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Fais-moi les poches ! - Page 20

  • La petite cloche au son grêle, Paul Vacca

    adolescence,proust,lecture,maladie,mort,insoucianceRécit d'enfance, d'adolescence. Roman de la candeur, de la légèreté. De l'insouciance et du drame. Le narrateur replonge dans ses tendres années et se voit confronté à la nécessité de les raconter, en entendant sonner une petite cloche, sa petite madeleine de Proust à lui, et ce n'est pas rien de le dire. L'école n'est pas dans ses sujets de priorité, surtout avec une prof de français pareille, toujours prête à humilier sa prose devant toute la classe. Ce qui a le don de mettre hors d'eux des parents -une mère surtout- fiers de leur progéniture. Fiers et surtout confiants, bienveillants, aimants, solides. Il y a les filles, les billets doux qui finiront par s'écrire, pour finalement tomber de la poche de l'entremetteur pourtant de bonne volonté. Il y a le café des parents, où l'arrivée inopinée d'un roman classique va bouleverser le quotidien. Les copains, les escapades en vélo, le nom des fleurs, Pierre Arditi. Il y a tout ça. 

    Et puis cette mère qui prend le train. Une fois, puis une autre, pour des raisons qui ne sont que des prétextes, des motifs imaginaires voués à préserver l'innocence de cet enfant plein de vie. Ses retours, amaigrie. Ce père qui se plie en quatre pour inviter le rêve dans le quotidien.

    Les mots sont doux, simples, fleurent la nostalgie et les grandes vacances au grand air. Une tendresse infinie surgit de ce roman, prenante. Le récit d'une enfance réussie, mais marquée d'un chagrin tellement inénarrable qu'il ne sera qu'effleuré, induit sous la pudeur et la délicatesse. 

    La petite cloche au son grêle, Paul Vacca (France). Le livre de poche.

    162 pages. 6,10 €.

    La petite cloche au son grêle, une  autobiographie ? Pour le découvrir, lisez l'entretien avec Paul Vacca

    Si vous avez aimé ce roman, vous apprécierez peut-être Fruits et légumes, d'Anthony Palou.

    Catégories : Livre 4 commentaires
  • Paul Vacca : "La lecture, un acte charnel et fédérateur"

    385671_235819876544592_468334448_n.jpgDans La petite cloche au son grêle, Paul Vacca fait adhérer le lecteur, à son insu, à un pacte autobiographique. Pourtant, les apparences peuvent se révéler trompeuses. C'est ce que nous explique l'auteur, avec la fraîcheur que l'on retrouve dans son roman. Merci à lui pour ces révélations surprenantes sur ses "secrets de fabrication".

    Fais-moi les poches - Pour commencer, quelle est la part d'autobiographie dans ce roman ?

    Paul Vacca - Je serais tenté de dire "rien" puisque toute cette histoire est une pure fiction. Je n'ai pas vécu dans le Nord, ni dans un bar, je n'ai pas lu Proust à 13 ans etc. Je n'avais pas à travers ce roman l'envie de me raconter, ni de faire de mon expérience et de ma vie un matériau fictionnel. Pour autant, il se glisse toujours qu'on le veuille ou non d'ailleurs -une part d'autobiographie... Mais elle reste difficile à évaluer. Où se situe-t-elle ? Je ne saurais le dire. Si, j'avoue, j'ai quand même cédé une petite concession autobiographique : j'ai bien eu une prof de Français qui s'appelait Mlle Jeannin qui m'a fait subir les mêmes supplices en classe qu'au narrateur !

    FMLP - Pourquoi avoir choisi le style autobiographique, avec une telle vraisemblance dans les descriptions et les ressentis, pour écrire ce roman ?

    P.V - Je ne sais pas si ce sont les decriptions ou les ressentis qui créent cet effet. Je serais tenté de dire que c'est plutôt par le "pacte autobiographique" que je passe avec le lecteur en parlant à la première personne. Cela induit fatalement un certain type de relation au récit. Je voulais jouer de cet effet d'optique pour créer un effet de réel... Le paradoxe romanesque : tromper le lecteur pour qu'il soit en confiance. Je recherchais plus de proximité pour cette histoire. C'est d'ailleurs un des ressorts de toute fiction... C'est aussi un autre clin d'oeil à Marcel Proust. La Recherche du Temps perdu est écrite à la première personne sur un pacte autobiographique... Mais Proust en a fait une oeuvre romanesque à part entière évidemment. Il y a bien sûr le terreau vécu mais c'est la transformation, l'alchimie proustienne qui importe, sa vision... Et jamais le narrateur ne donne son nom bien que souvent on entend parler de "Marcel" le concernant. Toutes proportions gardées, j'ai subi la même méprise sur le nom du narrateur : à plusieurs reprises des lecteurs ont évoqué un certain Paolo alors que nul prénom n'apparaît jamais.

