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solitude

  • La petite lumière, Antonio Moresco

    montagne, solitude, mort, fantastique, décor

    Isolé dans un village de montagne que la vie a quitté depuis longtemps, le narrateur vit au seul contact de la nature. Celle qui reprend ses droits quand les hommes s'en vont, celle qui loge dans les combles des maisons ou pousse entre les dalles de béton qui ne sont plus foulées. Une vie d'ascète, interrompue par quelques trajets à l'épicerie du village d'en bas. Il y a de la vie, encore là-bas. Ca n'empêche pas les chats de rôder partout dans cette épicerie qui pue l'urine animale.

    Au loin, chaque nuit, une petite lumière l'intrigue. Elle provient d'un endroit normalement inhabité. Elle est pourtant régulière, persistante. Dans sa solitude volontaire, il finit par l'attendre.

    En interrogeant les gens du village, il essaie d'en savoir plus. Cela le mènera à des rencontres étonnantes, mais infructueuses. Jusqu'au jour de la rencontre avec le petit garçon. Celui qui vit là-bas, tout seul, et qui allume la lumière tous les soirs parce qu'il a peur du noir.

    Dans un décor sauvage et intriguant, Antonio Moresco interroge dans cette fable délicate sur la vie et la mort, l'homme et la nature, le rationnel et le fantastique, l'isolement et les besoin des autres.

    La petite lumière, Antonio Moresco (Italie). Editions Verdier.

    128 pages. 14 €

    Catégories : Littérature Italienne 0 commentaire
  • Sukkwan Island, David Vann

    41N-uaR+yoL.jpgAu début, ça démarre bien. Une version d'Into the wild façon père divorcé en recherche de contact avec son fils. On redémarre à zéro. Adieu la vie de dentiste, bonjour les grands espaces, la solitude, les ravitaillements par avion, les ours, les élans, la pêche au saumon, les réserves pour l'hiver, le bois à scier. L'authentique, l'essence de la relation. Mais il y a quand même un peu de Psychose dans tout ça. Car on se doute petit à petit qu'un truc pas net se trame et que quand ça va péter il n'y aura personne sur cette île perdue de l'Alaska pour entendre les cris. Sournoisement, la tension monte. Et tout éclate bien avant qu'on en ait eu conscience.

    Alors là, d'un coup, la vie au grand air n'est plus le sujet principal. La tension psychologique, palpable, laisse place à des scènes d'horreur, où tout contrôle échappe aux personnages.

    Chez David Vann, vivre en contact direct avec la nature n'exempte de rien, et certainement pas des plus odieux face-à-face avec soi-même.

    Sukkwan Island, David Vann (Etats-Unis). Folio. 240 pages. 6, 50 €

    Catégories : Livre 3 commentaires
  • Une bonne raison de se tuer, Philippe Besson

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    Quelle sensation étrange que d'être immobile quand tout bouge autour de vous. Les deux personnages de ce roman, Laura et Samuel, en font l'expérience douloureuse. Parce qu'ils sont américains, que nous sommes en novembre 2008 et que leur pays-continent s'apprête à vivre un boulversement de premier ordre : l'élection d'un noir à sa tête. Tout bouillonne et s'excite, s'enthousiasme et s'inquiète. Chaque Américain se souviendra sûrement de ce qu'il faisait ce jour-là, comme une sorte de 11 septembre à l'envers. Pourtant, Laura et Samuel ne participent pas au mouvement. Ils sont ailleurs, dans d'autres préoccupations. Le monde qui change ne les concerne plus.

    Laura et Samuel ne se connaissent pas. Ils vivent dans le même pays, dans la même ville. Leurs existences sont différentes. Ils n'ont aucune raison particulière de se croiser. L'un vit un drame personnel profond et ineffaçable. L'autre n'a qu'un projet en tête : passer à l'acte, se suicider.

    Si on était dans un conte de fées, ils se rencontreraient et se sauveraient mutuellement. S'ils évoluaient dans un monde d'avant la tour de Babel, où le langage serait source de communication et non de fermeture, ils se sauveraient mutuellement. Mais l'écriture de Philippe Besson se veut plus près de la vie réelle.

    L'auteur nous offre à de nombreuses occasions un champ des possibles très large. On y croit, on espère. Et puis les ratés interviennent, rageants, inéluctables mais vraisemblables. A l'image d'une écriture efficace, sans fioriture, qui va droit au but et touche à l'essentiel. Vraisemblable elle aussi.

    Une bonne raison de se tuer, Philippe Besson (France). 10 / 18. 274 pages.

