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exil

  • Désorientale, Négar Djavadi

    Négar Djavadi.jpg

    Il y a le génie de ce titre, ce mot-valise qui résume vraiment parfaitement l'ambiance du roman, une trouvaille sémantique qui synthétise une histoire. L'histoire, c'est celle de Kimiâ. On fait connaissance avec la jeune femme dans la salle d'attente d'un hôpital parisien, où elle attend son tour pour une insémination. Dans cette salle à l'ambiance gênée, les pensées de Kimiâ remontent le fil de son existence, de Téhéran où elle est née, à Paris où elle vit. Entre les deux endroits, un parcours sinueux : la vie d'une famille d'opposants politiques aux régimes du Shah puis de Khomeiny, le deuil d'un pays, d'une culture étouffée par la dictature, l'exil à travers les montagnes, les menaces, l'adaptation à un nouveau pays, la quête d'identité, la terreur persistante, même longtemps après.

    Négar Djavadi économise ses phrases, sait toujours comment écrire pour aller droit au but, sans jamais rien ôter de la richesse des échanges entre les personnages. Le parcours de Kimiâ s'inscrit dans la géopolitique mondiale, comme dans l'intimité la plus ténue. Entre le très grand et le très petit. Désorientale, c'est un roman tout en finesse, qui évoque bien sûr le Persepolis de Marjane Satrapi.

    Désorientale, Négar Djavadi (France). 350 pages. Editions Liana Levi.22 €

    Catégories : Littérature Française 0 commentaire
  • Télex de Cuba, Rachel Kushner

    002528983.jpgAmateurs d'histoires familiales sur fond historique, ce roman est pour vous. Le contexte ? Le Cuba d'avant les frères Castro, quand les Américains régnaient en maîtres sur une terre fertile pour faire pousser les fruits, où la main d'oeuvre elle aussi se trouvait à foison, sur place ou en provenance d'Haïti. Des Américains businessmen à l'envi, qui sous couvert de développement économique imposaient leurs propres règles du jeu : un droit du travail "maison", des règles arbitraires. 

    La famille Stites vit ainsi à Cuba. Luxueusement, voluptueusement, puisque le père est le dirigeant de la société "United fruits". Mais pas si tranquillement quand même. Del, le fils aîné, disparaît un jour pour combattre aux côtés des rebelles. Vraie conviction ou révolte à court terme, l'affront est vif et douloureux pour la famille. Et puis il y a cette micro-société américaine qui se recrée sous les tropiques, digne d'une organisation de castes. Petits drames pour tromper l'ennui et observations médisantes jalonnent le quotidien des femmes. Mais il fait beau, mais on est riches. Alors on reste. 

    Il y a les autres aussi, ceux qui débarquent à Cuba parce qu'ils ont des choses à faire oublier, aux Etats-Unis, en Europe. Comme si les alcools forts sous les tropiques pouvaient réellement favoriser l'amnésie. Quelques mercenaires comptent parmi eux, bien intégrés dans la société, sirotant des cocktails comme les autres dans les soirées du Club. Leur fiabilité en temps de crise sera peut-être limitée...

    Le pouvoir des rebelles menés par les frères Castro finit par grandir. Le jour où les plantations de canne à sucre sont incendiées, les hommes d'affaire américains enlevés, les avions de Batista commencent à survoler pesamment le ciel de Nicaro. La menace est partout. Alors on pressent l'exil, même si ce roman de Rachel Kushner ne l'évoque jamais explicitement.

    Télex de Cuba, Rachel Kushner (USA). Points. 477 pages. 8 €.

    Ce roman fait partie de la sélection du Prix du meilleur roman des éditions Points.

     

    Catégories : Littérature Américaine 0 commentaire
  • Rêves oubliés, Leonor de Récondo

    franquisme, espagne, exil, seconde guerre mondialeEmprunter le pont sur la Bidassoa entre Irun et Hendaye, l'Espagne et la France, n'a pas toujours été une simple promenade. Ama, dans ce roman, a traversé ce pont en retenant son souffle, fuyant avec sa famille l'Espagne qui continuait inexorablement sa marche vers la dictature, chassant par la terreur les mauvais sujets. Il a fallu avoir l'air de juste partir pique-niquer. Pas de bagage. Quelques colliers dissimulés sous un col montant en gage de livret d'épargne. Et la peur au ventre. Aïta, le patriarche, est resté en Espagne. Il lui faudra à son tour détourner l'attention en achetant son billet de train vers la liberté et rejoindre les siens.

    Et une fois la frontière passée, s'installer dans l'exil, quelque part dans une ferme landaise. Accepter d'apercevoir au loin sa terre, sans pouvoir y retourner. Accepter la fatalité d'un déclassement social, quand un des enfants ne peut fréquenter l'école faute de bicyclette pour s'y rendre, quand les mains blanches d'Ama se couvrent de gerçures sous l'effet des tâches ménagères, quand Aïta devient métayer après avoir été chef d'entreprise en Espagne. Vivre avec la peur, la nostalgie, le sentiment d'injustice.

    Leonor de Récondo fait alterner avec équilibre les passages narratifs et le cahier écrit par Ama. On s'aperçoit ainsi petit à petit que les choses peuvent se vivre et se taire, se muer en invisibilité. Car l'intime a peu droit de cité quand toute une famille doit parer au plus urgent. Les douleurs d'une femme ne peuvent s'exprimer, surtout quand elle a la responsabilité immense de fédérer toute une famille.

    Léonor de Recondo réalise une fresque touchante, historique et intime, où l'exil joue finalement le rôle principal. 

    Rêves oubliés, Léonor de Récondo (France). Points. 184 p. 6, 30 €

    Léonor de Récondo : "J'écris pour aller sur les chemins obscurs"... Venez lire l'intégralité de l'entretien de Fais-moi les poches ! avec l'auteure.

    Rêves oubliés fait partie de la sélection du Prix du meilleur roman des lecteurs de Points.

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    Catégories : Littérature Française 0 commentaire