Etre ému par un roman, ça arrive. Choqué, ravi, déçu, transcendé aussi. Mais en lisant La singulière tristesse du gâteau au citron, on se rend brutalement compte qu'être surpris, vraiment surpris, par un roman, ce n'est pas si courant que ça. On aurait peut-être un peu tendance à rechercher toujours un peu les mêmes ingrédients dans les textes (et tenir un blog permet d'en prendre pleinement conscience). Les dosages changent, les décors aussi, mais les épices demeurent toujours un peu les mêmes... A moins qu'on nous "impose" des lectures, comme ce fut le cas pour moi en quelque sorte avec ce roman sélectionné dans le prix des lecteurs des éditions Points, et qu'on nous dirige ainsi vers des parfums différents.
Les ingrédients classiques étaient là : une vie de famille à Los Angeles, avec père, mère, garçon et fille. Une mère un peu triste, un père un peu distant, un grand frère un peu différent, et une jeune fille narratrice, Rose, qui s'accommode de tout ça. Mais un jour, en croquant à pleines dents dans le gâteau au citron avec nappage chocolat que lui a préparé sa mère, toutes les données vont se décaler, permuter, changer de sens. Rose ressent, en mangeant ce gâteau, l'état d'esprit qu'avait sa mère au moment de le concocter. Bien pratique, me direz-vous, mais on n'entre pas sans risque dans le coeur des autres.
La singulière tristesse du gâteau au citron est une fable savamment orchestrée. Les touches discrètes et successives d'informations étranges font adhérer le lecteur, en douceur, à une idée un peu folle. Fantastique.
La singulière tristesse du gâteau au citron, Aimee Bender (USA). Points. 330 pages.
7, 20 €.
Vous ne connaissez rien sur la vie des Sami, ce peuple d'éleveurs qui vivent sur un territoire couvrant une partie de la Suède, de la Finlande, de la Norvège et de la Russie ? Et bien, dans ces pays-là, non plus, on n'y connaît pas grand chose. De Stockholm à Kiruna ou Kautokeino, la distance est certes géographique, mais également culturelle. En Laponie, il existe même une police des rennes, dont la fonction est d'apaiser les conflits entre éleveurs : mélanges dans les troupeaux, vols de bêtes. Beaucoup plus rarement pour enquêter sur des homicides. 
Le roman à huis-clos est sans aucun doute un exercice risqué. Cela n'a semble-t-il pas effrayé Jean-Philippe Blondel, qui campe ce texte dans une seule unité de lieu : le train Troyes-Paris de 6 H 41. Ces trains paupières lourdes du lundi matin, à l'ambiance si différente des wagons du dimanche soir, avec leurs lots de blues de fin de week-end. Ces trains où l'on dort, on feuillette, on pianote. Souvent seuls malgré la proximité évidente des voisins de sièges.