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Fais-moi les poches ! - Page 14

  • Le dernier Lapon, Olivier Truc

    51-IIyNtunL._.jpgVous ne connaissez rien sur la vie des Sami, ce peuple d'éleveurs qui vivent sur un territoire couvrant une partie de la Suède, de la Finlande, de la Norvège et de la Russie ? Et bien, dans ces pays-là, non plus, on n'y connaît pas grand chose. De Stockholm à Kiruna ou Kautokeino, la distance est certes géographique, mais également culturelle. En Laponie, il existe même une police des rennes, dont la fonction est d'apaiser les conflits entre éleveurs : mélanges dans les troupeaux, vols de bêtes. Beaucoup plus rarement pour enquêter sur des homicides.

    Nina, fraîchement débarquée de Stockholm, officie dans la toundra avec Klemet, l'enfant du pays. Elle a tout à découvrir, des codes à essayer de comprendre, des preuves à faire. Les codes, Klemet les a. Avant lui, dans sa famille, on était éleveur. Même s'il a dressé une tente Sami dans son jardin, il a pris ses distances avec cette culture... Il a le coeur entre deux identités (ce qu'on ne manque pas de lui faire remarquer), et un passé qu'on devine un peu lourd à porter. 

    Quand à quelques jours d'intervalle, un tambour sami très rare est volé de l'exposition qui l'abrite, puis un éleveur solitaire retrouvé assassiné et les oreilles découpées, c'est évidemment le choc. Sur fond d'incompréhensions culturelles, de revendications d'autonomie et de manipulations politiques d'extrême-droite, les esprits s'échauffent rapidement. Mais comment ne pas faire le lien entre les deux affaires ? Non seulement le cadavre est mutilé, mais habituellement, en Laponie, quand on coupe des oreilles, ce sont celles des rennes, et dans certaines circonstances bien précises...

    Olivier Truc signe une enquête haletante, avec des ramifications sophistiquées. Mais on lit aussi entre les lignes le désarroi d'un peuple opprimé et victime du rouleau-compresseur de la modernité et des frontières ; le portrait d'une société puritaine ; la question sous-jacente des ressources minières dans des territoires sauvages et préservés. Multinationales contre éleveurs, passé contre avenir, culture autochtone contre culture dominante. Le tout dans une porosité constante, de nouvelles données à construire.

    Une enquête dépaysante, passionnante et édifiante.

    Le dernier Lapon, Olivier Truc (France / Suède). Points. 570 p. 8, 20 €.


    Trailer Le Dernier Lapon par Editions_Metailie

    A lire également, un entretien avec Olivier Truc, sur les ponts entre journalisme et polar.

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  • Olivier Truc : "Le polar, un prolongement naturel du journalisme"

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    Et voilà que le polar scandinave est annexé par un Français. Olivier Truc, installé à Stockholm depuis une vingtaine d'années, est d'abord journaliste. Correspondant en Scandinavie pour Le Monde et Le point, il connaît très bien les sujets de société propres à cette région. Il a décidé d'en faire un polar, Le dernier Lapon, un concentré de plusieurs facettes d'une société souvent montrée en modèle. Et il nous emmène bien évidemment au-delà des évidences.

     

    Fais-moi les poches - Olivier Truc, vous êtes journaliste et auteur. Vous avez souvent écrit pour la presse sur les Sami. Utiliser ce thème dans la toile de fond de votre roman, c'est aussi un moyen de communiquer sur la situation des Lapons, un sujet peu connu ?

    Olivier Truc - J’en avais l’envie depuis longtemps car je considère que la situation des Sami est trop mal connue, même dans les pays nordiques. Dans mes articles, j’ai souvent raconté le modèle scandinave, mais ce modèle, bien sûr, a ses faces cachées, moins reluisantes, et la situation des Sami illustre parfaitement la double morale qui peut sévir dans ces pays. J’ai cherché à incarner les thématiques que je voulais mettre en avant à travers des personnages afin de les rendre accessibles au plus grand nombre.

    FMLP - Le polar est-il selon vous un genre qui se prête davantage (que la presse, le livre documentaire ou le roman par exemple) à l'exposition de situations géopolitiques complexes ?