    FMLP - Pourquoi avoir choisi la deuxième personne du singulier pour évoquer la mère du narrateur ?

    P. V - C'est un choix qui s'est imposé à moi en cours d'écriture. J'ai commencé le livre à la troisième personne, puis à la première personne uniquement... Mais une fois le premier jet rédigé, j'ai senti que quelque chose cochait - si je peux me permettre le jeu de mots. Cette histoire pour être portée jusqu'au bout devait contenir une adresse du narrateur à sa mère. D'où l'idée du "tu" qui a germé. Je voulais que le lecteur se retrouve plongé dans une confidence entre un fils et sa mère ; sauf qu'il s'agit du livre que le lecteur est en train de parcourir. Ainsi le lecteur tient dans ses mains le fruit de la promesse de l'enfant, le livre qu'il a promis à sa mère. Je voulais que le lecteur puisse ressentir une forme de libération à la fin du roman. En lisant le livre, il a vécu -et participé !- aux retrouvailles du fils et de sa mère.

    FMLP - La lecture, la famille, l'amitié : des remèdes simples contre les agressions extérieures ?

    P. V - Remèdes simples, je ne sais pas... J'ai souhaité montrer en tous cas que la lecture, loin d'être un acte passif et solitaire, constitue un acte charnel et fédérateur. Une lectrice perspicace m'a d'ailleurs fait remarquer que le livre trouvé par le narrateur dans le roman -Du côté de chez Swann- jouait le rôle de fée dans cette histoire qu'elle qualifiait de conte... En effet, il fédère et unit la famille dans une certaine mesure lui jette un sortilège de bonheur ou d'antidote au malheur. Les livres ont ce pouvoir. C'est d'ailleurs ce que vous prouvez quotidiennement dans vos blogs littéraires : la lecture comme puissant objet de partage et d'échanges qui permet de transcender les vicissitudes quotidiennes. Alors toutes mes félicitations pour ce que vous faites ! Et un message : continuez !

    Catégories : Livre, Rencontres 2 commentaires
  • Cette main qui a pris la mienne, Maggie O'Farrell

    irlande, londres, soho, secret, histoire familiale, mort, journalisme, maternité, bébé

    Ce roman est à classer dans la catégorie des livres qu'on repose les yeux dans le vague, stupéfait aussi bien par l'histoire qu'ils nous racontent que par le talent de l'auteur à le faire. Un pavé qu'on se hâte de retrouver.

    Deux destins nous sont contés, en parallèle, mais sans point -apparent- de convergence.

    Celui de Lexie, qui au gré d'une rencontre va partir à l'assaut de la capitale anglaise et découvrir l'univers du journalisme dans les années 60. Elle va apprendre sur le tas le métier de critique artistique dans le journal Elsewhere, en même temps que la vie d'une femme libérée, ayant quitté la campagne asphyxiante pour les possibilités d'une ville bouillonnante, d'un Soho excitant.

    Celui d'Elina, jeune maman londonienne d'origine finlandaise, qui essaie de se remettre tant bien que mal d'une césarienne traumatisante, de nos jours. La jeune femme découvre avec stupeur la difficulté de la vie juste après une naissance, période pendant laquelle les douleurs physiques liées aux cicatrices, à l'allaitement, le disputent au manque de sommeil, à la reconstruction des relations au sein du couple pour venir s'éclater sur l'évidence d'un attachement viscéral à son enfant.

    Bien sûr, dès le début du roman, on pressent qu'un lien doit nécessairement exister entre les deux femmes, les deux époques, sans percevoir le moins du monde de que ordre il peut bien être.

    Ce roman est prenant comme peuvent se révéler les grandes sagas familiales, presque obsédant dans la recherche de la logique narrative qui va finir par nous sauter au visage, violemment, à quelques pages de la fin. Ces pages où on va enfin découvrir le lien secret entre les personnages.

    Cette main qui a pris la mienne, Maggie O'Farrell (Irlande / Grande-Bretagne). 10 / 18.  403 pages. 8, 40 €

    Si vous avez aimé ce roman, vous aimerez peut-être : La tour d'arsenic, Anne B. Radge Rien ne s'oppose à la nuit, Delphine de Vigan.

