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Littérature Française - Page 4

  • Désorientale, Négar Djavadi

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    Il y a le génie de ce titre, ce mot-valise qui résume vraiment parfaitement l'ambiance du roman, une trouvaille sémantique qui synthétise une histoire. L'histoire, c'est celle de Kimiâ. On fait connaissance avec la jeune femme dans la salle d'attente d'un hôpital parisien, où elle attend son tour pour une insémination. Dans cette salle à l'ambiance gênée, les pensées de Kimiâ remontent le fil de son existence, de Téhéran où elle est née, à Paris où elle vit. Entre les deux endroits, un parcours sinueux : la vie d'une famille d'opposants politiques aux régimes du Shah puis de Khomeiny, le deuil d'un pays, d'une culture étouffée par la dictature, l'exil à travers les montagnes, les menaces, l'adaptation à un nouveau pays, la quête d'identité, la terreur persistante, même longtemps après.

    Négar Djavadi économise ses phrases, sait toujours comment écrire pour aller droit au but, sans jamais rien ôter de la richesse des échanges entre les personnages. Le parcours de Kimiâ s'inscrit dans la géopolitique mondiale, comme dans l'intimité la plus ténue. Entre le très grand et le très petit. Désorientale, c'est un roman tout en finesse, qui évoque bien sûr le Persepolis de Marjane Satrapi.

    Désorientale, Négar Djavadi (France). 350 pages. Editions Liana Levi.22 €

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  • Juste avant l'oubli, Alice Zeniter

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    Dès qu'il est question d'île et de huis-clos, on ne peut s'empêcher de penser à Agatha Christie. Une île, des êtres humains regroupés dans un endroit exigu et hostile, autant de possibilités de scénarios angoissants. Mais ce n'est pas cette angoisse là que choisit Alice Zeniter en situant son roman à Mirhalay, île des Hébrides dont la sauvagerie n'a d'égale que la rudesse du climat et l'éloignement du continent. C'est autre chose, de plus subtil. Car Alice Zeniter, comme dans Jusque dans nos bras ou Sombre dimanche, décortique les relations humaines.

    Alors qui sont-ils, nos humains à observer, cette fois-ci ? Il y a Emilie, universitaire passionnée de Galwin Donnell, un romancier, auteur de polar, disparu mystérieusement sur l'île de Mirhalay des années auparavant alors qu'il y vivait en quasi-ermite. En charge de l'organisation d'un séminaire sur l'auteur, elle goûte sur place à l'ambiance de cette île où a vécu l'auteur qu'elle admire plus que tout. Il y a son  compagnon, Franck, qui essaie modestement de se montrer à la hauteur des relations hautement cultivées d'Emilie. Test éprouvant pour la solidité de son couple. Il y a le bal des universitaires avec leur hiérarchie plutôt obscure quand on ne fait pas partie du cercle. Il y a le gardien de l'île, qui a connu Donnell, et qui peine à dissimuler sa détestation pour tous ces pèlerins au vocabulaire enlevé. Et puis il y a les falaises, le vent, la pluie, l'écume, la solitude.

    A situation exceptionnelle, relations exceptionnelles. Nous ne sommes pas dans du Agatha Christie, mais le polar est présent dans les références au début, et dans l'intrigue à la fin. Mais la principale victime dans cette enquête-là est le lien entre Emilie et Franck.

    Juste avant l'oubli est un roman qui joue avec les codes, les références littéraires. Il crée habilement des attentes, pour mieux nous surprendre, dans un cadre qui laisse la place à toutes les fantasmagories.

