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suède

  • Une verre de lait s'il vous plait, Herbjorg Wassmo

    Dorte a 15 ans. Elle grandit dans une bourgade lituanienne, aux côtés de sa soeur et de sa mère. Dorte a 15 ans, de premiers émois amoureux candides et frais avec le fils du boulanger. De chastes baisers échangés, des promesses d'avenir. Dorte a 15 ans, elle admire la prestance de sa soeur, la piété de sa mère et ses conversations continuelles avec Dieu. Dorte a 15 ans, elle boit du lait.

    Mais voilà, Dorte a beau avoir 15 ans, elle sait que sa famille est menacée d'expulsion, qu'on ne trouve aucun travail dans sa région. Alors, quand une jeune femme de son village lui raconte comment il est aisé de gagner en un mois à Stockholm ce qu'elle ne gagnerait qu'en de nombreuses années en Lituanie, simplement en travaillant dans un café, son sens des responsabilités l'emporte. Elle partira, elle aussi.

    Seulement de Stockholm, elle ne verra rien. Dès que la voiture démarre, son sort est scellé ; celui de l'esclavage, un noeud coulant qui se resserre à chaque geste, chaque tentative de fuite. Vol du passeport, viols, tortures, terreur, déracinement, dettes imaginaires à rembourser à ses bourreaux : l'engrenage de la prostitution broie l'enfant qu'elle était encore quelques jours auparavant. Et tout cela à une vitesse incroyable.

    Vendue à plusieurs reprises, Dorte atterrit à Trondheim, en Norvège, puis à Oslo. Ses bourreaux changent, mais sa captivité demeure. Le processus est immuable, glaçant, terrible.

    Herbjorg Wassmo est une conteuse exceptionnelle, qui décrit aussi justement une jeune femme victime d'un système effroyable et ses ressorts de survie, que l'organisation d'un modèle économique inhumain, qui croît sous nos yeux, tout autour de nous. Admirable.

    Un verre de lait s'il vous plait, Herbjorg Wassmo (Norvège). Babel. 464 pages. 9, 70 €

     

    Esclavage moderne et prostitution sont aussi au coeur de  Purge de Sofi Oksanen. prostitution,lituanie,suède,norvège,esclavage moderne

    Partir vers un monde meilleur pour une jeune Russe, forcément un piège infernal ? Lisez Noces de neige, de Gaëlle Josse.

    Pour découvrir la ville de Trondheim d'une manière plus légère,  lisez la trilogie des Neshov, ou Je ferai de toi un homme heureux de Anne B. Ragde.

    Herbjorg Wassmo excelle aussi dans les sagas intergénérationnelles : lisez Cent ans, l'histoire d'une famille norvégienne sur trois générations.

    Catégories : Littérature Scandinave 1 commentaire
  • Le dernier Lapon, Olivier Truc

    51-IIyNtunL._.jpgVous ne connaissez rien sur la vie des Sami, ce peuple d'éleveurs qui vivent sur un territoire couvrant une partie de la Suède, de la Finlande, de la Norvège et de la Russie ? Et bien, dans ces pays-là, non plus, on n'y connaît pas grand chose. De Stockholm à Kiruna ou Kautokeino, la distance est certes géographique, mais également culturelle. En Laponie, il existe même une police des rennes, dont la fonction est d'apaiser les conflits entre éleveurs : mélanges dans les troupeaux, vols de bêtes. Beaucoup plus rarement pour enquêter sur des homicides.

    Nina, fraîchement débarquée de Stockholm, officie dans la toundra avec Klemet, l'enfant du pays. Elle a tout à découvrir, des codes à essayer de comprendre, des preuves à faire. Les codes, Klemet les a. Avant lui, dans sa famille, on était éleveur. Même s'il a dressé une tente Sami dans son jardin, il a pris ses distances avec cette culture... Il a le coeur entre deux identités (ce qu'on ne manque pas de lui faire remarquer), et un passé qu'on devine un peu lourd à porter. 

    Quand à quelques jours d'intervalle, un tambour sami très rare est volé de l'exposition qui l'abrite, puis un éleveur solitaire retrouvé assassiné et les oreilles découpées, c'est évidemment le choc. Sur fond d'incompréhensions culturelles, de revendications d'autonomie et de manipulations politiques d'extrême-droite, les esprits s'échauffent rapidement. Mais comment ne pas faire le lien entre les deux affaires ? Non seulement le cadavre est mutilé, mais habituellement, en Laponie, quand on coupe des oreilles, ce sont celles des rennes, et dans certaines circonstances bien précises...

    Olivier Truc signe une enquête haletante, avec des ramifications sophistiquées. Mais on lit aussi entre les lignes le désarroi d'un peuple opprimé et victime du rouleau-compresseur de la modernité et des frontières ; le portrait d'une société puritaine ; la question sous-jacente des ressources minières dans des territoires sauvages et préservés. Multinationales contre éleveurs, passé contre avenir, culture autochtone contre culture dominante. Le tout dans une porosité constante, de nouvelles données à construire.

    Une enquête dépaysante, passionnante et édifiante.