    Catégories : Littérature Britannique 0 commentaire
  • Les lisières, Olivier Adam

    9782290068489_cb.jpgLa sortie de ce roman en grand format ayant été très médiatisée, il y a de cela moins d'un an, c'est avec quelques représentations pré-conçues, nourries de commentaires et d'interviews de l'auteur, que j'appréhendais sa lecture. Je m'attendais en effet presque à un ouvrage sociologique, voire politique, traitant de l'extension des banlieues résidentielles en France et du vote extrême. Et bien, c'était vrai. Mais ce constat n'englobait pas toute la richesse de ce roman.

    Les lisières sont certes ici celles des villes, celles des orientations professionnelles pré-programmées en fonction du milieu social d'origine, des bulletins de vote du monde ouvrier en perdition sur les terres d'extrême-droite, la frontisation comme recours ultime et suicidaire au sentiment d'abandon. Mais Olivier Adam arpente surtout ici les champs de l'intime. Car les lisières, ce sont aussi les limites de la santé mentale dans un milieu hostile, celui de la société des hommes. L'organisation de la vie sur la corde raide de la vieillesse. Les affres de l'élévation sociale et de la reconnaissance des proches. La solitude. Le sentiment de solitude. L'extrême complexité des liens familiaux.

    En sillonnant la ville où il a grandi, le narrateur se remémore, les événements, les personnes. Il confronte le passé et le présent, s'interroge, digresse, constate. Cherche à comprendre. Cet entremêlement génère un réalisme stupéfiant, un malaise aussi, et certainement un soulagement immense : un auteur comme Olivier Adam peut écrire un roman foncièrement intimiste en dépeignant son époque. Il est souvent reproché au narrateur des Lisières de vivre en observateur dilettante, distancié et privilégié. Ce reproche ne peut en aucun cas être adressé à Olivier Adam, tant l'acuité de son regard est sublime... et utile.

    Les lisières, Olivier Adam. J'ai lu. 7, 90 €.

    Si vous avez aimé Les lisières, je vous recommande la lecture de Banquises, de Valentine Goby.

    Catégories : Livre 2 commentaires
  • Nos vie désaccordées, Gaëlle Josse

    41-kL6it5RL._SL500_.jpgLa recherche de l'accord parfait : pour le musicien, ce sera entre les notes. Pour le commun des mortels, ce sera entre les choix qui s'imposent à lui au cours de son existence. Il est question de ces deux recherches dans ce roman de Gaëlle Josse.

    Dans une boutique d'instruments, un pianiste de renom s'éprend de Sophie, une femme frêle, fragile, radieuse. Mais c'est beaucoup plus tard que débute le roman. Quand il l'a déjà perdue de vue, qu'il a tourné la page pour vivre avec Cristina.

    Entre temps, le couple provisoire aura vécu un drame intime. Pour échapper au poids de la douleur, il aura fui, à sa façon, d'un bout à l'autre du monde pour donner des concerts. Elle sera partie aussi, direction la folie, le lâcher-prise. Et puis l'internement, la séparation de fait, la vie qui semble continuer pour lui.

    Jusqu'au jour où, au hasard d'un courrier d'un admirateur mélomane, il entend parler d'une jeune femme qui écoute sa musique à longueur de journée. Cet admirateur est infirmier psychiatrique, la jeune femme en question est une de ses patientes. Le pianiste va-t-il retrouver le chemin qui le mène à Sophie ?

    L'écriture de Gaëlle Josse est délicate, mesurée, un peu mystérieuse. Comme le sont les réactions de ses personnages. Un roman harmonieux, car en littérature, comme en musique, ce sont les silences qui parlent parfois le mieux.

    Nos vie désaccordées, Gaëlle Josse (France). J'ai lu. 122 pages. 6, 50 €.

    Catégories : Livre 2 commentaires
  • Gaëlle Josse : "Je ne juge pas mes personnages"

    1 ©XavierRemongin_gaelle031.jpg©XavierRemongin (3).jpgGaëlle Josse nous confie ses personnages, ou plutôt elle les dépose délicatement sous nos yeux. Pour qu'on les observe, qu'ils nous interpellent, mais pas pour qu'on les juge. Elle-même ne le fait pas, et se laisse émouvoir par ces êtres de papier, fragiles et mystérieux. Elle nous l'explique ici.

