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Fais-moi les poches ! - Page 11

  • Kinderzimmer, Valentine Goby

    Je voulais le lire depuis des mois. Il était là, il m'attendait, bien en haut de la pile. J'avais adoré Banquisesaimé en apprendre plus sur les méthodes de travail de Valentine Goby, basées sur l'immersion, l'investissement total.  Et puis Kinderzimmer, tout le monde en parlait. Mais plonger le temps d'une lecture dans l'enfer de Ravensbrück, ce n'est pas une mince affaire. J'ai donc tourné autour de longs mois avant d'oser lire les premières lignes.

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    Catégories : Littérature Française 2 commentaires
  • Patients, Grand Corps Malade

    téléchargement.jpgOn connaît le bonhomme et sa silhouette bancale. Ses textes fins et sa voix fantomatique. On le connaît derrière un micro, aimé ou brocardé, auteur de textes courts et percutants. Le voilà aux commandes d'un format différent : 165 pages de retour sur soi, de confessions, de révélations intimes sur une exprérience fondatrice : l'accident, l'hospitalisation, le handicap, la rééducation. La découverte brutale et complètement inattendue, à 19 ans, d'un monde dont les valides ne connaissent que les contours, les parties émergées.

    C'est l'autre face de la question que Grand Corps Malade veut ici mettre à jour. Le handicap, ça peut être un fauteuil, certes, mais c'est aussi une liste incroyablement longue de contraintes, de situations où la dignité est mise à mal, de dépendance jusque dans les fonctions corporelles les plus primaires, de questions existentielles sur soi et son rapport aux autres. Le centre de rééducation, tel que le décrit Grand Corps Malade, c'est un lieu où règne la solidarité, souvent, mais aussi une certaine hiérarchie assez cruelle, établie tacitement sur l'observation de la diminution des uns et des autres. Des rapports cordiaux avec le personnel soignant, et parfois de l'exaspération.

    On en apprend donc beaucoup dans Patients. Mais pas n'importe comment : la plume de Fabien Marsaud est vive. Elle ne passe pas par quatre chemins et sait susciter des émotions fortes et diverses. On trouvera beaucoup d'humour et d'éclats de rire, donc, au fil des pages, mais les larmes ne sont jamais très loin non plus. Le plaisir de la lecture est en tous cas évident, car le style et l'observaton fine des situations et des personnes se rencontrent de façon extrêmement efficace.

    Patients, Grand Corps Malade (France). Points. 165 pages. 5, 70 €.


    Chanter et écrire : Y revenir, de Dominique A.

     

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  • Sombre dimanche, Alice Zeniter

    hongrieC'est une petite maison en bois, à Budapest, au bord des rails, avec un jardin triangulaire. Il y a le bruit des trains, les déchets des passagers qui flottent dans l'atmosphère, et le rideau de fer, qui, de toute manière, enferme ses habitants en Hongrie. Alors ici ou plus loin, la famille Mandy ne se pose pas vraiment la question. C'est là qu'elle vit, de génération en génération. 

    Et dans cette maison, avec ses habitants, vit aussi l'histoire récente du pays, l'occupation allemande, celle de l'Armée Rouge, à l'époque des grands-parents. Avec ses traces indélébiles qui traversent les âges et dont le grand-père ne se débarrassera jamais. L'ouverture à l'ouest pour le jeune Imre et sa soeur après la chute du bloc de l'est. Un Français sera l'amant de l'une, une Allemande la femme de l'autre, comme un fantasme de liberté incarné. Avec ses ratés. Toujours dans ou autour de la petite maison de bois, dans son atmosphère viciée.

    Imre sera celui qui rompt le sortilège de la maison en bois. Cette maison qui semble condamner les femmes de sa famille. Il proposera un ailleurs, à son père aux origines floues, à sa soeur amochée. Et à lui-même, victime trahie de l'ouverture du rideau de fer.

    Si ce roman d'Alice Zeniter s'avère sombre, comme promis, il n'en est pas moins poétique. La banalité des existences y cache le rouleau compresseur de l'Histoire et la chape de plomb du secret.

    Sombre dimanche, Alice Zeniter (France). Le livre de poche.

    264 pages. 6, 90 €

    A découvrir aussi, écrit par Alice Zeniter : Jusque dans nos bras. Alice et Mad, deux amis d'enfance à Paris, dans les années 2000, ou comment faire un mariage blanc par amitié.  

