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  • A défaut d'Amérique, Carole Zalberg

    histoire familiale,juif,usa,guerreQue voyons-nous à part quelques pelletées de terre quand nous enterrons nos grands-parents, nos arrières grands-parents ? De vieilles personnes, fatiguées, usées, apaisées qui ont enfin trouvé le repos. Difficile de les imaginer jeunes, amoureux, fougueux. Difficile même de les imaginer dans le tourbillon de l'Histoire : tranchées, déportation, immigration, pogroms, Algérie. Fantômes aux yeux hagards dans le hall de l'hôtel Lutetia.

    Puisque les grands traumatismes de l'Histoire donnent naissance à des silences sans fin, nous ne parvenons pas à imaginer nos vieux dans leurs jeunes années. A défaut d'Amérique est un roman qui débute justement par un enterrement, celui d'Adèle. Une très vieille femme donc. Juive. Qui aura retrouvé quelques années avant sa mort Stanley, le soldat américain rencontré dans les rues de Paris à la Libération. Et à cet enterrement, une présence étrange, celle de Suzan, la fille de l'Américain.

    Alors on reprend tout depuis le début, l'histoire de l'Europe depuis les premiers jours du XXème siècle. Tous ces événements dont on connaît les noms en oubliant parfois de les incarner, de leur donner des visages. Se dessine ainsi l'histoire de deux familles, chacune d'un côté de l'Atlantique, chacune résumant un siècle fou. 

    Carole Zalberg nous prend avec elle, de Vilnius à la rue de Beaubourg, de Palm Beach à l'Afrique du sud, des pogroms aux tours jumelles. Avec ces femmes et leurs familles, acteurs et victimes d'un siècle qui donne le tournis. L'Histoire prend grâce à elle des visages attachants et on peine à abandonner A défaut d'Amérique.

    A défaut d'Amérique, Carole Zalberg (France). Babel. 240 pages. 7, 70 €

    Ecrire sur plus d'un siècle d'Histoire : un projet titanesque ? Retrouvez les réponses de Carole Zalberg dans l'entretien qu'elle a accordé à Fais-moi les poches !

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  • Dade City, Laurent Sagalovitsch

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    A Dade City, (quelle qu'en soit la localisation exacte), comme partout ailleurs, les adolescents se révoltent contre leurs parents, les détestent, fuguent parfois. Mais celui qui narre l'histoire a une très solide raison de le faire : il a assisté à une scène criminelle, dont son père était l'auteur. Un père ordinairement assez dur et austère, qui élève son fils dans la rigueur judaïque, qui va tout à coup commettre l'irréparable dans cette paisible bourgade où tout semble réglé comme du papier à musique. Enfin ça, l'image d'une contrée lisse, c'est ce qu'on peut penser jusqu'à l'arrivée d'un autre narrateur, nouveau venu dans la cité, qui va déceler des coulisses intriguantes à Dade City. Et même trouver un amour qui restera platonique et idéalisé auprès d'une femme mariée à un notable. Un chien dans un jeu de quilles, dont la candeur et l'ignorance des règles du jeu à Dade City vont bousculer catégoriquement le quotidien.

    Et c'est là que tout basculera. Des malentendus, des scènes sur-interprétées dans le terreau fertile de l'aigreur relationnelle, une culpabilité religieuse intense et entretenue vont faire s'emballer un scénario qui n'aurait pas dû se révéler aussi dramatique.

    L'écriture de Laurent Sagalovitsch ménage une tension narrative évidente et construit au fil des pages un cheminement vers l'étonnement et l'incrédulité. Car l'acte incroyable et irrémédiable a été commis, et il n'est définitivement pas celui que l'on pense.

    Dade City, Laurent Sagalovitsch (France / Canada). Babel. 144 pages. 7 €.

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  • Et rester vivant, Jean-Philippe Blondel

    41jcC3LZ2sL._SL500_AA300_.jpgBien sûr qu'on les connaît les différentes étapes du deuil. Bien sûr, ça arrive à tout le monde d'avoir à les subir. Bien sûr, le spectacle continue. Ce roman nous interroge sur comment il continue justement, ce fichu spectacle. Sur le sens à donner aux choses quand tout se remplit de vide, d'absence. Quand les couleurs s'en vont.