    Fais-moi les poches - La musique peut-elle être pour vous une métaphore de la vie, comme peut le laisser entendre notamment le titre du roman ?

    Gaëlle Josse - Votre suggestion est très juste, même si, en écrivant, je n'avais aucune intention de cette sorte, c'est une fois le livre refermé que l'on peut le comprendre, -l'entendre !- ainsi. Il est vrai que la vie se prête à d'innombrables métaphores, images, comparaisons, et celles liées à la musique en donnent une lecture très parlante. On compose ou on joue sa partition, on tient sa partie, on cherche l'harmonie, la note juste, en tentant d'éviter trop de dissonances, de fausses notes, -de couacs !-, comme l'expriment de nombreuses expressions courantes. On pourrait aussi dire que le cours de nos vies s'écrit dans les tonalités et des modes variés, avec des tempos, des nuances, des intensités diverses, et bien sûr, entre accords et désaccords, et que le duo formé par un couple repose sur la complémentarité, sans forcément rechercher toujours l'unisson... Pour autant, ce qu'il m'intéressait d'explorer avant tout, ce sont ces questions taraudantes de la réparation, du remords, de la blessure infligée à l'autre, du regard aveuglé que l'on peut porter sur sa propre vie. Que faire lorsqu'on réalise que l'on est passé à côté de l'essentiel ? Jusqu'à quel point savons-nous aimer ? Que sommes-nous prêts à sacrifier à l'autre ? Ce sont les "grandes questions" qui sous-tendent nos existences, qui se traduisent non par des décisions solennelles, mais par une succession de choix, d'actes, de comportements, parfois anodins, et qui, en fin de compte, dessinent le visage, ou écrivent la musique de nos vies...

    FMLP - Que pensez-vous de vos deux personnages principaux ? Que vous inspirent-ils dans leurs façons d'être, leurs réactions ? Je pense notamment à François : est-il lâche ou trop pris dans sa passion du piano ?

    G. J - Je m'aperçois, avec cette question, que je ne juge pas mes personnages. François, le musicien brillant, si peu doué pour la vie, et Sophie, l'artiste rebelle, fragile, qui marche sur les lignes de faille. En y songeant, je m'aperçois que leurs façons d'être sont pour chacun le reflet, la traduction de leurs fragilités, plus ou moins surmontées, assumées. François a construit sa carrière pour obtenir enfin un regard d'amour posé sur lui, pour apaiser les grandes blessures de l'enfance. Sophie, elle, n'est pas dans cette attitude volontariste, je crois qu'elle vit au plus près de ses émotions, de ses fragilités, dans une totale sincérité, ce qui la rend très vulnérable. François, lâche ou "seulement" inconscient, négligent ? C'est là toute l'ambivalence, toute l'ambigüité du personnage. Le déroulement de sa carrière, dont il se sent un peu prisonnier, lui cache les réalités de la vie, les souffrances de Sophie, c'est une vie qui lui tend un miroir valorisant, mais qui l'isole des atres. Et il me semble que bien souvent nous ne faisons pas intentionnellement souffrir autrui, c'est davantage par inattention, par manque d'écoute que par volonté délibérée, et c'est peut-être pire... Je crois que c'est le cas de François, lâche, oui, et surtout inconscient.

    FMLP - François, en se rapprochant à nouveau de Sophie, ne la met-il pas en danger ?

    G.J - Si, c'est très vrai. Se rapprocher, dans une intention de "réparation", de quelqu'un qui a basculé, pour se libérer d'une immense culpabilité, est un geste à la fois sincère et dangereux. Peut-être Sophie a-t-elle trouvé, dans l'absence et le silence d'un lieu clos, protégé, une forme d'anesthésie à sa douleur, et revoir celui qui en est la cause rique de récativer des souffrances terribles, pires peut-être. D'où ce temps suspendu, où François va devoir apprendre l'attente, et c'est à ce moment-là qu'il va être confronté à lui-même, qu'il va remonter le cours de sa vie et tenter de comprendre son cheminement, ses choix, ses actes et ses manques. C'est à ce moment-là, dans le dépouillement de tout ce qu'il est, dans le renoncement à ce qu'il fait, qu'il va devenir lui-même en allant vers sa vérité intérieure. C'est dans cette dimension qu'il m'a émue lorsqu'il s'est peu à peu dessiné ainsi pendant l'écriture de ce livre.

    FMLP - Sophie rompt avec une réalité trop dure à supporter. On ressent en elle une souffrance prélable à cette histoire. Ce drame a-t-il été le rappel d'autres souffrances ?

