Un lieu peut-il influencer des histoires personnelles, générer une fatalité ? Les chutes de Joyce Carol Oates sont celles du Niagara. Haut-lieu touristique, avec son pendant moins reluisant : la rivière tumultueuse est aussi la capitale des suicidés. Et c'est ainsi que commence le roman, dans les brumes des chutes comme dans celle d'un événement étrange et intriguant : un jeune homme se jette dans les rapides pendant sa nuit de noces. Ariah, veuve précoce, va devoir survivre au suicide de son mari, sans qu'aucune explication ne vienne l'apaiser.
Les Chutes est une saga familiale, dont le pivot central est incontestablement Ariah, mais qui donne l'impression d'une valse pendant laquelle on change incessamment de partenaire. On tourne avec un personnage, on sait ce qu'il sait, on arpente son esprit, par fragments. Puis on passe au suivant. La conversation précédente s'interrompt et on relance la danse.
Les Chutes est aussi le roman d'une époque et d'une culture. Les Etats-Unis des années 60 ne rechignent pas à combler des canaux souterrains avec des déchets radioactifs, puis à construire des écoles et des quartiers ouvriers dessus. A nier les conséquences. A faire taire ceux qui voudraient parler trop fort de ces enfants leucémiques, de ces boues fétides qui remontent dans les jardins.
Les Chutes est enfin un roman psychologique fin, subtil et réaliste qui capte à travers plusieurs générations les conséquences et les questionnements sur le silence, le mensonge, la filiation et le poids du regard de l'autre.
Les Chutes, Joyce Carol Oates (USA). Editions Philippe Rey, collection Fugues.
672 pages. 12, 90 €
Du Canada puritain à la Californie, il n'y a qu'un trajet que la jeune Maria Cristina Väätonen va se décider à effectuer, adoubée discrètement par son finlandais et taiseux de père. Les études seront pour elle l'occasion rêvée de quitter les griffes d'une famille et d'une communautés peu portées sur la bienveillance où "ce qui était dit n'était jamais ce qui était prononcé". De s'affranchir de la culpabilité d'une soeur dont le cadran biologique est resté bloqué à l'adolescence.
Etre ému par un roman, ça arrive. Choqué, ravi, déçu, transcendé aussi. Mais en lisant La singulière tristesse du gâteau au citron, on se rend brutalement compte qu'être surpris, vraiment surpris, par un roman, ce n'est pas si courant que ça. On aurait peut-être un peu tendance à rechercher toujours un peu les mêmes ingrédients dans les textes (et tenir un blog permet d'en prendre pleinement conscience). Les dosages changent, les décors aussi, mais les épices demeurent toujours un peu les mêmes... A moins qu'on nous "impose" des lectures, comme ce fut le cas pour moi en quelque sorte avec ce roman sélectionné dans le
Amateurs d'histoires familiales sur fond historique, ce roman est pour vous. Le contexte ? Le Cuba d'avant les frères Castro, quand les Américains régnaient en maîtres sur une terre fertile pour faire pousser les fruits, où la main d'oeuvre elle aussi se trouvait à foison, sur place ou en provenance d'Haïti. Des Américains businessmen à l'envi, qui sous couvert de développement économique imposaient leurs propres règles du jeu : un droit du travail "maison", des règles arbitraires. 
Il paraît que les psys appellent ce phénomène la dissociation. Mon corps est un, la réalité est autre. Moyen de défense imparable contre les agressions irréparables. Dans sa ville froide et terne des Etats-Unis, Leïla a bien compris les avantages à tirer d'un tel fonctionnement. Et comme elle se pense vouée à un destin tragique, elle se laisse brûler à petits feux, sans jamais sentir la flamme.