    Le narrateur a 22 ans et se retrouve privé en quelques années de tous les membres de sa famille proche : mère, frère, père. Nous sommes en 1986, et il va choisir de filer vers l'ouest, accompagné de ses deux meilleurs amis. Aller voir ailleurs, comment c'est, le vide. A cause d'une chanson de Lloyd Cole, c'est sur les routes de Californie, au volant d'une Thunderbird climatisée, qu'il va tenter de reprendre du souffle. Ou peut-être de toucher le fond de la piscine pour enfin espérer remonter à la surface.

    Jean-Philippe Blondel -puisque l'auteur et le narrateur ne font qu'un dans ce texte autobiographique (voir entretien ci-dessous)- prend le lecteur à témoin, l'immerge dans le voyage. Nous sommes là, à ses côtés, dans la chaleur des déserts américains, à assister impuissants à une souffrance singulière. Comme le narrateur, nous frisons l'apoplexie. Comme lui, nous vaquons de souvenirs heureux, banals, désagréables, au retour à la réalité. On aimerait avoir fait un cauchemar. Lui aussi. Mais non.

    Ce roman évoque la douleur du deuil avec délicatesse. Il y est aussi question d'amitié, de liens qui sauvent, de rencontres improbables et bienvenues. D'inconnus sur la route, d'hésitation, de renaissance.

    Splendide.

    Et rester vivant, Jean-Philippe Blondel (France). Pocket. 168 pages. 6, 10 €


    Catégories : Livre 1 commentaire
  • Méfiez-vous des enfants sages, Cécile Coulon

    515TWpviE4L._SL500_.jpgVoilà un ouvrage que l'on repose le souffle un peu coupé. C'est court, dense, rock'n roll. Et puis si on n'y prend garde, on se dit simplement qu'on vient de lire un très bon roman américain. Et bien non, ce roman est écrit par une jeune Française, Cécile Coulon. Par on ne sait quel tour de passe-passe, toutes nos références culturelles sont transposées outre-atlantique, contrée où l'on sirote du "Coke" à longueur de journée, accroupi sur les marches de sa maison, que l'on suppose en bois et bordée de voisines.

    Où l'on fait la connaissance de Lua, une adolescente qui va cesser, un jour, de croire en Dieu. De sa mère, qui a cessé, un jour, de croire en ses rêves pour rentrer dans la norme des classes moyennes américaines, malgré une parenthèse enchantée à San Francisco. De son père, plus soucieux des bestioles en tous genres que d'assumer un rôle de chef de famille. D'Eddy, le voisin un peu crade, fan d'Alice Cooper, qui fait un peu tache dans le décor propret.

    Tout change autour de Lua, la voilà confrontée à ses premières désillusions. Mais on ne s'inquiète pas trop pour elle, elle semble avoir la carrure nécessaire. 

    Dans un style rythmé, très incisif, poétique et un rien désabusé, Cécile Coulon semble avoir écrit ce roman comme on pique un sprint. Une découverte surprenante à bien des égards.

    Méfiez-vous des enfants sages, Cécile Coulon (France). Points. 108 pages.

    5, 20 €

    Catégories : Livre 2 commentaires
  • Cécile Coulon : "délocaliser" pour prendre du recul

    909126_10151549811202342_2122594438_n.jpgCécile Coulon peut intriguer. Elle est jeune et a déjà un métier d'écrivain bien rôdé à son palmarès. Mais bien plus que sa jeunesse, ou peut-être à cause d'elle, c'est son talent à créer des décors et des univers qui fascine. Dans Méfiez-vous des enfants sages, elle "délocalise" nos références en visant dans le mille. Rencontre.


    Fais-moi les poches -Pourquoi avoir choisi de situer votre roman aux USA ? Comment parvenez-vous à créer un décor américain aussi réaliste ?

