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Littérature Française - Page 5

  • L'amour et les forêts, Eric Reinhardt

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    Avec L'amour et les forêts, on tient entre les mains un de ces romans avec lesquels il devient rapidement insupportable de ne pas connaître la part de réel et de fiction (sentiment rappelant un peu La petite communiste qui ne souriait jamais de Lola Lafon). Parce qu'il s'agit d'un auteur, prénommé Eric, qui rencontre une des ses lectrices, évidemment, le texte a un sérieux goût de récit "tiré d'une histoire vraie". Mais le pacte n'est pas établi explicitement avec le lecteur, alors on doute, on s'interroge. Avant, finalement, de se laisser aller.

    Cette lectrice, c'est Bénédicte Ombredanne. Une femme d'une quarantaine d'années. Avec Eric, ils se rencontrent à la terrasse d'un café pour parler de son dernier livre. Mais rapidement, Bénédicte va être amenée, encouragée par Eric, à parler d'elle, de sa vie. Le romancier découvre alors le cauchemar conjugal d'une femme harcelée par son mari, dans tous les détails du quotidien, en continu. Plus tard, des interruptions dans leur correspondance éléctronique feront planer des inquiétudes légitimes sur le quotidien de la jeune femme.

    Humiliée, dénigrée, Bénédicte Ombredanne trouve pourtant en elle un jour le courage de vivre un peu pour elle, de se préoccuper de son bonheur. Elle se branche sur Meetic et rencontre un homme. Il lui fait vivre le frisson, le vrai. Elle passera le reste de sa vie à en payer le prix.

    Difficile de ne pas penser à Anna Karénine ou Madame Bovary, héroïnes au destin tragique, à la lecture de ce roman, qui fait planer sur lui l'ombre mystérieuse de Villiers de l'Isle Adam. Avec un style un peu surranné, l'emploi d'un vouvoiement surgi d'un autre siècle, une élégance constante, Eric Reinhardt réussit un conte moderne, onirique et on ne peut plus réaliste, où Bénédicte apparaît comme une icône.

    L'amour et les forêts, Eric Reinhardt. Folio. 416 pages. 8, 20 €

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  • Une histoire de sable, Benjamin Desmares

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    Jeanne, 16 ans, fille unique, part s'enterrer avec ses parents geeks à la mer pendant une semaine de vacances en plein février. Ambiance sinistre, maisons fermées, commerces vidés à la hâte en attendant la saison prochaine : il y a tout pour déplaire à une ado. Sans parler du vent. Et du sable. Ce sable qui s'infiltre partout. Tellement présent qu'on pourrait le compter. D'ailleurs, c'est ce qu'elle va faire, Jeanne, compter les grains de sable pour que les journées s'écoulent plus vite.

    Heureusement, rapidement, Jeanne rencontre deux garçons. Ils sont étranges, Bruno et Alain, les deux frères, avec leurs coupes au bol et leurs survêts flashys. Mais au moins, ils sont là. C'est toujours mieux que la mémé à vélo qui ne parle jamais mais dont tout le monde parle, en prenant soin de baisser le ton. Mieux aussi que le PMU où on ne sert que du thé pas terrible et où tout le monde parle d'histoires du coin auxquelles elle ne comprend rien. Mieux que le chat, qu'il a fallu traîner en vacances et qui miaule faux. C'est surtout mieux que ses parents, qui ont le don de l'exaspérer rien qu'en respirant.

    Jeanne, Bruno, Alain. Ils passent des heures assis sur le perron d'une maison originale, à moitié engloutie sous des tonnes de sable. Ils parlent et se taisent. Et puis un jour, entre Jeanne et Bruno, la relation évolue. Et les mystères s'épaississent.

    Une histoire de sable est un roman qui prend son lecteur par la main et l'emmène dans une zone inconnue, où il ne pensait pas atterrir en ouvrant la première page. Un joli portrait d'ado, écartelée entre des sentiments contradictoires, ultra-réactive. Un hymne à la "morte-saison" qui offre tous les possibles à l'imagination et une ambiance incomparable. Une nostalgie des années rubik's cube et des posters délavés d'E.T. Et une invitation à se laisser surprendre.

    Une histoire de sable, Benjamin Desmares.