    Juste avant l'oubli, Alice Zeniter (France). J'ai lu. 283 pages. 7, 10€

     

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  • Les gens dans l'enveloppe, Isabelle Monnin avec Alex Beaupain

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    C'est plus qu'un roman. D'abord la re-création d'une réalité à partir de photos de familles datant des années 70, achetées par lot sur internet par Isabelle Monnin, au gré du hasard. Une histoire qui se tricote à partir des regards sur les photos, de la couleur du papier peint, des absents, des récurrences. C'est ensuite une enquête, menée après l'écriture de la première partie, pour découvrir la véritable identité des "gens dans l'enveloppe". Une enquête, qui, à la grande surprise d'Isabelle Monnin elle-même, se révèle fructueuse très rapidement. Ses personnages de papier prennent une véritable identité. Elle les rencontre et confronte son histoire la réalité de cette famille. Les coïncidences sont parfois troublantes, les intuitions assez bien senties. Et la situation s'avère particulière, puisque l'enquête d'Isabelle Monnin la plonge dans l'intimité d'une famille qui lui est complètement inconnue. Une famille qui, à aucun moment, ne songe à lui fermer la porte. Ce sont enfin ces photos, présentes au centre de l'objet-livre, mystérieuses et familières.

    Et puis Alex Beaupain, compositeur-interprète de grand talent et ami de l'auteure, a parachevé le projet par un album musical (téléchargeable gratuitement à l'achat du livre), inspiré du texte fictif, comme de la véritable histoire de la famille. Sur cet album, les véritables protagonistes prennent le micro, racontant à leur tour l'histoire de Laurence, Michelle, Mémé Poulet.

    C'est donc un objet étonnant que ces Gens dans l'enveloppe, fusée à plusieurs étages. Roman, enquête, confessions autobiographiques aussi, oeuvre musicale. Une ambiance des années 70, des tricots rayés, des vacances au camping, des aspirations féminines, du monde qui change. Au delà d'un projet surprenant, un livre d'une grande qualité, plein d'émotion.

    Les Gens dans l'enveloppe, Isabelle Monnin avec Alex Beaupain (France). Le livre de poche. 8, 90 €

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  • Le coeur du pélican, Cécile Coulon

    coeur pélican.jpgAdolescent, il découvre, un peu par hasard, qu'il possède ce talent : courir plus vite que les autres. Anthime est rapidement pris en main par un entraîneur exigeant, qui fait de lui une étoile montante de l'athlétisme. Courir, pour lui, c'est avant tout affirmer son ego, exister tout simplement. Mais la carrière de sportif ne tient parfois qu'à une blessure, et c'est toute l'organisation de la vie de celui qu'on appelle le Pélican qui va en pâtir. L'ancienne étoile se terre, se fait oublier et capitule en acceptant une vie sans saveur. Son ego a disparu avec la course à pied.

    Des années plus tard, alors que le sport n'est plus qu'un lointain souvenir, une remarque d'un ancien camarade vient réveiller cet ego endormi. Le corps du pélican veut reprendre du service, sa volonté se remet en marche. Mais Anthime ne peut pas reprendre les choses exactement comme il les a laissés des années auparavant, le jour de sa blessure. Ses pensées s'échauffent au même rythme que ses muscles, au risque d'une implosion spectaculaire.

    Le coeur du pélican, Cécile Coulon (France). Points. 260 pages. 6, 90 €

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  • La théorie de la tartine, Titiou Lecoq

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    On avait laissé Titiou Le coq avec ses Morues, il y a quelques années. Un savoureux premier roman doté d'une charmante désorganisation apparente. On la retrouve avec La Théorie de la Tartine, ou l'évolution de nos pratiques quotidiennes en 10 ans de banalisation d'internet. Relations, business, rapport aux médias,  horizontalité de la parole, les personnages du roman font tous face à des domaines qui évoluent au rythme du big data.

    Comme dans Les Morues, on retrouve une association hétéroclite mais efficace de personnages, liés par internet. Un web-journaliste, une étudiante en proie aux premières porn revenge de l'histoire, un hacker adolescent associal et en rupture avec ses parents. Liés par une première affaire en 2006, on les retrouve 10 ans plus tard, toujours solidement accrochés au rocher internet. Mais en 10 ans, l'outil a fait du chemin.

