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Littérature Française - Page 8

  • Fleur de tonnerre, Jean Teulé

    Bretagne, poison, mort, légendesEn voilà une qui n'avait pas froid aux yeux : Hélène Jégado, bretonne par naissance et empoisonneuse par vocation. Il faut la comprendre, bercée de légendes et de croyances dès le berceau, elle se convainc très tôt qu'elle est elle-même l'Ankou. L'Ankou, vous savez, ce personnage mythique et effrayant de la tradition bretonne, qui vient faucher les âmes avec sa charrette qui grince et ses chevaux efflanqués (On renverra les lecteurs intrigués à La légende de la mort d'Anatole Le Braz, authentique, passionnant et effrayant recensement des croyances celtiques liées à la mort). Une bonne connaissance de la flore morbihannaise, et le tour est joué. Le premier forfait commis, un sentiment d'omnipotence habite Hélène, qui ne peut plus s'arrêter. L'employée de maison va tuer, tuer, tuer. Mission facilitée par sa présence obligatoire en cuisine. Elle sillonnera la Bretagne dans tous les sens, car elle aura parfois besoin de se faire oublier. Mais au 19ème siècle, l'information ne circule pas au même rythme qu'aujourd'hui. Il faudra donc un nombre impressionnant de victimes aux profils variés avant que ne cesse le règne mortifère d'Hélène, sur la place du champ de Mars de Rennes.

    Comme toujours, Jean Teulé signe un récit plaisant et simple, où se mélangent l'obscène, le drôle, le désespéré, avec cette fois une héroïne totalement désarçonnante à force d'amoralité. 

    Fleur de tonnerre, Jean Teulé. Pocket. 264 pages. 6, 20 €

    Et pour la petite histoire, une adaptation cinématographique est en cours de réalisation, sous la direction de Stéphanie Pillonca-Kervern, avec à l'affiche, Albert Dupontel, Miou-Miou et Miossec notamment. A suivre...

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  • En ville, Christian Oster

    002688120.jpgSi vous êtes friands de nouvelles façons d'écrire, de styles différents, ce roman entre dans vos critères.

    Au départ, un groupe d'amis, quinqua voire sexagénaires, parisiens. Ils se voient peu, se connaissent peu, mais se retrouvent annuellement autour d'un projet commun : leurs vacances estivales, ensemble. Certains sont en couple, d'autre séparés, en voie de l'être, entre deux déménagements, entre deux âges. Le consensus entre eux est minimal : l'été, le soleil. Il ne vient à l'esprit d'aucun d'eux de rompre ce terrain d'entente en s'engageant dans une relation plus poussée, plus intéressée, plus généreuse. Et cela fonctionne.

    Evidemment, un jour le statu-quo prend du plomb dans l'aile suite à un événement inattendu. Les relations vont évoluer, pas toujours dans le sens que l'on attendrait.

    Christian Oster réussit à nous faire pénétrer très intensément dans les pensées et les atermoiements de son narrateur. Un tour de force incroyable qui semble vraiment rendre compte du cheminement, confus mais naturel, de la pensée, des humeurs. On lit dans les pensées, on lit les pensées. Elles ne sont ni héroïques, ni audacieuses, ni toujours passionnantes. Mais c'est éminemment réaliste, fascinant aussi. Quant au roman en lui-même, c'est un objet de curiosité, une véritable expérience littéraire.

    En ville, Christian Oster (France). Points. 192 pages. 6.30 €.

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  • La grâce des brigands, Véronique Ovaldé

    Canada, Californie, USA, famille, écritureDu Canada puritain à la Californie, il n'y a qu'un trajet que la jeune Maria Cristina Väätonen va se décider à effectuer, adoubée discrètement par son finlandais et taiseux de père. Les études seront pour elle l'occasion rêvée de quitter les griffes d'une famille et d'une communautés peu portées sur la bienveillance où "ce qui était dit n'était jamais ce qui était prononcé". De s'affranchir de la culpabilité d'une soeur dont le cadran biologique est resté bloqué à l'adolescence.

