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Fais-moi les poches ! - Page 16

  • Rêves oubliés, Leonor de Récondo

    franquisme, espagne, exil, seconde guerre mondialeEmprunter le pont sur la Bidassoa entre Irun et Hendaye, l'Espagne et la France, n'a pas toujours été une simple promenade. Ama, dans ce roman, a traversé ce pont en retenant son souffle, fuyant avec sa famille l'Espagne qui continuait inexorablement sa marche vers la dictature, chassant par la terreur les mauvais sujets. Il a fallu avoir l'air de juste partir pique-niquer. Pas de bagage. Quelques colliers dissimulés sous un col montant en gage de livret d'épargne. Et la peur au ventre. Aïta, le patriarche, est resté en Espagne. Il lui faudra à son tour détourner l'attention en achetant son billet de train vers la liberté et rejoindre les siens.

    Et une fois la frontière passée, s'installer dans l'exil, quelque part dans une ferme landaise. Accepter d'apercevoir au loin sa terre, sans pouvoir y retourner. Accepter la fatalité d'un déclassement social, quand un des enfants ne peut fréquenter l'école faute de bicyclette pour s'y rendre, quand les mains blanches d'Ama se couvrent de gerçures sous l'effet des tâches ménagères, quand Aïta devient métayer après avoir été chef d'entreprise en Espagne. Vivre avec la peur, la nostalgie, le sentiment d'injustice.

    Leonor de Récondo fait alterner avec équilibre les passages narratifs et le cahier écrit par Ama. On s'aperçoit ainsi petit à petit que les choses peuvent se vivre et se taire, se muer en invisibilité. Car l'intime a peu droit de cité quand toute une famille doit parer au plus urgent. Les douleurs d'une femme ne peuvent s'exprimer, surtout quand elle a la responsabilité immense de fédérer toute une famille.

    Léonor de Recondo réalise une fresque touchante, historique et intime, où l'exil joue finalement le rôle principal. 

    Rêves oubliés, Léonor de Récondo (France). Points. 184 p. 6, 30 €

    Léonor de Récondo : "J'écris pour aller sur les chemins obscurs"... Venez lire l'intégralité de l'entretien de Fais-moi les poches ! avec l'auteure.

    Rêves oubliés fait partie de la sélection du Prix du meilleur roman des lecteurs de Points.

    Si vous avez aimé Rêves oubliés, vous aimerez peut-être aussi Fruits et légumes, d'Anthony Palou.

    Catégories : Littérature Française 0 commentaire
  • Blogueuse... et jurée



    prixdumeilleurroman-colonnededroite.pngUne nouvelle année se profile et avec elle de nouveaux projets, de nouvelles expériences. Depuis bientôt un an, je partage mes découvertes, mes lectures "coups de coeur" à travers ce blog. Je n'aurais pas imaginé, en commençant tout cela, la somme d'échanges et de rencontres, réelles ou virtuelles, que cet espace a provoqué... Et les bouleversements continuent puisque sélectionnée, à ma très grande joie, pour faire partie des 40 jurés du prix du meilleur roman des lecteurs des éditions Points, je vais avoir en 2014, comment dire... la responsabilité (et oui, prenons les choses au sérieux !) de me montrer encore plus critique et sélective. Il faut avouer que la sélection effectuée par les éditions Points est un gage évident de qualité... ce qui ne facilitera vraisemblablement pas la tâche, mais augure de longues heures de lecture-régal.

    Je vous inviterai donc à partager mes découvertes au sein de cette sélection et à continuer les échanges, ici-même sur les commentaires du blog ou sur le compte Facebook de Fais-moi les poches !

    Très belle année à tous.