    G.J - Oui, Sophie est un être blessé, il est fait allusion à ses souffrances antérieures, avec ses parents, son frère, à ses modes de vie autodestructeurs, à son errance, son nomadisme, et aussi à cette énergie qu'elle projette dans son art en peignant. Toutefois, je n'ai pas voulu entrer dans le détail de son passé, il est sans équivoque, je crois, mais abordé de façon elliptique, chacun peut l'imaginer à son idée. Je n'aime pas le mélo ni le pathos appuyé, il me semble que l'écocation a davantage de force, parce qu'elle propose quelque chose au lecteur, sans lui imposer... Le drame qu'elle a vécu avec François lui a porté le coup de grâce, en effet. Mais la fin du livre est une fin ouverte, tout est possible...

    FMLP - Comment vous est venue l'inspiration de ces deux personnages ?

    G.J - Plusieurs éléments se sont croisés, et ont ouvert des portes dans mon imaginaire. Ensuite, l'histoire s'est imposée, il me restait à l'accueillir au mieux. J'assistais un soir à un récital de piano donné par une de ces "stars" du clavier qui semblent tout avoir : la jeunesse, la beauté, l'élégance, la gloire, et cette apparente facilité à recréer devant nous une oeuvre en faisant oublier le travail de titan, de forçat, qui se cache derrière, avec une vie entre deux avions, deux hôtels, deux salles de soncert, Paris, Tokyo, Prague, New-York... Les spectateurs debout, les rappels, les bouquets de fleurs, et le costume même pas froissé ! Je me suis demandée ce qui pouvait se passer lorsque de telles vies -extra-ordinaires- viennent à se gripper, et si les vies privées de ces héros sont aussi flamboyantes que leur art, ou si comme chacun ils connaissent le doute, la souffrance, l'abandon... Pour Sophie, il s'agit de quelque chose de plus intime, de plus personnel, de très à vif pour moi. Je suis hantée par cette idée de l'absence, du silance, comme réponse, ou comme défense lorsque la vie devient trop difficile, trop contondante, qu'on ne sait plus y faire face, parce que nos capacités de souffrance sont épuisées. Le portrait de cette jeune femme, sans concessions, intense, fragile comme du verre, qui vit dans la seule vérité de ses émotions, s'est peu à peu précisé. Elle aussi, en me guidant dans les replis de son âme, m'a beaucoup émue lorsqu'elle avançait, si nue, si démunie, au fil des pages.

    Photo : Xavier Remongin

    Gaëlle Josse est également l'auteure de Noces de neige (Editions Autrement).

    Retrouvez Gaëlle Josse sur son blog : http://gaellejosse.kazeo.com/

    Catégories : Livre, Rencontres 0 commentaire
  • Dade City, Laurent Sagalovitsch

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    A Dade City, (quelle qu'en soit la localisation exacte), comme partout ailleurs, les adolescents se révoltent contre leurs parents, les détestent, fuguent parfois. Mais celui qui narre l'histoire a une très solide raison de le faire : il a assisté à une scène criminelle, dont son père était l'auteur. Un père ordinairement assez dur et austère, qui élève son fils dans la rigueur judaïque, qui va tout à coup commettre l'irréparable dans cette paisible bourgade où tout semble réglé comme du papier à musique. Enfin ça, l'image d'une contrée lisse, c'est ce qu'on peut penser jusqu'à l'arrivée d'un autre narrateur, nouveau venu dans la cité, qui va déceler des coulisses intriguantes à Dade City. Et même trouver un amour qui restera platonique et idéalisé auprès d'une femme mariée à un notable. Un chien dans un jeu de quilles, dont la candeur et l'ignorance des règles du jeu à Dade City vont bousculer catégoriquement le quotidien.

    Et c'est là que tout basculera. Des malentendus, des scènes sur-interprétées dans le terreau fertile de l'aigreur relationnelle, une culpabilité religieuse intense et entretenue vont faire s'emballer un scénario qui n'aurait pas dû se révéler aussi dramatique.

    L'écriture de Laurent Sagalovitsch ménage une tension narrative évidente et construit au fil des pages un cheminement vers l'étonnement et l'incrédulité. Car l'acte incroyable et irrémédiable a été commis, et il n'est définitivement pas celui que l'on pense.

    Dade City, Laurent Sagalovitsch (France / Canada). Babel. 144 pages. 7 €.

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