    7, 50 €

    Catégories : Livre 1 commentaire
  • Philippe Besson : Le son des mots et du silence

    230329_10151137513545950_212017152_n.jpgPhilippe Besson est l'auteur (entre autres) de Une bonne raison de se tuer, un roman à deux voix qui effleure la vanité du langage, en Californie comme ailleurs. Il répond avec une grande disponibilité aux questions de Fais-moi les poches ! sur ses personnages, la difficulté à communiquer, les conditions de l'écriture et ses influences littéraires.

    Fais-moi les poches : - Votre roman se situe aux USA. Aurait-il été transposable en France ou le décor que vous lui avez choisi était-il nécessairement celui-là ?

    Philippe BessonLe suicide est, par essence, une question universelle. L'histoire que je raconte aurait donc pu se passer presque partout. Et les femmes de 45 ans déclassées, rendues au célibat, jetées dans une forme de précarité ne sont pas l'apanage de l'Amérique. Pour autant, je tenais à ce décor car il m'est familier (je vis à Los Angeles quatre mois par an). Du reste, le Joey's Café où Laura est serveuse est le diner où je me rends tous les jours ou presque quand je suis à L.A. Enfin, j'avais envie d'évoquer l'élection d'Obama, le jour de son élection, l'électricité qu'il y avait dans l'air ce jour-là.

    FMLP - Comment expliquez-vous que la détresse de Laura aille jusqu’au désir de se suicider ? Que s’est-il cassé chez elle ?

    P. BLaura est dans une forme de résignation. Elle n'a plus rien à attendre, à espérer. Elle a été lâchée par son mari, ses enfants se sont éloignés, elle n'a pas vraiment de boulot, elle se sent inutile, elle ne sait plus où est sa place, si elle a encore une place. Alors elle préfère arrêter là. Pour moi, c'est quelqu'un qui range une pièce, éteint la lumière et ferme la porte. 

    FMLP - Ni Laura ni Samuel ne sont des êtres livrés à une solitude absolue. Qu’est-ce qui explique qu’ils le ressentent comme tel malgré tout ?

    P. BParce que L.A., par son gigantisme (15 millions d'habitants, 80 km de long) est une ville où on peut se sentir seul. Et puis, ils ont été, l'un et l'autre, délaissés, marginalisés. Ils n'ont plus grand chose à quoi se raccrocher. Elle vit dans un petit appartement, lui seul dans une villa de Venice Beach avec l'océan pour seul horizon, et la présence d'un mort, son fils. 

    FMLP - Pourquoi vos personnages ne parviennent-ils pas à se parler, à communiquer ?

    P. BParce qu'ils ne possèdent pas les mots, le langage. Ce ne sont pas des parleurs. Ce sont des taiseux. Ils ont toujours tout gardé par-devers eux, à commencer par leurs sentiments. Ils n'ont pas de sociabilité. Ce sont des êtres sauvages, à leur manière. Et ils redoutent plus que tout qu'on ne les comprenne pas, ou bien qu'on leur vienne en secours uniquement par pitié.

    FMLP - Le personnage de l’écrivain français qui écrit sur son ordinateur dans le café où travaille Laura, et dans lequel on pense bien sûr vous reconnaître, était-il important à vos yeux ? Faut-il, comme lui, s’imprégner d’ambiances et de lieux, s’immerger, pour écrire au plus juste ?

    P.BCe n'est pas mon habitude de me mettre en scène mais j'avais envie de faire une apparition dans le roman, "à la Hitchcock". Pour le reste, je ne crois pas nécessaire de bien connaître les lieux pour en restituer l'atmosphère. J'ajoute que souvent les endroits dont on parle le mieux sont ceux qu'on ne connait pas du tout, parce qu'on a la liberté de les inventer. On n'est pas corseté par le réel.

    FMLP - Dans le thème de l'incommunication comme dans votre style d'écriture, on peut penser à Marguerite Duras. Est-ce un modèle littéraire qui vous parle ?

    P. BDuras, c'est peut-être ma plus grande admiration. Peut-être même avant Proust. J'aime ces phrases où la sonorité parfois précède le sens. Et puis cette façon de dire par ellipses. Et, oui, bien sûr, cette impossibilité de dire, de se rejoindre.

    Philippe Besson est l'auteur de De là on voit la mer (Julliard), L'arrière-saison, Son frère, En l'absence des hommes, Les jours fragiles, Se résoudre aux adieux, Retour parmi les hommes, La trahison de Thomas Spencer, Un garçon d'Italie (10 / 18)

    Catégories : Livre, Rencontres 0 commentaire
  • Valérie Tong Cuong : quand l'esprit protège le corps...

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    Valérie Tong Cuong est l'auteure de L'ardoise magique. Elle a accepté de répondre aux questions de Fais-moi les poches sur l'écriture de ce roman, dans lequel l'esprit de Mina va la tromper pour mieux la sauver. Une lecture à conseiller aux adultes comme aux ados.