    O. T - D’abord, je dirais que le polar est un genre qui est un prolongement très naturel du journalisme, car il partage avec lui l’aspect investigation. Une démarche parallèle, avec, également en commun, un rôle de critique sociale. Ensuite, il est vrai que l’aspect roman permet de se libérer des contraintes des faits pour prendre certaines libertés avec la vérité pour la rendre plus intelligible, plus accessible, sans pour autant trahir l’esprit des situations complexes. L’important est je crois l’impression générale que le lecteur conserve en ayant refermé le livre.

    FMLP- Votre roman a-t-il été traduit en Suède ou dans un pays scandinave ?

    O.T - Le dernier Lapon est déjà sorti en Finlande et en Norvège, et il sortira bientôt au Danemark et en Suède.

    FMLP - En ce moment, écrivez-vous un nouveau roman ? O. T - J’ai fini en mars 2014 la suite du dernier Lapon. Le livre sortira en septembre 2014 toujours chez Métailié. J’ai attaqué le troisième tome, j’en suis aux prémices, à l’investigation, aux rencontres, aux voyages, toute cette partie du travail que j’adore.

    FMLP - Le dernier Lapon en film, c'est prévu ?

    O.T - Un producteur suédois a acheté une option sur le dernier Lapon et travaille sur le projet depuis un certain temps. Je garde la tête froide, beaucoup d’options ne se transforment jamais en films.

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  • 06 h 41, Jean-Philippe Blondel

    communication,amour,passé,trainLe roman à huis-clos est sans aucun doute un exercice risqué. Cela n'a semble-t-il pas effrayé Jean-Philippe Blondel, qui campe ce texte dans une seule unité de lieu : le train Troyes-Paris de 6 H 41. Ces trains paupières lourdes du lundi matin, à l'ambiance si différente des wagons du dimanche soir, avec leurs lots de blues de fin de week-end. Ces trains où l'on dort, on feuillette, on pianote. Souvent seuls malgré la proximité évidente des voisins de sièges.

    Un double voyage s'opère ici : dans l'espace bien sûr, avec ce train qui trace sa route vers Paris, mais dans le temps surtout. Car, par hasard, Cécile et Philippe se retrouvent côte à côte dans ce train. 25 ans plus tôt, ils ont été amants pendant plusieurs mois. Ils ont visité Londres ensemble. Puis, brusquement, leur histoire s'est arrêtée et ils ne se sont jamais revus. Ils ont mené des trajectoires parallèles, parfois inattendues. Et là, dans ce wagon, ils feignent de ne pas se reconnaître. Pourtant les émotions, les souvenirs, les rancoeurs, les questions surgissent en nombre. L'intimité du passé paraît incroyable, indécente presque.

    Jean-Philippe Blondel parvient dans ce roman à ménager du suspense, à éveiller des émotions universelles, avec aisance et subtilité. Le cynisme de certaines descriptions et réflexions ajoute du piment à l'ensemble. Un vrai coup de coeur ! 

    06 h 41, Jean-Philippe Blondel (France). Pocket. 158 pages. 5, 80 €

    A lire aussi : Jean-Philippe Blondel répond aux questions de Fais-moi les poches ! sur ce roman, la promiscuité obligatoire et les voyages en train.

     

    Catégories : Littérature Française 4 commentaires
  • Jean-Philippe Blondel : "Je voulais écrire sur la promiscuité obligatoire"

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    Jean-Philippe Blondel se ferait-il une spécialité des "road trip" ? Dans son précédent roman, un personnage très nettement autobiographique parcourait les routes des Etats-Unis pour fuir une tragédie. Dans 06 h 41, les pensées des personnages vont vite, très vite, à la vitesse du TER dans lequel ils sont embarqués, dans le matin blême. Un huis-clos absolument réussi et jubilatoire. Jean-Philippe revient ici sur son écriture.

     

    Fais-moi les poches - Une idée de roman pareille, avec une unité de lieu très resserrée, ça vient comment ?

    Jean-Philippe Blondel - Ca vient surtout quand on prend le TER régulièrement et qu'on laisse ses pensées vagabonder. Cet espace clos avec déplacement géographique est propice à la rêverie et au bilan -cela faisait très longtemps que je voulais écrire sur un voyage en train - et sur la promiscuité obligatoire.

