En écrivant A défaut d'Amérique, Carole Zalberg a entrepris un projet de grande envergure : un roman qui court sur plus d'un siècle, dans les remous et les cataclysmes de l'Histoire du XXème siècle. Dans ces turbulences, des êtres humains, des familles, des relations naissent et meurent. Sous la plume de Carole Zalberg, les événements prennent corps, les acteurs de l'Histoire ont un visage.
Fais-moi les poches ! - Ecrire un roman qui se déroule sur plus d'un siècle, c'est un peu titanesque, ça ne fait pas un peu peur ? De quoi se nourrit cette écriture : témoignages, travail de recherche ?
Carole Zalberg - Non, je n’ai pas été impressionnée pour la simple raison que je n’avais pas pour projet de couvrir le vingtième siècle. Comme toujours, je suis partie de quelques données et envies (la rencontre entre Adèle et Stanley, le voyage d’Adèle outre-atlantique un demi-siècle plus tard, l’envie d’explorer les effets des mouvements provoqués par les conflits, etc) et j’ai tiré sur le fil. Tout s’est imposé au fur et à mesure, y compris la construction. Bien sûr, j’ai fait quelques recherches. Juste assez pour ne pas commettre d’erreurs grossières mais pas trop : je n’aime pas que la documentation prenne le pas sur l’invention.
FMLP - D'après vous, les traumatismes liés à l'Histoire peuvent-ils se résorber ou condamnent-ils irrémédiablement des familles ou des individus au malheur, même à travers les générations, comme peut le laisser penser le roman ?
C. Z - Je n’ai pas de théories à ce sujet et, là encore, je me contente, de façon purement intuitive, d’imaginer des personnages et leur évolution. Mon “outil” est avant tout l’empathie. Ce que j’ai imaginé pour cette lignée de femmes, à mesure que je creusais, c’est un “mal” enkysté, ce sont des peurs métabolisées, transformées, que seul le temps - la vie qui s’écoule - permet d’évacuer.
FMLP - Quel "rôle" joue exactement Suzan dans le scénario de votre roman ? Observatrice, rabat-joie, rattrapeuse de temps perdu... ?
C. Z - Je crois que Suzan est tout cela à la fois. Elle rêve d’offrir à son père un dernier bonheur, est dépassée par ce qu’elle provoque et confrontée à ses propres limites et renoncements.
FMLP - Et en ce moment, vous écrivez ?
C. Z - Je suis davantage dans une phase de réécriture et de “mijotage” que d’écriture à proprement parler. J’ai retravaillé, pour le festival Livres à vous de Voiron, un roman inédit, “Entre autres” que les éditions Jérôme Millon publieront en tirage limité (c’est-à-dire confidentiel), relu les épreuves de Feu pour feu, mon roman à paraître en janvier chez Actes Sud, et je couve un prochain projet dont je ne peux encore parler mais qui me porte déjà alors même que je n’en ai pas écrit une ligne.