    Editions du Rouergue, collection doado. 134 pages. 10, 70 €

    Catégories : Littérature Française, Littérature jeunesse 0 commentaire
  • Le dernier gardien d'Ellis Island, Gaëlle Josse

    ellis island, migrationQuand, il y a quelques années, Gaëlle Josse a arpenté les couloirs d'Ellis Island, elle a été happée par les regards qui habitaient les murs. Ces regards de migrants, photographiés au cours des années dans cette antichambre de la vie américaine, du possible futur en terre de liberté et de prospérité. Car avant de devenir -peut-être- un Américain libre, il fallait subir l'expectative, l'humiliation du "tri", l'isolement, le déracinement sur cet îlot.

    Nous sommes en 1954, et la fermeture du centre est programmée dans quelques jours. John Mitchell est le dernier responsable du site, et avant d'en rendre les clés, il s'impose un bilan. S'y rencontrent des ombres errantes, des amours, des regrets, la domination des rapports humains.

    Nul doute que le lieu campe un véritable personnage dans ce roman d'ambiance.

    Le dernier gardien d'Ellis Island, Gaëlle Josse (France). Le livre de poche. 6 €

    A découvrir aussi, du même auteur : Nos vies désaccordées ; Noces de neige.

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  • Tout doit disparaître !

    Janvier, les soldes. Scènes d'euphorie collective irrationnelle ou achats mûrement réfléchis, difficile d'échapper à la tentation des bonnes affaires. L'univers commercial n'échappe pas à l'observation par les écrivains. Voici trois idées de lecture de saison. (Mais inutile de s'alarmer pour vos achats de bons romans : le prix du livre est fixe en France, invariable selon les points de vente et les époques de l'année !)

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  • Des impatientes, Sylvain Pattieu

    Sylvain Pattieu.jpgAlima l'appliquée, Bintou l'indomptable, leur prof déprimé et tous les événements qui font le quotidien d'un lycée de banlieue parisienne : voilà pour le décor de ce roman de Sylvain Pattieu. Au gré des retards, des prises de becs, des heurts et des affinités, ça se passe bon an mal an, mais ça se passe. Jusqu'au jour où une embrouille improbable mène les deux filles à un crêpage de chignon aux conséquences fâcheuses : leur prof est blessé. Conseil de discipline. Renvoi.

    Bienvenue dans une autre vie, changement de décor, les grilles du lycée sont remplacées par la pointeuse de Décora, le magasin d'ameublement dans lequel les deux filles se retrouvent caissières. La grande gueule de Bintou et la finesse d'Alima va les rapprocher dans cet environnement nouveau. Observées par un vigile timide et amoureux, elles réinventent la lutte des classes sans en connaître aucun code. Mais le moins qu'on puisse dire, c'est que ça déménage. Gros coup de jeune sur le syndicalisme !

    Roman choral frais, Des impatientes offre un regard décapant et pétillant sur la banlieue, les relations entre les générations, les codes sociaux et la vie de l'entreprise. 

    Des impatientes, Sylvain Pattieu (France). Babel. 265 pages. 8 €

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  • Debout-payé, Gauz

    debout payé.jpgDebout-payé, c'est le roman d'un paradoxe : celui de l'invisibilité qui force le respect. L'invisibilité de ces hommes debouts, à l'entrée des magasins, qui surveillent les larcins. Témoins privilégiés de nos habitudes de consommations, de nos attitudes louches, de nos compulsivités acheteuses. Le respect qu'ils inspirent, baraqués comme ils sont, imposants, scrutateurs. 

    Le vigile est debout. Ivoiriens, Sénégalais, Camerounais, ils représentent à aux seuls, dans les boutiques de luxe des Champs-Elysées, l'exil économique forcé. "Envoyez de l'argent au pays", les exhortent les campagnes de publicité de Western Union. Alors c'est ce qu'ils font. Ils ont parfois abandonné là-bas des études de médecine pour vivre dans une chambre de 9 mètres carrés à Paris, qu'il se partagent à plusieurs, par roulements. Ossiri, étudiant Ivoirien devenu vigile après avoir hérité du curieux statut de "sans papier", est de ceux-là. Il narre son quotidien avec distance, humour et analyse.

    Le vigile a un vocabulaire propre, un peu codé, des astuces innombrables, de grandes facultés d'observation des clients et des vendeurs, et beaucoup d'ironie sur la société qui l'entoure, dont il est un rouage étrange, à la fois indispensable et ô combien interchangeable. Alternant glossaire, tranches de vie, notions géo-politiques, flash-backs, citations, et réflexions personnelles, Debout-payé est un roman à multiples facettes.