    FMLP- Les envolées pensives de vos personnages vous permettent des moments d'écriture qui semblent assez jubilatoires (en tous cas, ils le sont à la lecture !). Le personnage de Philippe exprime quelques pensées peu politiquement correctes sur la génération de ses parents, par exemple. C'est cynique, et drôle à la fois. Vous n'allez pas me dire que derrière les pensées de Philippe et de Cécile ne se cachent pas un peu les vôtres ?

    J.P. B - Jubilatoire, c'est le mot - le roman a été un bonheur d'écriture, tout était très fluide.. Maintenant, je me suis mis dans la peau des deux personnages, et j'ai tenté de voir comment ils pouvaient percevoir le monde, donc toutes leurs pensées ne sont pas les miennes (heureusement !), d'autant que je n'ai aucune expérience concernant les parents vieillissants... (Lire à ce sujet la chronique sur Et rester vivant, paru en 2013 en poche, et l'entretien avec Jean-Philippe Blondel)

    FMLP - Est-ce vrai que vous avez laissé un exemplaire de 06 h 41 dans le train Troyes-Paris de 06 h 41 qui est le cadre du roman ?

    J.P. B - Oui, bien sûr - je trouvais la mise en abyme très amusante... Je ne sais pas qui l'a trouvé...

    FMLP - En ce moment, vous écrivez ?

    J.P. B - De toute façon, j'écris tous les jours. En janvier 2015 paraitra chez Buchet-Chastel un roman intitulé Un hiver à Paris qui m'a arraché les tripes - et là, je travaille sur ce qui viendra ensuite, mais je garde le secret pour le moment car je ne sais pas exactement où je vais...

     

    Catégories : Livre, Rencontres 0 commentaire
  • L'atelier des miracles, Valérie Tong Cuong

    51u7oIIp0fL._AA160_.jpgCroire aux miracles, c'est un brin audacieux. En tous cas un risque élevé de déception. Les personnages qui se retrouvent à "l'Atelier", un lieu de réinsertion censé revigorer les plus faibles avant de les remettre dans le grand bain de la vie, n'y croient pas trop, aux miracles. Ni à rien d'autre d'ailleurs.

    Entre Millie, la petite vingtaine, qui traîne sa culpabilité comme un boulet paralysant ; Monsieur Mike, le militaire déserteur qui en a vu d'autres, là-bas, en "Afgha" ; Mariette, la prof mariée à un député obsédé par son image, qui découvre qu'avoir attendu le burn-out n'était pas la meilleure option ; Jean, leur "sauveur" à tous, qui se ment sans doute pas mal dans sa pratique de la charité, on ne peut pas dire que tout est rose. Mais des choses se passent.

    A aucun moment, Valérie Tong Cuong ne tombe dans le piège des bons sentiments. Ses personnages ne sont ni tout à fait responsables ni complètement innocents. A l'"Atelier", l'entraide et la solidarité sont des valeurs primordiales, mais totalement dissociées de la morale commune. Le regard de l'autre est, selon les contextes, une torture ou une bouée. Et l'enfer, ce n'est pas que les autres.

    L'atelier des miracles, Valérie Tong Cuong (France). J'ai lu. 7, 50 €.

    A lire aussi : Valérie Tuong-Cong répond aux questions de Fais-moi les poches ! sur ses personnages et leurs complexités.

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  • Valérie Tong Cuong : "Mes personnages m'habitent et ne me lâchent plus"

    10148156_10152290139082103_479820161_o.jpgAvec L'atelier des miracles, Valérie Tong Cuong signe un roman de rencontres et de ruptures. Avec sa disponibilité légendaire, elle a accepté de répondre une nouvelle fois aux questions de Fais-moi les poches ! sur ses personnages et les équilibres délicats à préserver pour en faire des êtres crédibles.

    Fais-moi les poches - Vous écrivez un roman frais et enthousiaste, sans tomber dans les bons sentiments et les happy end faciles. Cela ne doit pas être un équilibre évident à trouver. Comment avez-vous fait ?

    Valérie Tong Cuong - J’essaie de porter un regard réaliste sur la vie. Tout n’est pas rose, mais il existe presque toujours une issue et c’est ce qui m’intéresse : la manière dont on avance, les chemins à parcourir, les ressources de chacun, sans nier ou minimiser les obstacles, les coups ou les difficultés à gérer.