    Cécile Coulon -J'ai choisi de situer mon roman aux USA parce qu'au moment de l'écriture, j'avais dix-huit ans, et je ne me sentais pas capable de parler de mon pays, de ma génération. J'ai délocalisé l'histoire pour prendre du recul, m'autoriser un fantasme construit autour de la littérature, du cinéma et de la musique. Ces trois vecteurs m'ont permis de créer un décor réaliste, capable d'accueillir une fiction.


    FMLP -Les adultes ne sont pas vraiment épargnés dans vos descriptions. Grandir est-ce nécessairement céder aux compromissions en tous genres ?

    C. C -Les adultes ne sont pas épargnés, mais les adolescents non plus. Je voulais simplement montrer que la joie autant que la douleur sont des choses simples, des émotions qui se présentent en permanence, et qu'il ne faut pas fuir, mais encaisser.


    FMLP -Eddy, Kristina, ce sont des personnages trash mais avec qui il se passe vraiment quelque chose, avec qui un véritable échange s’établit. Est-ce justement parce qu’il ont refusé de céder aux convenances, à l’embourgeoisement ?
    C. C -Je ne crois pas qu'on puisse parler de convenances ou d'embourgeoisement pour les autres personnages; simplement, Eddy et Kristina ont une place à part, un charisme, une force interne qui les fait ressortir, mais qui va aussi les brûler.

     

    FMLP -Pour quelles raisons doit-on « se méfier » de Lua, « l’enfant sage » ? Est-ce à cause de sa lucidité sur le monde qui l’entoure ?

    C. C - J'ai choisi ce titre car il décrit un certain paradoxe établi dans le roman : ceux qui ont l'air calme sont les plus lucides, donc les plus dangereux. A l'inverse, ceux qui "se donnent un genre" n'ont pas de vie intérieure propre.

     

    Cécile Coulon est également l'auteure de Le roi n'a pas sommeil (Viviane Hamy), Sauvages, Le voleur de vie (Revoir).

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  • Une bonne raison de se tuer, Philippe Besson

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    Quelle sensation étrange que d'être immobile quand tout bouge autour de vous. Les deux personnages de ce roman, Laura et Samuel, en font l'expérience douloureuse. Parce qu'ils sont américains, que nous sommes en novembre 2008 et que leur pays-continent s'apprête à vivre un boulversement de premier ordre : l'élection d'un noir à sa tête. Tout bouillonne et s'excite, s'enthousiasme et s'inquiète. Chaque Américain se souviendra sûrement de ce qu'il faisait ce jour-là, comme une sorte de 11 septembre à l'envers. Pourtant, Laura et Samuel ne participent pas au mouvement. Ils sont ailleurs, dans d'autres préoccupations. Le monde qui change ne les concerne plus.

    Laura et Samuel ne se connaissent pas. Ils vivent dans le même pays, dans la même ville. Leurs existences sont différentes. Ils n'ont aucune raison particulière de se croiser. L'un vit un drame personnel profond et ineffaçable. L'autre n'a qu'un projet en tête : passer à l'acte, se suicider.

    Si on était dans un conte de fées, ils se rencontreraient et se sauveraient mutuellement. S'ils évoluaient dans un monde d'avant la tour de Babel, où le langage serait source de communication et non de fermeture, ils se sauveraient mutuellement. Mais l'écriture de Philippe Besson se veut plus près de la vie réelle.

    L'auteur nous offre à de nombreuses occasions un champ des possibles très large. On y croit, on espère. Et puis les ratés interviennent, rageants, inéluctables mais vraisemblables. A l'image d'une écriture efficace, sans fioriture, qui va droit au but et touche à l'essentiel. Vraisemblable elle aussi.

    Une bonne raison de se tuer, Philippe Besson (France). 10 / 18. 274 pages.

    7, 50 €

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  • Philippe Besson : Le son des mots et du silence

    230329_10151137513545950_212017152_n.jpgPhilippe Besson est l'auteur (entre autres) de Une bonne raison de se tuer, un roman à deux voix qui effleure la vanité du langage, en Californie comme ailleurs. Il répond avec une grande disponibilité aux questions de Fais-moi les poches ! sur ses personnages, la difficulté à communiquer, les conditions de l'écriture et ses influences littéraires.