    Sur les anciens pays du bloc de l'Est : Les vaches de Staline, de Sofi Oksanen ; Un verre de lait, s'il vous plait, de Herbjorg Wassmo ; Quand la lumière décline, Eugen Ruge.

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  • La maison atlantique, Philippe Besson

    003252965.jpgLa phrase de dédicace de ce roman a le mérite d'être claire "A mon père, qui, lui, fut un homme admirable". Philippe Besson annonce, en creux, la couleur quant au père de son roman : lâche, fourbe, manipulateur, traître... Le lecteur pourra lui attribuer bien des défauts. Et ce avant même d'avoir débuté le premier chapitre. Et ne sera pas déçu.

    Dès le début, aussi, le drame est annoncé, prévu. La narration, effectuée par le fils adolescent, est posée en témoin a-posteriori d'un drame inévitable. Reste à savoir comment, pourquoi, quand il va se produire et de quelle nature il sera. La tension est progressive, minutieuse, et le lecteur se ressent dès les premières lignes comme un confident privilégié. Cette tension dramatique s'oppose au cadre idyllique de vacances estivales, entre plage de l'Atlantique et parties de tennis.

    Le fils épie son père l'air de rien et attend le faux pas de trop. Ce prédateur séducteur lorgne sur la voisine, une jeune femme mariée à un homme sympathique. Il s'en accapare au cours des diners sur la terrasse, à la lueur vacillante des bougies. Va s'assurer de sa complète disponibilité, la vampiriser. Parce qu'il a l'habitude que rien ne lui résiste. Jamais.

    Philippe Besson nous a habitués à désamorcer d'emblée les suspenses finaux (Une bonne raison de se tuer) pour se concentrer sur les processus. Il y parvient avec brio cette fois encore, en resserant cette fois l'étau autour du lecteur.

    La maison atlantique, Philippe Besson (France). 10/18. 176 pages.

    7, 10 €

    A découvrir aussi sur ce blog: De là, on voit la mer.

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  • Anna Karénine, Léon Tolstoï

    002006461.jpgComme il est bon parfois de faire des pauses dans le rythme effréné des nouveautés, du contemporain. De s'extraire d'une actualité brûlante, délirante. De s'autoriser une pause avec un roman de 1000 pages, écrit par un Russe il y a 150 ans, dans lequel des aristocrates aux moeurs codifiés mais extrêmement modernes s'épient, s'aiment, se trahissent, meurent d'amour, défendent leur honneur, débattent de souveraineté des peuples, réfléchissent à une organisation plus juste de la société, devançant le souffle de l'Histoire.

    Il y a des titres comme ça que l'on connaît tous sans forcément aller jusqu'à les lire. Ce sont d'autres lectures qui nous poussent dans leurs bras. Ce fut le cas pour cette rencontre avec la belle Anna Karénine. Elle est citée dans tellement de romans, d'interviews d'artistes, qu'elle finit par vous mettre la puce à l'oreille. Grand bien lui en prend. Car dès les premières lignes, Tolstoï fait résonner à nos oreilles le trot des chevaux, les murmures des salons, les échanges enragés et retenus des époux trahis. Il nous donne à observer une société nantie qui vit ses dernières années, dans le faste et le débat d'idées et de moeurs.

    Qui a aimé Emma Bovary se laissera sûrement charmer par Anna Karénine, cette femme libre, décidée et soumise à sa passion. Qui a envie de décrocher de la réalité trouvera 1000 pages pour le satisfaire avec finesse. 

    Anna Karénine, Léon Tolstoï (Russie). Pocket. 980 pages. 4, 90 €

    Un voyage en train entre la Russie et la Côte d'Azur, et vice-versa, à l'époque des princesses et aujourd'hui : Noces de neige, de Gaëlle Josse, un roman à découvrir !

    Parmi les romans ou livres qui évoquent Anna Karénine : Le livre de ma mère, Albert Cohen ; Moi, Malala je lutte pour l'éducation et je résiste aus talibans, Malala Yousafzai...

    Catégories : Littérature Russe 0 commentaire
  • Armés d'un stylo

    charb.jpgOn se réveille un matin avec la réconfortante impression que tout ça n'était qu'un rêve. Qu'une telle horreur n'a pas pu survenir. Cela dure quelques secondes à peine et le boomerang vous frappe à nouveau. Si. C'est arrivé. Des dessinateurs, des journalistes, ont été exécutés, en France, en plein Paris, pour ce qu'ils représentaient. La liberté d'expression.