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  • Quand la lumière décline, Eugen Ruge

    allemagne,communisme,histoire familialeL'action démarre à Berlin, en 2001. Même si une décennie sépare les berlinois de la chute du Mur, l'Histoire est encore fraîche. Pour Alexander notamment, dont l'arbre généalogique symbolise à lui seul les complexités du destin de la RDA. Ses grands-parents ont en leur temps cru dur comme fer à l'idéal communiste, et ont dû payer le prix de leur engagement en s'exilant à Mexico. Plus tard, son père ira tester les goulags staliniens. Se mariera à Irina, dont la mère russe Nadejda Ivanovna partagera toujours l'existence. L'internationale communiste réunie dans une même famille en quelque sorte. Avec ses grands espoirs et ses désenchantements cruels.

    Quand la lumière décline sent le béton et la mélancolie, la recherche de sens, le questionnement. La complexité des rapports humains s'y mélange avec celle des grands événements, des valeurs en évolution. A découvrir.

    Quand la lumière décline, Eugen Ruge (Allemagne). 10/18. 448 pages.

    8, 80 €.

    Catégories : Littérature Allemande 0 commentaire
  • Des vies d'oiseaux, Véronique Ovaldé

    disparition, amitié, Amérique du sud, familleCap vers l'Amérique du sud. Bel oiseau, oiseau de nuit, ici comme ailleurs, nul ne souhaite vivre derrière des barreaux. Même les oiseaux de paradis dans les cages dorées, dont fait partie Paloma, gosse de riche à qui rien ne manque, ont parfois besoin de prendre l'air, de quitter le nid. Alors la jeune fille s'envole, encanaillée avec un jeune et rêveur voyou, qui, comme sa mère, est originaire des contrées honteuses et poisseuses d'Irigoy. Oiseau de malheur que ce jeune homme ? Pas si sûr. Il vient remplir une vacuité douloureuse pour Paloma, dont la meilleure amie a perdu la vie.

    Et pendant que Paloma s'envole, sa mère, Vida, commence à respirer aussi, s'éloignant pas à pas d'un univers mensonger. Le portrait de famille prend certes du plomb dans l'aile, mais Gustavo, le père de famille, continue à conduire sa grosse voiture noire allemande. Imperturbable.

    Des vies d'oiseaux, Véronique Ovaldé.  J'ai lu. 250 pages. 7, 60 €

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    Catégories : Littérature Française 0 commentaire
  • Eux sur la photo, Hélène Gestern

    lettres,histoire familiale,secretsComment faire parler une image, un cliché en noir et blanc, témoin muet d'une époque ? Hélène n'en a pas la moindre idée, alors elle tente : après avoir trouvé un cliché représentant sa mère dont elle ne sait rien, elle agit comme quelqu'un qui n'a rien à perdre. Elle publie une annonce dans Libération, pas pour retrouver la trace d'un inconnu croisé dans le métro, mais pour trouver des réponses que plus personne autour d'elle ne peut lui donner. Avec cette photo, qui date de près de 40 ans, une coupure de presse, des noms, un lieu. Un faisceau d'indices faible. 

    Mais plus d'un mois après avoir publié l'annonce, un courrier va lui parvenir. Le croisement des données évoque quelque chose à Stéphane. Ensemble, ils vont lier une relation épistolaire et mener leur enquête. Car Hélène n'est pas la seule à ignorer une partie de son histoire, et elle va trouver en Stéphane un allié, un complice, un informateur, un ami...

    Tous les deux, ils avancent à petits pas. Sur le mode désuet de la communication par lettres, même s'ils concèdent parfois quelques mails et SMS, ils prennent le temps, comme avant. Comme à l'époque des mystères familiaux qu'ils souhaiteraient lever. Au prix de découvertes qui peuvent changer le cours de leur vie.

    Hélène Gestern parvient à maintenir un suspens étonnant, car la lenteur de la communication pourrait exacerber l'impatience du lecteur. Au contraire, on rentre lentement et vraiment dans cette histoire, pensant tenir les réponses quand elles s'échappent à nouveau. Avec l'impérieux besoin de savoir qui ils sont, eux, sur la photo.

