des descriptions acerbes et de la cocasserie. Equilibre étonnant. Les mots sont fluides, on se laisse même surprendre à lire, alors qu'on a l'impression d'entendre un conteur, Tanguy Viel.

    Paris-Brest, Tanguy Viel. Editions de Minuit, collection Double. 173 pages. 7 €

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