    Charlie Hebdo c'était un journal que l'on adorait, que l'on détestait, que l'on méprisait ou que l'on ignorait. Un journal drôle, outrancier, vulgaire, pertinent, légitime. En vente libre. Mais pas obligatoire. Un journal qui détestait toutes les formes d'intégrisme, tous ces mouvements si différents et aux principes pourtant toujours identiques : l'autre doit penser comme moi, se soustraire à ma loi.

    Sauf que les intégrismes ne se fondent pas dans le République. Jamais. Le Printemps Français n'est pas républicain. Le Front National n'est pas républicain. Le fondamentalisme islamique n'est pas républicain. Outre la grande violence symbolique et réelle de ces mouvements, leur refus viscéral d'accepter le monde tel qu'il est, un de leurs points communs, à travers le monde et les époques, c'est leur incapacité à tolérer ce qui représente la réflexion, la culture, l'expression, la liberté de ton. Cette incapacité à passer son chemin devant un acte, une représentation, une personne qu'il exècrent. A réagir par les mots et non par la Kalachnikov. A utiliser un stylo. Leur point commun, c'est la haine de l'autre. Celui qui est différent. D'une autre culture, d'une autre couleur, d'une autre religion, d'une autre orientation sexuelle, d'une autre sensibilité, d'autres choix de vie.

    En novembre 2011, alors qu'il répondait aux questions de Yann Barthès après l'incendie terroriste de la rédaction de Charlie Hebdo, Charb affirmait comprendre que des musulmans soient choqués par les caricatures de Mahomet. Et de continuer : « Mais moi, quand je passe à côté d'une église, d'une mosquée ou d'une synagogue, je suis choqué, quand j'entends les conneries qui se disent à l'intérieur. Mais c'est pas pour ça que je vais foutre le feu au bâtiment ».

    La phrase est simple et pleine de bon sens. Elle ne fait que retraduire les fondements de la République, de la déclaration des droits de l'homme. Elle n'est pas subversive et ne doit jamais le devenir.

    La presse, la littérature, le cinéma, la musique, le théâtre et toutes les formes d'expression artistiques nous élèvent, nous font réfléchir, nous choquent, nous perturbent.

    S'exprimer est une liberté fondamentale. Lire est une liberté fondamentale. Il aura fallu ce mercredi noir pour s'en souvenir. 

    o-JE-SUIS-CHARLIE-LOGO-facebook.jpg

    Catégories : Textes 0 commentaire
  • L'invention de nos vies, Karine Tuil

    mensonges, avocat, usa, terrorisme, coupleDe l'opportunisme à la mystification, il n'y aurait qu'un pas ? Sans doute, à en croire l'expérience de Samir, personnage tragique de ce roman. Il a suffi qu'un jour, au moment où sa carrière d'avocat pouvait décoller ou stagner à tout jamais, un malentendu naisse autour de son identité, de ses origines. Il a suffi qu'il se taise. Non pas qu'il mente, mais qu'il laisse dire. Et puis un jour, il a été trop tard pour faire machine arrière. Toute sa vie avait pris sens autour de ce mensonge originel, dans le confort et le succès d'une vie New-Yorkaise inespérée. Il était devenu Sam. De musulman, il était devenu juif, en empruntant des pans entiers de l'histoire véritable de Samuel, son ami d'enfance. Pour ce dernier, aux proies aux tourments de l'auto-dénigrement et de la spirale de l'échec, qui découvre de Paris l'ascencion fulgurante et les mensonges éhontés de Samir, bien des comptes sont à régler. Au centre desquels règne la splendide Nina, objet d'amour, de convoitise et de domination pour les deux hommes.

    Et le basculement survient. Le moment où toutes les cartes sont redistribuées, où le passé s'amuse, où toute tentative de contrôle est vaine. Al Qaïda, Guantanamo, succès littéraire font alors leur apparition comme des invités de dernière minute, incongrus et perturbants.

    Karine Tuil a su cacher plusieurs romans dans L'invention de nos vies. Celui du mensonge, de l'identité, de la honte d'abord. Puis celui du suspense, de la machinerie judiciaire, de la désolation, de l'enfermement dans ses propres pièges. Avec toujours une neutralité de jugement à l'égard des personnages. 

    Un excellent moment de lecture.

    L'invention de nos vies, Karine Tuil (France). Le Livre de Poche.

    504 pages. 7, 90 €

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