    Eux sur la photo, Hélène Gestern (France). Arlea poche. 300 pages. 10 €

    Catégories : Littérature Française 0 commentaire
  • Jusque dans nos bras, Alice Zeniter

    Ca va vous sembler stupide mais j'ai mis un certain temps à retrouver où j'avais entendu cette bribe de phrase "jusque dans nos bras". Et puis j'ai trouvé, une fois la dernière page de ce roman passée. Oui, la Marseillaise ! Un hymne à la patrie, à l'unité de la nation devant l'adversité (aux paroles saisissantes de... détermination, faut-il le rappeler ? Oui appelons ça comme ça, de la détermination...) Un haka bien stimulant pour résister aux hordes tyranniques et sanguinaires, cette chanson. Bon, c'était peut-être utile au 18ème siècle, on trouvera certainement certains passages un chouilla excessifs en 2013.

    Bref, je m'égare.

    Nous sommes en France, novembre 2013. Notre nation est tellement évoluée qu'une de ses ministres subit publiquement le racisme le plus vil, le plus bas, le plus fétide. Comment en est-on arrivé là ? peut-on légitimement s'interroger. Nous aurions donc la mémoire si courte que nous aurions oublié qu'en 2007, à l'arrivée d'un nouveau Président de la République et de son gouvernement, un "ministère de l'identité nationale" aux relents pétainistes a été créé. Et pendant cette période, des gens ont vécu dans ce pays, avec la peur au ventre.

    C'est ce que rappelle Alice Zeniter dans ce roman très inspiré de l'actualité du quinquennat Sarkozy. A travers les aventures d'Alice et Mad, qui vont faire de leur union le plus blanc des mariages pour tenter de faire passer inaperçue la peau noire de Mad. Les amis d'enfance se jettent à corps perdus, mais pétris de questions, dans cette aventure qui leur semble injuste, mais pas si étonnante, puisqu'elle s'inscrit dans la grande lignée de l'histoire du racisme qu'ils écrivent ensemble depuis les bancs de la maternelle. Depuis le mot "bougnoule", depuis la haine anti-arabe de l'après 11 septembre 2001.

    Avec un humour incroyable, Alice Zeniter réussit la performance de la simplicité de la démonstration sans grand discours. Et nous rappelle qu'un roman, ça peut faire travailler un peu la compassion.

    Jusque dans nos bras, Alice Zeniter (France). Le livre de poche. 192 pages. 6, 60 €

    Catégories : Littérature Française 2 commentaires
  • A Suspicious river, Laura Kasischke

    usaIl paraît que les psys appellent ce phénomène la dissociation. Mon corps est un, la réalité est autre. Moyen de défense imparable contre les agressions irréparables. Dans sa ville froide et terne des Etats-Unis, Leïla a bien compris les avantages à tirer d'un tel fonctionnement. Et comme elle se pense vouée à un destin tragique, elle se laisse brûler à petits feux, sans jamais sentir la flamme.

    Dans le motel pourri de Suspicious River où elle est employée, Leïla accueille les clients de passage en chassant les odeurs de moisi infiltrées au plus profond des moquettes. Et puis, un jour, elle fait une passe. Elle se dit que comme ça, elle aura de l'argent le jour où. Elle ne sait pas pour quoi faire, mais en tous cas la machine est lancée, entre sexe et violence, cruauté et fatalité.

    On la voit s'étioler page après page, partir toujours plus loin au delà des limites, abandonner son corps, son âme. Se donner pour s'effacer, s'anéantir. Comme elle, on subit, on attend, sans trop savoir quoi.

    Plongée sans concession dans le cauchemar de l'âme humaine, A Suspicious River communique sa froideur avec une grande efficacité.

    A Suspicious River, Laura Kasischke (Etats-Unis). Le livre de poche. 384 pages. 7, 10 €

    Catégories : Littérature Américaine 0 commentaire