    Fais-moi les poches : - Votre roman se situe aux USA. Aurait-il été transposable en France ou le décor que vous lui avez choisi était-il nécessairement celui-là ?

    Philippe BessonLe suicide est, par essence, une question universelle. L'histoire que je raconte aurait donc pu se passer presque partout. Et les femmes de 45 ans déclassées, rendues au célibat, jetées dans une forme de précarité ne sont pas l'apanage de l'Amérique. Pour autant, je tenais à ce décor car il m'est familier (je vis à Los Angeles quatre mois par an). Du reste, le Joey's Café où Laura est serveuse est le diner où je me rends tous les jours ou presque quand je suis à L.A. Enfin, j'avais envie d'évoquer l'élection d'Obama, le jour de son élection, l'électricité qu'il y avait dans l'air ce jour-là.

    FMLP - Comment expliquez-vous que la détresse de Laura aille jusqu’au désir de se suicider ? Que s’est-il cassé chez elle ?

    P. BLaura est dans une forme de résignation. Elle n'a plus rien à attendre, à espérer. Elle a été lâchée par son mari, ses enfants se sont éloignés, elle n'a pas vraiment de boulot, elle se sent inutile, elle ne sait plus où est sa place, si elle a encore une place. Alors elle préfère arrêter là. Pour moi, c'est quelqu'un qui range une pièce, éteint la lumière et ferme la porte. 

    FMLP - Ni Laura ni Samuel ne sont des êtres livrés à une solitude absolue. Qu’est-ce qui explique qu’ils le ressentent comme tel malgré tout ?

    P. BParce que L.A., par son gigantisme (15 millions d'habitants, 80 km de long) est une ville où on peut se sentir seul. Et puis, ils ont été, l'un et l'autre, délaissés, marginalisés. Ils n'ont plus grand chose à quoi se raccrocher. Elle vit dans un petit appartement, lui seul dans une villa de Venice Beach avec l'océan pour seul horizon, et la présence d'un mort, son fils. 

    FMLP - Pourquoi vos personnages ne parviennent-ils pas à se parler, à communiquer ?

    P. BParce qu'ils ne possèdent pas les mots, le langage. Ce ne sont pas des parleurs. Ce sont des taiseux. Ils ont toujours tout gardé par-devers eux, à commencer par leurs sentiments. Ils n'ont pas de sociabilité. Ce sont des êtres sauvages, à leur manière. Et ils redoutent plus que tout qu'on ne les comprenne pas, ou bien qu'on leur vienne en secours uniquement par pitié.

    FMLP - Le personnage de l’écrivain français qui écrit sur son ordinateur dans le café où travaille Laura, et dans lequel on pense bien sûr vous reconnaître, était-il important à vos yeux ? Faut-il, comme lui, s’imprégner d’ambiances et de lieux, s’immerger, pour écrire au plus juste ?

    P.BCe n'est pas mon habitude de me mettre en scène mais j'avais envie de faire une apparition dans le roman, "à la Hitchcock". Pour le reste, je ne crois pas nécessaire de bien connaître les lieux pour en restituer l'atmosphère. J'ajoute que souvent les endroits dont on parle le mieux sont ceux qu'on ne connait pas du tout, parce qu'on a la liberté de les inventer. On n'est pas corseté par le réel.

    FMLP - Dans le thème de l'incommunication comme dans votre style d'écriture, on peut penser à Marguerite Duras. Est-ce un modèle littéraire qui vous parle ?

    P. BDuras, c'est peut-être ma plus grande admiration. Peut-être même avant Proust. J'aime ces phrases où la sonorité parfois précède le sens. Et puis cette façon de dire par ellipses. Et, oui, bien sûr, cette impossibilité de dire, de se rejoindre.

    Philippe Besson est l'auteur de De là on voit la mer (Julliard), L'arrière-saison, Son frère, En l'absence des hommes, Les jours fragiles, Se résoudre aux adieux, Retour parmi les hommes, La trahison de Thomas Spencer, Un garçon d'Italie (10 / 18)

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