Dans La petite cloche au son grêle, Paul Vacca fait adhérer le lecteur, à son insu, à un pacte autobiographique. Pourtant, les apparences peuvent se révéler trompeuses. C'est ce que nous explique l'auteur, avec la fraîcheur que l'on retrouve dans son roman. Merci à lui pour ces révélations surprenantes sur ses "secrets de fabrication".
Fais-moi les poches - Pour commencer, quelle est la part d'autobiographie dans ce roman ?
Paul Vacca - Je serais tenté de dire "rien" puisque toute cette histoire est une pure fiction. Je n'ai pas vécu dans le Nord, ni dans un bar, je n'ai pas lu Proust à 13 ans etc. Je n'avais pas à travers ce roman l'envie de me raconter, ni de faire de mon expérience et de ma vie un matériau fictionnel. Pour autant, il se glisse toujours qu'on le veuille ou non d'ailleurs -une part d'autobiographie... Mais elle reste difficile à évaluer. Où se situe-t-elle ? Je ne saurais le dire. Si, j'avoue, j'ai quand même cédé une petite concession autobiographique : j'ai bien eu une prof de Français qui s'appelait Mlle Jeannin qui m'a fait subir les mêmes supplices en classe qu'au narrateur !
FMLP - Pourquoi avoir choisi le style autobiographique, avec une telle vraisemblance dans les descriptions et les ressentis, pour écrire ce roman ?
P.V - Je ne sais pas si ce sont les decriptions ou les ressentis qui créent cet effet. Je serais tenté de dire que c'est plutôt par le "pacte autobiographique" que je passe avec le lecteur en parlant à la première personne. Cela induit fatalement un certain type de relation au récit. Je voulais jouer de cet effet d'optique pour créer un effet de réel... Le paradoxe romanesque : tromper le lecteur pour qu'il soit en confiance. Je recherchais plus de proximité pour cette histoire. C'est d'ailleurs un des ressorts de toute fiction... C'est aussi un autre clin d'oeil à Marcel Proust. La Recherche du Temps perdu est écrite à la première personne sur un pacte autobiographique... Mais Proust en a fait une oeuvre romanesque à part entière évidemment. Il y a bien sûr le terreau vécu mais c'est la transformation, l'alchimie proustienne qui importe, sa vision... Et jamais le narrateur ne donne son nom bien que souvent on entend parler de "Marcel" le concernant. Toutes proportions gardées, j'ai subi la même méprise sur le nom du narrateur : à plusieurs reprises des lecteurs ont évoqué un certain Paolo alors que nul prénom n'apparaît jamais.
FMLP - Pourquoi avoir choisi la deuxième personne du singulier pour évoquer la mère du narrateur ?
P. V - C'est un choix qui s'est imposé à moi en cours d'écriture. J'ai commencé le livre à la troisième personne, puis à la première personne uniquement... Mais une fois le premier jet rédigé, j'ai senti que quelque chose cochait - si je peux me permettre le jeu de mots. Cette histoire pour être portée jusqu'au bout devait contenir une adresse du narrateur à sa mère. D'où l'idée du "tu" qui a germé. Je voulais que le lecteur se retrouve plongé dans une confidence entre un fils et sa mère ; sauf qu'il s'agit du livre que le lecteur est en train de parcourir. Ainsi le lecteur tient dans ses mains le fruit de la promesse de l'enfant, le livre qu'il a promis à sa mère. Je voulais que le lecteur puisse ressentir une forme de libération à la fin du roman. En lisant le livre, il a vécu -et participé !- aux retrouvailles du fils et de sa mère.
FMLP - La lecture, la famille, l'amitié : des remèdes simples contre les agressions extérieures ?
P. V - Remèdes simples, je ne sais pas... J'ai souhaité montrer en tous cas que la lecture, loin d'être un acte passif et solitaire, constitue un acte charnel et fédérateur. Une lectrice perspicace m'a d'ailleurs fait remarquer que le livre trouvé par le narrateur dans le roman -Du côté de chez Swann- jouait le rôle de fée dans cette histoire qu'elle qualifiait de conte... En effet, il fédère et unit la famille dans une certaine mesure lui jette un sortilège de bonheur ou d'antidote au malheur. Les livres ont ce pouvoir. C'est d'ailleurs ce que vous prouvez quotidiennement dans vos blogs littéraires : la lecture comme puissant objet de partage et d'échanges qui permet de transcender les vicissitudes quotidiennes. Alors toutes mes félicitations pour ce que vous faites ! Et un message : continuez !
Commentaires
"La lecture comme puissant objet de partage et d'échanges qui permet de transcender les vicissitudes quotidiennes."... Merci Monsieur Paul VACCA
Et un encouragement à bloguer ! Merci Paul Vacca !