Revoilà Philippe Besson avec son style elliptique, tranchant et "durassien". Alors qu'on l'avait suivi jusqu'à Los Angeles dans Une bonne raison de se tuer, il nous propose ici des aller-retours entre Paris et Livourne, en Italie. Louise s'y retire pour écrire. Elle a besoin de cette distance, de cette solitude. François, son mari, l'a bien compris, depuis longtemps. Louise ne lui a jamais fait mystère de ses conditions : pour écrire, elle a besoin d'un contexte. Elle ne peut pas et ne souhaite pas transiger là-dessus. Elle ne rendra pas de compte car la nécessité de l'écriture est souveraine dans l'organisation de sa vie.
François est donc resté à Paris. Mais cette fois-ci, une tierce personne va occuper le premier rôle. C'est Luca, un très jeune homme du village, là-bas, en Italie. François aura beau exprimer sa détresse, par les mots et par les actes, Louise est un roc et continue à imposer ses conditions, vaille que vaille.
Il est bien sûr beaucoup question de couples dans ce roman, mais par transparence, c'est la tyrannie de l'écriture qui signe sa présence.
De là, on voit la mer, Philippe Besson (France). 10/18. 192 p. 7, 10 €
Emprunter le pont sur la Bidassoa entre Irun et Hendaye, l'Espagne et la France, n'a pas toujours été une simple promenade. Ama, dans ce roman, a traversé ce pont en retenant son souffle, fuyant avec sa famille l'Espagne qui continuait inexorablement sa marche vers la dictature, chassant par la terreur les mauvais sujets. Il a fallu avoir l'air de juste partir pique-niquer. Pas de bagage. Quelques colliers dissimulés sous un col montant en gage de livret d'épargne. Et la peur au ventre. Aïta, le patriarche, est resté en Espagne. Il lui faudra à son tour détourner l'attention en achetant son billet de train vers la liberté et rejoindre les siens.
Cap vers l'Amérique du sud. Bel oiseau, oiseau de nuit, ici comme ailleurs, nul ne souhaite vivre derrière des barreaux. Même les oiseaux de paradis dans les cages dorées, dont fait partie Paloma, gosse de riche à qui rien ne manque, ont parfois besoin de prendre l'air, de quitter le nid. Alors la jeune fille s'envole, encanaillée avec un jeune et rêveur voyou, qui, comme sa mère, est originaire des contrées honteuses et poisseuses d'Irigoy. Oiseau de malheur que ce jeune homme ? Pas si sûr. Il vient remplir une vacuité douloureuse pour Paloma, dont la meilleure amie a perdu la vie.
Comment faire parler une image, un cliché en noir et blanc, témoin muet d'une époque ? Hélène n'en a pas la moindre idée, alors elle tente : après avoir trouvé un cliché représentant sa mère dont elle ne sait rien, elle agit comme quelqu'un qui n'a rien à perdre. Elle publie une annonce dans Libération, pas pour retrouver la trace d'un inconnu croisé dans le métro, mais pour trouver des réponses que plus personne autour d'elle ne peut lui donner. Avec cette photo, qui date de près de 40 ans, une coupure de presse, des noms, un lieu. Un faisceau d'indices faible.
Comment écrire une autobiographie en effleurant juste les personnes et les événements ? Comment exprimer de l'amertume par rapport à son enfance quand celle-ci n'a pas été le théâtre de drames ou de désamours ? Dominique Ané choisit d'évoquer les lieux, juste les lieux. Des lieux boule au ventre, ceux où il a grandi. Pas de misère, pas d'insalubrité, loin s'en faut, mais un sentiment d'isolement, de morne plaine autour de la cité historique de Provins. Alors quand Dominique Ané sera devenu Dominique A., le parolier que l'on connaît pour avoir apporté un souffle nouveau dans la chanson française au milieu des années 90, quand les années auront passé, quand il aura mis cap à l'ouest, il y repensera à cette ville. 