    Comme dans son premier roman, la blogueuse, geek et web-journaliste Titiou Lecoq sait allier humour et sujets plus profonds (il était question de viol et de partenariats-public-privé dans les Morues !). Véritable réflexion sur la toile, La Théorie de la tartine est aussi un roman léger et plaisant, dont les relations humaines, finement observées, constituent l'épicentre.

    La théorie de la tartine, Titiou Lecoq (France). Le livre de poche. 416 pages. 7, 30 €

    En 2013, Fais-moi les Poches ! avait rencontré Titiou Lecoq pour parler des Morues : c'est ici !

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  • Vernon Subutex, Virginie Despentes

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    Vernon appartient au monde d'avant. Celui des disquaires et de la photo argentique. Un monde où les gens s'adossaient à son comptoir et passaient des heures à choisir la musique qu'ils allaient écouter, en manipulant les disques comme des objets précieux. Evidemment, Vernon n'a plus de boutique, pas plus que de clients. D'ailleurs il ne va pas tarder non plus à ne pas avoir d'appartement. Lui restera son compte Facebook qu'il ira consulter en traînant dans les Apple Store. Pour garder le contact avec ses amis ou anciennes connaissances, susceptibles de lui déplier un bout de canapé si le contact se noue. La mort d'Alex, star connue du rock, avec qui il jouait avant, va précipiter les événements. On lui court après. Les anciens amis communs se remémorent le beau gosse, le chanteur doué et séduisant, adulé ou détesté, toxico jusqu'à la moëlle, mort, comme tout rocker qui se respecte, dans la baignoire d'un hôtel.

    Ici les ex-stars du porno sont en prise avec des enfants en voie de radicalisation, les scénaristes réac doivent faire face à la mort de leur chienne, les mères inconsolables scrutent les pupilles des enfants, les trans sont les plus séduisantes des femmes, les vendeurs d'H et M le jour se transforment en brutes fascistes la nuit. Et Vernon, lui, n'a plus rien, mais a conservé l'essentiel : le bon vieux rock qui le fait tenir est là, sur son ipod. Comme une dernière passerelle entre le monde d'avant et celui d'aujourd'hui.

    Cinglant, drôle, trash, préoccupant, rythmé, mystérieux, ce premier tome de Vernon Subutex attire irrésistiblement vers le deuxième.

    Vernon Subutex, Virginie Despentes (France). Le livre de poche. 432 pages. 7, 90 €

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  • Pardonnable, impardonnable, Valérie Tong Cuong

    famille,mensonges,accident,culpabilité,règlements de compteMilo a douze ans. En faisant la course à vélo avec sa tante Marguerite, il dérape et s'effondre. Et avec lui toute la famille, ses non-dits, ses mensonges, ses tensions. Tandis que l'inquiétude dévaste ses proches, une vague de fond venue des profondeurs de leurs relations s'abat sur chacun d'entre eux. Elle ne fait pas dans le détail, les ravages sont conséquents. C'est l'heure des comptes et l'addition est salée.

    La culpabilité grignote Marguerite pout commencer, mais attaque progressivement Céleste et Lino, les parents de Milo. Pour d'autres raisons, à cause d'autres drames qui reprennent vie avec cette chute. Jeanne, la grand-mère, va aussi devoir éclaircir bien des points qu'elle pensait acquis. Pendant ce temps, Lino stagne ou progresse dans sa convalescence, éponge plus que sensible aux tensions qui l'environnent.

    Le personnage trouble de Marguerite n'est pas sans rappeler Mina, la jeune fille en perte de repères de L'Ardoise Magique. Comme ces produits chimiques totalement neutres quand ils sont utilisés seuls, et activateurs au contact d'autres éléments, Marguerite est un révélateur, un élément déclencheur.

    Pardonnable, Impardonnable, Valérie Tong Cuong (France). J'ai lu. 313 pages. 7, 50 €

    A lire aussi, de la même auteure :L'Atelier des Miracles.

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