La sortie de ce roman en grand format ayant été très médiatisée, il y a de cela moins d'un an, c'est avec quelques représentations pré-conçues, nourries de commentaires et d'interviews de l'auteur, que j'appréhendais sa lecture. Je m'attendais en effet presque à un ouvrage sociologique, voire politique, traitant de l'extension des banlieues résidentielles en France et du vote extrême. Et bien, c'était vrai. Mais ce constat n'englobait pas toute la richesse de ce roman.
Les lisières sont certes ici celles des villes, celles des orientations professionnelles pré-programmées en fonction du milieu social d'origine, des bulletins de vote du monde ouvrier en perdition sur les terres d'extrême-droite, la frontisation comme recours ultime et suicidaire au sentiment d'abandon. Mais Olivier Adam arpente surtout ici les champs de l'intime. Car les lisières, ce sont aussi les limites de la santé mentale dans un milieu hostile, celui de la société des hommes. L'organisation de la vie sur la corde raide de la vieillesse. Les affres de l'élévation sociale et de la reconnaissance des proches. La solitude. Le sentiment de solitude. L'extrême complexité des liens familiaux.
En sillonnant la ville où il a grandi, le narrateur se remémore, les événements, les personnes. Il confronte le passé et le présent, s'interroge, digresse, constate. Cherche à comprendre. Cet entremêlement génère un réalisme stupéfiant, un malaise aussi, et certainement un soulagement immense : un auteur comme Olivier Adam peut écrire un roman foncièrement intimiste en dépeignant son époque. Il est souvent reproché au narrateur des Lisières de vivre en observateur dilettante, distancié et privilégié. Ce reproche ne peut en aucun cas être adressé à Olivier Adam, tant l'acuité de son regard est sublime... et utile.
Les lisières, Olivier Adam. J'ai lu. 7, 90 €.
Si vous avez aimé Les lisières, je vous recommande la lecture de Banquises, de Valentine Goby.