    Le dernier Lapon, Olivier Truc (France / Suède). Points. 570 p. 8, 20 €.


    Trailer Le Dernier Lapon par Editions_Metailie

    A lire également, un entretien avec Olivier Truc, sur les ponts entre journalisme et polar.

    Catégories : Littérature Française 0 commentaire
  • Olivier Truc : "Le polar, un prolongement naturel du journalisme"

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    Et voilà que le polar scandinave est annexé par un Français. Olivier Truc, installé à Stockholm depuis une vingtaine d'années, est d'abord journaliste. Correspondant en Scandinavie pour Le Monde et Le point, il connaît très bien les sujets de société propres à cette région. Il a décidé d'en faire un polar, Le dernier Lapon, un concentré de plusieurs facettes d'une société souvent montrée en modèle. Et il nous emmène bien évidemment au-delà des évidences.

     

    Fais-moi les poches - Olivier Truc, vous êtes journaliste et auteur. Vous avez souvent écrit pour la presse sur les Sami. Utiliser ce thème dans la toile de fond de votre roman, c'est aussi un moyen de communiquer sur la situation des Lapons, un sujet peu connu ?

    Olivier Truc - J’en avais l’envie depuis longtemps car je considère que la situation des Sami est trop mal connue, même dans les pays nordiques. Dans mes articles, j’ai souvent raconté le modèle scandinave, mais ce modèle, bien sûr, a ses faces cachées, moins reluisantes, et la situation des Sami illustre parfaitement la double morale qui peut sévir dans ces pays. J’ai cherché à incarner les thématiques que je voulais mettre en avant à travers des personnages afin de les rendre accessibles au plus grand nombre.

    FMLP - Le polar est-il selon vous un genre qui se prête davantage (que la presse, le livre documentaire ou le roman par exemple) à l'exposition de situations géopolitiques complexes ?

    O. T - D’abord, je dirais que le polar est un genre qui est un prolongement très naturel du journalisme, car il partage avec lui l’aspect investigation. Une démarche parallèle, avec, également en commun, un rôle de critique sociale. Ensuite, il est vrai que l’aspect roman permet de se libérer des contraintes des faits pour prendre certaines libertés avec la vérité pour la rendre plus intelligible, plus accessible, sans pour autant trahir l’esprit des situations complexes. L’important est je crois l’impression générale que le lecteur conserve en ayant refermé le livre.

    FMLP- Votre roman a-t-il été traduit en Suède ou dans un pays scandinave ?

    O.T - Le dernier Lapon est déjà sorti en Finlande et en Norvège, et il sortira bientôt au Danemark et en Suède.

    FMLP - En ce moment, écrivez-vous un nouveau roman ? O. T - J’ai fini en mars 2014 la suite du dernier Lapon. Le livre sortira en septembre 2014 toujours chez Métailié. J’ai attaqué le troisième tome, j’en suis aux prémices, à l’investigation, aux rencontres, aux voyages, toute cette partie du travail que j’adore.

    FMLP - Le dernier Lapon en film, c'est prévu ?

    O.T - Un producteur suédois a acheté une option sur le dernier Lapon et travaille sur le projet depuis un certain temps. Je garde la tête froide, beaucoup d’options ne se transforment jamais en films.

    Catégories : Livre, Rencontres 0 commentaire
  • Les oreilles de Buster, Maria Ernestam

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    Pour ses cinquante-six ans, Eva a reçu un cadeau gentil, joli, attentionné, de la part de sa petite fille : un carnet pour tenir son journal intime. Drôle d'idée se dit-elle. Et puis petit à petit, comme si les pages vierges l'appelaient, elle va griffonner quelques mots. Jusqu'au moment où ce carnet, devenu réceptacle de secrets trop bien gardés, va manquer de pages devant la nécessité de la confession. Car Eva le dit dès les premières lignes : à 7 ans, elle a décidé de tuer sa mère. A 17, elle est passée à l'acte. Et à part le singulier Buster, jusqu'à ce fameux carnet, elle n'a eu personne à qui raconter son étrange destinée. Même Sven, l'homme aux contours un peu mystérieux qui partage sa vie, n'est au courant de rien...

    On n'est donc pas ici du tout dans le polar ou le thriller. Car le propos d'Eva, avec quarante ans de recul, c'est de poser un contexte, d'expliquer le processus. Eva est une femme ouverte, serviable, à l'écoute de ses proches, de ses voisins. Elle fut une enfant attachante. Elle n'a rien d'un monstre. Mais une connexion ne s'est pas faite entre sa mère, humiliante, égoïste et fantasque, et elle. Puis les événements s'enchaînent. Sans surprise pour nous, lecteurs, tenus d'emblée au courant du drame central. Mais dans la tension, l'attente du point de non-retour, dans le comportement de la mère tout autant que dans le geste de la fille.

    Les oreilles de Buster, Maria Ernestam (Suède). Actes Sud. 448 pages.

    9, 80 €

    Vous aimerez peut-être aussi : La tour d'arsenic, de Ann B. Radge ou Rien ne s'oppose à la nuit, de Delphine de Vigan

     

    Catégories : Livre 2 commentaires