Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

langage

  • Philippe Besson : Le son des mots et du silence

    230329_10151137513545950_212017152_n.jpgPhilippe Besson est l'auteur (entre autres) de Une bonne raison de se tuer, un roman à deux voix qui effleure la vanité du langage, en Californie comme ailleurs. Il répond avec une grande disponibilité aux questions de Fais-moi les poches ! sur ses personnages, la difficulté à communiquer, les conditions de l'écriture et ses influences littéraires.

    Fais-moi les poches : - Votre roman se situe aux USA. Aurait-il été transposable en France ou le décor que vous lui avez choisi était-il nécessairement celui-là ?

    Philippe BessonLe suicide est, par essence, une question universelle. L'histoire que je raconte aurait donc pu se passer presque partout. Et les femmes de 45 ans déclassées, rendues au célibat, jetées dans une forme de précarité ne sont pas l'apanage de l'Amérique. Pour autant, je tenais à ce décor car il m'est familier (je vis à Los Angeles quatre mois par an). Du reste, le Joey's Café où Laura est serveuse est le diner où je me rends tous les jours ou presque quand je suis à L.A. Enfin, j'avais envie d'évoquer l'élection d'Obama, le jour de son élection, l'électricité qu'il y avait dans l'air ce jour-là.

    FMLP - Comment expliquez-vous que la détresse de Laura aille jusqu’au désir de se suicider ? Que s’est-il cassé chez elle ?

    P. BLaura est dans une forme de résignation. Elle n'a plus rien à attendre, à espérer. Elle a été lâchée par son mari, ses enfants se sont éloignés, elle n'a pas vraiment de boulot, elle se sent inutile, elle ne sait plus où est sa place, si elle a encore une place. Alors elle préfère arrêter là. Pour moi, c'est quelqu'un qui range une pièce, éteint la lumière et ferme la porte. 

    FMLP - Ni Laura ni Samuel ne sont des êtres livrés à une solitude absolue. Qu’est-ce qui explique qu’ils le ressentent comme tel malgré tout ?

    P. BParce que L.A., par son gigantisme (15 millions d'habitants, 80 km de long) est une ville où on peut se sentir seul. Et puis, ils ont été, l'un et l'autre, délaissés, marginalisés. Ils n'ont plus grand chose à quoi se raccrocher. Elle vit dans un petit appartement, lui seul dans une villa de Venice Beach avec l'océan pour seul horizon, et la présence d'un mort, son fils. 

    FMLP - Pourquoi vos personnages ne parviennent-ils pas à se parler, à communiquer ?

    P. BParce qu'ils ne possèdent pas les mots, le langage. Ce ne sont pas des parleurs. Ce sont des taiseux. Ils ont toujours tout gardé par-devers eux, à commencer par leurs sentiments. Ils n'ont pas de sociabilité. Ce sont des êtres sauvages, à leur manière. Et ils redoutent plus que tout qu'on ne les comprenne pas, ou bien qu'on leur vienne en secours uniquement par pitié.

    FMLP - Le personnage de l’écrivain français qui écrit sur son ordinateur dans le café où travaille Laura, et dans lequel on pense bien sûr vous reconnaître, était-il important à vos yeux ? Faut-il, comme lui, s’imprégner d’ambiances et de lieux, s’immerger, pour écrire au plus juste ?

    P.BCe n'est pas mon habitude de me mettre en scène mais j'avais envie de faire une apparition dans le roman, "à la Hitchcock". Pour le reste, je ne crois pas nécessaire de bien connaître les lieux pour en restituer l'atmosphère. J'ajoute que souvent les endroits dont on parle le mieux sont ceux qu'on ne connait pas du tout, parce qu'on a la liberté de les inventer. On n'est pas corseté par le réel.

    FMLP - Dans le thème de l'incommunication comme dans votre style d'écriture, on peut penser à Marguerite Duras. Est-ce un modèle littéraire qui vous parle ?

    P. BDuras, c'est peut-être ma plus grande admiration. Peut-être même avant Proust. J'aime ces phrases où la sonorité parfois précède le sens. Et puis cette façon de dire par ellipses. Et, oui, bien sûr, cette impossibilité de dire, de se rejoindre.

    Philippe Besson est l'auteur de De là on voit la mer (Julliard), L'arrière-saison, Son frère, En l'absence des hommes, Les jours fragiles, Se résoudre aux adieux, Retour parmi les hommes, La trahison de Thomas Spencer, Un garçon d'Italie (10 / 18)

    Catégories : Livre, Rencontres 0 commentaire