    Nous sommes dans les années 1970, à Los Angeles. Pour Maria Cristina, les occasions de s'émanciper sont partout, tout le temps. En devenant secrétaire particulière de Claramunt, sulfureux écrivain à forte tendance mégalo-mythomane, elle plonge dans un univers qu'elle ne soupçonnait pas. Pour garder les pieds sur terre, il y a la protection bienvenue de Joanne, sa colocataire fantasque. Et puis Judy Garland, ce chauffeur mystérieux. Ses rêves d'écriture se concrétisant, elle va rencontrer le succès, dépasser le maître Claramunt. Et puis un jour le téléphone sonne et signale que c'est l'heure des comptes, là-bas, à Lapérouse, Canada. Pendant qu'elle y était persona non grata, son père est mort. Sa soeur a eu un enfant avec un gourou pétri de mauvaises intentions. Et sa mère a vieilli. Beaucoup. 

    Mais l'absence n'a pas effacé les liens. Maria Cristina va devoir donner de sa personne. A son corps défendant d'abord. Puis avec évidence.

    Véronique Ovaldé confirme dans ce roman ses talents de conteuse (déjà bien présents dans Des vies d'oiseaux), à travers un mode de narration astucieux et une chronologie désaccordée. L'envie de savoir titille, tout au long du roman. Un état de grâce sans nul doute que cette lecture très recommandable.

    La grâce des brigands, Véronique Ovaldé (France). Points. 240 pages. 6, 90 €

    Ce roman fait partie de la sélection 2014 du Prix du meilleur roman des lecteurs de Points.

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  • Le dernier Lapon, Olivier Truc

    51-IIyNtunL._.jpgVous ne connaissez rien sur la vie des Sami, ce peuple d'éleveurs qui vivent sur un territoire couvrant une partie de la Suède, de la Finlande, de la Norvège et de la Russie ? Et bien, dans ces pays-là, non plus, on n'y connaît pas grand chose. De Stockholm à Kiruna ou Kautokeino, la distance est certes géographique, mais également culturelle. En Laponie, il existe même une police des rennes, dont la fonction est d'apaiser les conflits entre éleveurs : mélanges dans les troupeaux, vols de bêtes. Beaucoup plus rarement pour enquêter sur des homicides.

    Nina, fraîchement débarquée de Stockholm, officie dans la toundra avec Klemet, l'enfant du pays. Elle a tout à découvrir, des codes à essayer de comprendre, des preuves à faire. Les codes, Klemet les a. Avant lui, dans sa famille, on était éleveur. Même s'il a dressé une tente Sami dans son jardin, il a pris ses distances avec cette culture... Il a le coeur entre deux identités (ce qu'on ne manque pas de lui faire remarquer), et un passé qu'on devine un peu lourd à porter. 

    Quand à quelques jours d'intervalle, un tambour sami très rare est volé de l'exposition qui l'abrite, puis un éleveur solitaire retrouvé assassiné et les oreilles découpées, c'est évidemment le choc. Sur fond d'incompréhensions culturelles, de revendications d'autonomie et de manipulations politiques d'extrême-droite, les esprits s'échauffent rapidement. Mais comment ne pas faire le lien entre les deux affaires ? Non seulement le cadavre est mutilé, mais habituellement, en Laponie, quand on coupe des oreilles, ce sont celles des rennes, et dans certaines circonstances bien précises...

    Olivier Truc signe une enquête haletante, avec des ramifications sophistiquées. Mais on lit aussi entre les lignes le désarroi d'un peuple opprimé et victime du rouleau-compresseur de la modernité et des frontières ; le portrait d'une société puritaine ; la question sous-jacente des ressources minières dans des territoires sauvages et préservés. Multinationales contre éleveurs, passé contre avenir, culture autochtone contre culture dominante. Le tout dans une porosité constante, de nouvelles données à construire.

    Une enquête dépaysante, passionnante et édifiante.

    Le dernier Lapon, Olivier Truc (France / Suède). Points. 570 p. 8, 20 €.


    Trailer Le Dernier Lapon par Editions_Metailie

    A lire également, un entretien avec Olivier Truc, sur les ponts entre journalisme et polar.

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  • 06 h 41, Jean-Philippe Blondel

    communication,amour,passé,trainLe roman à huis-clos est sans aucun doute un exercice risqué. Cela n'a semble-t-il pas effrayé Jean-Philippe Blondel, qui campe ce texte dans une seule unité de lieu : le train Troyes-Paris de 6 H 41. Ces trains paupières lourdes du lundi matin, à l'ambiance si différente des wagons du dimanche soir, avec leurs lots de blues de fin de week-end. Ces trains où l'on dort, on feuillette, on pianote. Souvent seuls malgré la proximité évidente des voisins de sièges.