    FMLP - Aucun de vos personnages n'a qu'une seule facette, ce qui en fait des personnages hautement crédibles ! Vous avez une recette pour leur donner naissance, vous leur attribuez des "cartes d'identité", comment faites-vous ?

    V.T.C - Là encore, ils sont réalistes. Personne n’est monolithique. Nous avons tous nos mauvais et nos bons côtés, qui s’expriment dans différents contextes ou à différents moments de notre vie. Ce qui compte, c’est notre manière de les faire évoluer. Pour ce qui concerne mes personnages, ils surgissent en moi sans prévenir, puis m’habitent et ne me lâchent plus ! Mais il est évident que mon inconscient a travaillé… Parfois, il arrive que je m’accorde un peu de temps spécifiquement avec l’un ou l’autre, nous entamons une sorte de dialogue muet, qui me permet de mieux les connaître.

    FMLP - L'ardoise magique, votre précédent roman, posait déjà l'abandon et l'entraide un peu inespérée en personnages principaux. Le thème de l'exclusion est important pour vous ?

    V.T.C - Disons plutôt, une certaine forme de solitude qui peut être tout à fait invisible. Beaucoup d’entre nous (peut-être tous) ont traversé des périodes durant lesquelles ils avaient le sentiment d’être « satellisés », d’échouer à faire comprendre ce qu’ils ressentaient. On renonce à tenter d’expliquer à l’autre, on ne trouve même pas les mots pour soi-même... souvent la faute en revient aux blessures non soignées qui saignent à nouveau à l’occasion d’un événement, d’un incident déclencheur.

    FMLP - Qu'écrivez-vous en ce moment ?

    V.T.C - Je travaille sur un nouveau roman, mais j’ai pour habitude de ne rien dire jusqu’à la sortie. C’est une manière de profiter d’une certaine intimité avec mes personnages.

    Retrouvez également sur la chronique sur L'ardoise magique et un entretien avec Valérie Tong Cuong au sujet de ce précédent roman, où elle évoque la puissance de l'inconscient.

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  • Télex de Cuba, Rachel Kushner

    002528983.jpgAmateurs d'histoires familiales sur fond historique, ce roman est pour vous. Le contexte ? Le Cuba d'avant les frères Castro, quand les Américains régnaient en maîtres sur une terre fertile pour faire pousser les fruits, où la main d'oeuvre elle aussi se trouvait à foison, sur place ou en provenance d'Haïti. Des Américains businessmen à l'envi, qui sous couvert de développement économique imposaient leurs propres règles du jeu : un droit du travail "maison", des règles arbitraires. 

    La famille Stites vit ainsi à Cuba. Luxueusement, voluptueusement, puisque le père est le dirigeant de la société "United fruits". Mais pas si tranquillement quand même. Del, le fils aîné, disparaît un jour pour combattre aux côtés des rebelles. Vraie conviction ou révolte à court terme, l'affront est vif et douloureux pour la famille. Et puis il y a cette micro-société américaine qui se recrée sous les tropiques, digne d'une organisation de castes. Petits drames pour tromper l'ennui et observations médisantes jalonnent le quotidien des femmes. Mais il fait beau, mais on est riches. Alors on reste. 

    Il y a les autres aussi, ceux qui débarquent à Cuba parce qu'ils ont des choses à faire oublier, aux Etats-Unis, en Europe. Comme si les alcools forts sous les tropiques pouvaient réellement favoriser l'amnésie. Quelques mercenaires comptent parmi eux, bien intégrés dans la société, sirotant des cocktails comme les autres dans les soirées du Club. Leur fiabilité en temps de crise sera peut-être limitée...

    Le pouvoir des rebelles menés par les frères Castro finit par grandir. Le jour où les plantations de canne à sucre sont incendiées, les hommes d'affaire américains enlevés, les avions de Batista commencent à survoler pesamment le ciel de Nicaro. La menace est partout. Alors on pressent l'exil, même si ce roman de Rachel Kushner ne l'évoque jamais explicitement.

    Télex de Cuba, Rachel Kushner (USA). Points. 477 pages. 8 €.

    Ce roman fait partie de la sélection du Prix du meilleur roman des éditions Points.

     

    Catégories : Littérature Américaine 0 commentaire