    Debout-payé, Gauz. Le livre de poche. 216 pages. 6, 60 €

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  • La petite femelle, Philippe Jaenada

    La petite femelle.jpgPhilippe Jaenada pousse à la transgression. C'est comme ça, ça se voit tout de suite. Dans son style, où il se permet, de manière désormais légendaire et éhontée, d'aligner les parenthèses et les digressions, d'évoquer ses propres acouphènes alors qu'il a tacitement promis au lecteur de lui dresser le portrait d'une autre personne que lui, dans ses choix de défendre par la littérature des êtres conspués en leur temps par la société, et finalement parce que c'est le seul auteur dont je chronique les livres bien avant qu'ils ne sortent en poche, allant ainsi à l'encontre du contrat que je passe moi-même sur ce blog. Ca m'avait déjà fait le coup avec Sulak, voilà que je retombe dans le panneau avec La petite femelle. Parce que voilà, impossible d'attendre. Depuis le Chameau sauvage, quand Jaenada sort un roman, c'est un rendez-vous incontournable, et qui ne tolère pas la patience. L'envie de partager titille trop. Partager les ascenseurs émotionnels vertigineux de ses premiers romans, les découvertes issues d'un travail de fourmi sur des personnages réels dans les deux derniers, et les moments tellement romanesques qu'ils paraissent inventés alors qu'en fait, non, pas du tout, comme dans Plage de Manaccora.

    Bien sûr, depuis Sulak, les choses sont devenues plus sérieuses. Ici, en compagnie de Pauline Dubuisson, on ne rigole pas à toutes les pages. On devient même parfois expert en stratégie militaire, et historien avisé. Je ne sais pas si Philippe Jaenada a écrit ce livre de façon linéaire, mais c'est l'impression que cela donne. On ressent presque l'humeur du jour dans chaque volée de pages écrite à la suite. Le fil de l'histoire de Pauline se dessine, et l'on voit son biographe au travail, on sait où est posée la bouteille de whisky (Oban) dans la pièce, que les volets sont clos, et que le mot "saucisse" apparaitra forcément. Deux biographies en une, c'est une affaire.

    Bon alors, et Pauline dans tout ça ? Elle a 12 ans en 1939 lorsque la guerre éclate, et vit dans les environs de Dunkerque, dans une famille bourgeoise très peu réjouissante. Elevée comme une arme de destruction massive par un père obsédé par l'idée de dominer dans cette jungle sans nom qu'est la vie, elle est une tête bien faite et une tête pensante. Plus que brillante dans les études, Pauline a soif d'apprendre, de connaître, de savoir. Quand elle s'éveille à la sensualité, les hommes qu'elle a sous les yeux sont Allemands.

    On devine la suite, faite d'humiliations et de tontes de cheveux. Et puis le temps passera, il y aura Félix, des demandes en mariages, des jeux de chat et de souris, des je te tourne autour mais non, des je t'aime si tu me quittes, des je te quitte si tu m'aimes. Et un jour le drame. Et il y aura mort d'homme.

    C'est un procès entièrement à charge que subira Pauline Dubuisson. Celui de la bien-pensance de la société d'abord, d'une enquête policière qui ne retiendra que les éléments compromettants pour effacer les autres ensuite. Alors que la plume de Philippe Jaenada, s'appuyant sur les véritables éléments de l'enquête, parvient à mettre en évidence les nombreuses incohérences qui condamnèrent Pauline. La plume facétieuse de notre ami Philippe se fait compatissante, justicière et dérangeante. Et puisqu'il transgresse, qu'il ose tout, ses comparaisons entre l'affaire et sa vie quotidienne, et au-delà la nôtre, rendent plus vivante encore cette affaire qui aurait pu tomber dans l'oubli. Evidemment, il faudra  tempérer mon point de vue de fan inconditionnelle de Jaenada, mais selon moi, La petite femelle est LA lecture incontournable de l'année à venir !

    La petite femelle, Philippe Jaeanada (France). Julliard. 706 pages. 23 €. 

    A découvrir aussi sur ce blog : Sulak, le braqueur pacifiste dont la société a eu la peau.

    Plage de Manaccora, 16 h 30, ou la tension dramatique portée à son summum en plein été italien.

    Bienvenue en Transylvanie, neuf histoires de vampires, dont une nouvelle de Philippe Jaenada : Bogdana

    Un entretien avec l'auteur, concernant l'écriture de ce recueil de nouvelles : Entretien avec un vampire.

     

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