    Un double voyage s'opère ici : dans l'espace bien sûr, avec ce train qui trace sa route vers Paris, mais dans le temps surtout. Car, par hasard, Cécile et Philippe se retrouvent côte à côte dans ce train. 25 ans plus tôt, ils ont été amants pendant plusieurs mois. Ils ont visité Londres ensemble. Puis, brusquement, leur histoire s'est arrêtée et ils ne se sont jamais revus. Ils ont mené des trajectoires parallèles, parfois inattendues. Et là, dans ce wagon, ils feignent de ne pas se reconnaître. Pourtant les émotions, les souvenirs, les rancoeurs, les questions surgissent en nombre. L'intimité du passé paraît incroyable, indécente presque.

    Jean-Philippe Blondel parvient dans ce roman à ménager du suspense, à éveiller des émotions universelles, avec aisance et subtilité. Le cynisme de certaines descriptions et réflexions ajoute du piment à l'ensemble. Un vrai coup de coeur ! 

    06 h 41, Jean-Philippe Blondel (France). Pocket. 158 pages. 5, 80 €

    A lire aussi : Jean-Philippe Blondel répond aux questions de Fais-moi les poches ! sur ce roman, la promiscuité obligatoire et les voyages en train.

     

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  • L'atelier des miracles, Valérie Tong Cuong

    51u7oIIp0fL._AA160_.jpgCroire aux miracles, c'est un brin audacieux. En tous cas un risque élevé de déception. Les personnages qui se retrouvent à "l'Atelier", un lieu de réinsertion censé revigorer les plus faibles avant de les remettre dans le grand bain de la vie, n'y croient pas trop, aux miracles. Ni à rien d'autre d'ailleurs.

    Entre Millie, la petite vingtaine, qui traîne sa culpabilité comme un boulet paralysant ; Monsieur Mike, le militaire déserteur qui en a vu d'autres, là-bas, en "Afgha" ; Mariette, la prof mariée à un député obsédé par son image, qui découvre qu'avoir attendu le burn-out n'était pas la meilleure option ; Jean, leur "sauveur" à tous, qui se ment sans doute pas mal dans sa pratique de la charité, on ne peut pas dire que tout est rose. Mais des choses se passent.

    A aucun moment, Valérie Tong Cuong ne tombe dans le piège des bons sentiments. Ses personnages ne sont ni tout à fait responsables ni complètement innocents. A l'"Atelier", l'entraide et la solidarité sont des valeurs primordiales, mais totalement dissociées de la morale commune. Le regard de l'autre est, selon les contextes, une torture ou une bouée. Et l'enfer, ce n'est pas que les autres.

    L'atelier des miracles, Valérie Tong Cuong (France). J'ai lu. 7, 50 €.

    A lire aussi : Valérie Tuong-Cong répond aux questions de Fais-moi les poches ! sur ses personnages et leurs complexités.

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  • Le roi n'a pas sommeil, Cécile Coulon

    002646733.jpgMais quel est ce truc insaisissable que maîtrise Cécile Coulon à la perfection pour créer une ambiance, une attente, une tension ? Comme dans Méfiez-vous des enfants sages, nous voici propulsés dans un univers américain, avec pour guide le jeune Thomas Hogan. Faut-il croire aux présages ? En tous cas, lorsqu'il était tout petit, sa mère l'a sauvé in extremis d'un petit et sournois serpent qui lui rôdait autour.

    Il lui faut combattre dès son plus jeune âge pour sortir la tête de l'eau. Le père de Thomas n'a pas eu de chance. Un accident l'a handicapé sérieusement puis a eu sa peau. Alors il faut faire vivre le famille et rester digne. Ce que Thomas fait, pas comme les petites frappes de son village, dont Paul, son copain d'enfance. Et après, après, c'est l'arbre des choix et des fatalités qui en entraînent d'autres. La belle Donna, les parties de poker, les coups de colère et les verres d'alcool de menthe...

    Le roi n'a pas sommeil, Cécile Coulon (France). Points. 144 p. 6, 20 €

    Ce roman fait partie de la sélection 2014 du prix du meilleur roman des lecteurs des éditions Points.

    Comment fait-on pour créer une ambiance, se doter d'un style reconnaissable bien qu'indéfinissable ? Dans un entretien, Cécile Coulon nous en dit un peu plus sur sa façon de travailler. 

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