    Fais-moi les poches : - Pour écrire ce roman, vous avez dû vous mettre dans la peau d’une adolescente. Comment vous y êtes vous prise ? S’agit-il d’observation ou de puiser dans ses propres souvenirs ? 
    Valérie Tong Cuong : - J’ai utilisé bien sûr les réminiscences de ma propre adolescence qui fut compliquée, chaotique, intense, mais aussi l’observation de celle des autres – je m’imprègne en permanence de ceux que j’ai la chance de rencontrer, ados, enfants, adultes. 
    Il faut dire que j’ai des enfants adolescents : je baigne donc dans cet environnement qui m’a d’ailleurs inspiré également un court roman publié aux Editions du Moteur, la Battle
    Enfin, j’ajouterai que j’ai situé cette histoire à l'époque de l’adolescence, mais elle illustre avant tout un étranglement intérieur, un moment où l’on se sent au pied d’un mur infranchissable tout en étant dans l’incapacité à l’exprimer. Ce sentiment d’impasse, de solitude, d’être incompris, cette incapacité à avancer peut surgir à des moments très différents dans une vie, ce qui explique que tout le monde, quel que soit son âge, peut se sentir concerné par ce que ressent Mina, l’héroïne.

     

    FMLP - En ce moment, j’ai l’impression que les romans –français en particulier et féminins la plupart du temps- évoquent beaucoup la famille, les mères en particulier. Comment expliquer cette tendance ? 
    V. T. C  - Une hypothèse serait que l’éclatement des repères et la déshumanisation des rapports humains créent ce besoin de revenir à l’image fondatrice (et en principe protectrice, mais parfois destructrice) de la mère. Dans le même ordre d’idées, les quêtes d’identité se multiplient : beaucoup d’entre nous réalisent qu’ils se sont perdus de vue. Alors, ils ressentent le besoin de revenir à l’origine pour comprendre. Or l’origine de tout, de nos souffrances comme de nos capacités à nous défendre, réside dans la qualité de l’amour reçu (ou pas) dans l’enfance, au sein de la famille.

     

    FMLP - Dans L’ardoise magique, la « mort » d’Alice va sauver Mina, la préserver du suicide. Pensez-vous que notre inconscient puisse créer ainsi des réflexes de survie ?

    V. T. C - L’esprit est renversant dans les possibilités qu’il offre pour «protéger» le corps – la survie. Ainsi, il est admis que nous sommes capables d’occulter inconsciemment des événements de notre passé auxquels nous ne pourrions faire face. La mémoire va enfouir profondément un traumatisme, pour éviter tout simplement que nous nous suicidions. Elle reviendra seulement lorsque l’on sera assez fort pour l’affronter sans mettre notre vie en danger. Des sujets fascinants...

     

    FMLP - Repartir à zéro quand à 18 ans, on traîne déjà beaucoup de casseroles, être « résilient », ça demande beaucoup d’efforts . Où Mina va-t-elle puiser ces forces ? Avez-vous imaginé ce que va être sa vie après vos dernières lignes ?

    V. T. C - La résilience tient à différents facteurs. Le paramètre indispensable, c’est la rencontre. Seule, Mina serait incapable de modifier son point de vue. Elle resterait avec ses certitudes sombres. Mais David – « Sans-larme » va l’aider à décadrer, à revoir les choses sous un angle différent. Cependant, cette rencontre ne serait sans doute pas suffisante si Mina n’avait en elle des ressources de vie. Car malgré ses difficultés, elle a reçu de l’amour lorsqu’elle était enfant. Cet amour-là a préservé chez elle la possibilité d’aimer à nouveau la vie, et l’idée, même bien cachée, qu’elle pourrait à nouveau être aimée de son prochain. A l’issue du livre, Mina a beaucoup appris sur elle-même et sur le fonctionnement de l'être humain. Et elle sait qu'elle n'est pas condamnée à la solitude. Elle a donc les forces nécessaires pour avancer.

     

    FMLP - Etait-il important pour vous de surprendre le lecteur à la fin du roman comme vous l’avez fait ?
    V. T. C - Cette surprise était capitale dans la mesure où la narration se fait par la voix de Mina. C’est SA surprise à elle, qu’il fallait transmettre. Cela me permettait de créer un bouleversement chez le lecteur, de lui couper le souffle. Provoquer des émotions fortes, c’est un des intérêts de l’écriture romanesque.

    Photo : Delphine Jouhandeau 

    Valérie Tong Cuong est l'auteure de L'atelier des miracles  en grand format chez Lattès, La Battle, (Editions du moteur), et Providence, Big, Où je suis,  Gabriel, Ferdinand et les iconoclastes (J'ai lu), Noir dehors (Livre de poche)

    Catégories : Livre, Rencontres 1 commentaire