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  • La singulière tristesse du gâteau au citron, Aimee Bender

    41XLXdV2+1L._.jpgEtre ému par un roman, ça arrive. Choqué, ravi, déçu, transcendé aussi. Mais en lisant La singulière tristesse du gâteau au citron, on se rend brutalement compte qu'être surpris, vraiment surpris, par un roman, ce n'est pas si courant que ça. On aurait peut-être un peu tendance à rechercher toujours un peu les mêmes ingrédients dans les textes (et tenir un blog permet d'en prendre pleinement conscience). Les dosages changent, les décors aussi, mais les épices demeurent toujours un peu les mêmes... A moins qu'on nous "impose" des lectures, comme ce fut le cas pour moi en quelque sorte avec ce roman sélectionné dans le prix des lecteurs des éditions Points, et qu'on nous dirige ainsi vers des parfums différents.

    Les ingrédients classiques étaient là : une vie de famille à Los Angeles, avec père, mère, garçon et fille. Une mère un peu triste, un père un peu distant, un grand frère un peu différent, et une jeune fille narratrice, Rose, qui s'accommode de tout ça. Mais un jour, en croquant à pleines dents dans le gâteau au citron avec nappage chocolat que lui a préparé sa mère, toutes les données vont se décaler, permuter, changer de sens. Rose ressent, en mangeant ce gâteau, l'état d'esprit qu'avait sa mère au moment de le concocter. Bien pratique, me direz-vous, mais on n'entre pas sans risque dans le coeur des autres. 

    La singulière tristesse du gâteau au citron est une fable savamment orchestrée. Les touches discrètes et successives d'informations étranges font adhérer le lecteur, en douceur, à une idée un peu folle. Fantastique.

    La singulière tristesse du gâteau au citron, Aimee Bender (USA). Points. 330 pages.

    7, 20 €.

    Catégories : Littérature Américaine 3 commentaires
  • Le dernier Lapon, Olivier Truc

    51-IIyNtunL._.jpgVous ne connaissez rien sur la vie des Sami, ce peuple d'éleveurs qui vivent sur un territoire couvrant une partie de la Suède, de la Finlande, de la Norvège et de la Russie ? Et bien, dans ces pays-là, non plus, on n'y connaît pas grand chose. De Stockholm à Kiruna ou Kautokeino, la distance est certes géographique, mais également culturelle. En Laponie, il existe même une police des rennes, dont la fonction est d'apaiser les conflits entre éleveurs : mélanges dans les troupeaux, vols de bêtes. Beaucoup plus rarement pour enquêter sur des homicides.

    Nina, fraîchement débarquée de Stockholm, officie dans la toundra avec Klemet, l'enfant du pays. Elle a tout à découvrir, des codes à essayer de comprendre, des preuves à faire. Les codes, Klemet les a. Avant lui, dans sa famille, on était éleveur. Même s'il a dressé une tente Sami dans son jardin, il a pris ses distances avec cette culture... Il a le coeur entre deux identités (ce qu'on ne manque pas de lui faire remarquer), et un passé qu'on devine un peu lourd à porter. 

    Quand à quelques jours d'intervalle, un tambour sami très rare est volé de l'exposition qui l'abrite, puis un éleveur solitaire retrouvé assassiné et les oreilles découpées, c'est évidemment le choc. Sur fond d'incompréhensions culturelles, de revendications d'autonomie et de manipulations politiques d'extrême-droite, les esprits s'échauffent rapidement. Mais comment ne pas faire le lien entre les deux affaires ? Non seulement le cadavre est mutilé, mais habituellement, en Laponie, quand on coupe des oreilles, ce sont celles des rennes, et dans certaines circonstances bien précises...

    Olivier Truc signe une enquête haletante, avec des ramifications sophistiquées. Mais on lit aussi entre les lignes le désarroi d'un peuple opprimé et victime du rouleau-compresseur de la modernité et des frontières ; le portrait d'une société puritaine ; la question sous-jacente des ressources minières dans des territoires sauvages et préservés. Multinationales contre éleveurs, passé contre avenir, culture autochtone contre culture dominante. Le tout dans une porosité constante, de nouvelles données à construire.

    Une enquête dépaysante, passionnante et édifiante.

    Le dernier Lapon, Olivier Truc (France / Suède). Points. 570 p. 8, 20 €.


    Trailer Le Dernier Lapon par Editions_Metailie

    A lire également, un entretien avec Olivier Truc, sur les ponts entre journalisme et polar.

    Catégories : Littérature Française 0 commentaire
  • Olivier Truc : "Le polar, un prolongement naturel du journalisme"

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    Et voilà que le polar scandinave est annexé par un Français. Olivier Truc, installé à Stockholm depuis une vingtaine d'années, est d'abord journaliste. Correspondant en Scandinavie pour Le Monde et Le point, il connaît très bien les sujets de société propres à cette région. Il a décidé d'en faire un polar, Le dernier Lapon, un concentré de plusieurs facettes d'une société souvent montrée en modèle. Et il nous emmène bien évidemment au-delà des évidences.

     

    Fais-moi les poches - Olivier Truc, vous êtes journaliste et auteur. Vous avez souvent écrit pour la presse sur les Sami. Utiliser ce thème dans la toile de fond de votre roman, c'est aussi un moyen de communiquer sur la situation des Lapons, un sujet peu connu ?

    Olivier Truc - J’en avais l’envie depuis longtemps car je considère que la situation des Sami est trop mal connue, même dans les pays nordiques. Dans mes articles, j’ai souvent raconté le modèle scandinave, mais ce modèle, bien sûr, a ses faces cachées, moins reluisantes, et la situation des Sami illustre parfaitement la double morale qui peut sévir dans ces pays. J’ai cherché à incarner les thématiques que je voulais mettre en avant à travers des personnages afin de les rendre accessibles au plus grand nombre.

    FMLP - Le polar est-il selon vous un genre qui se prête davantage (que la presse, le livre documentaire ou le roman par exemple) à l'exposition de situations géopolitiques complexes ?

    O. T - D’abord, je dirais que le polar est un genre qui est un prolongement très naturel du journalisme, car il partage avec lui l’aspect investigation. Une démarche parallèle, avec, également en commun, un rôle de critique sociale. Ensuite, il est vrai que l’aspect roman permet de se libérer des contraintes des faits pour prendre certaines libertés avec la vérité pour la rendre plus intelligible, plus accessible, sans pour autant trahir l’esprit des situations complexes. L’important est je crois l’impression générale que le lecteur conserve en ayant refermé le livre.

    FMLP- Votre roman a-t-il été traduit en Suède ou dans un pays scandinave ?

    O.T - Le dernier Lapon est déjà sorti en Finlande et en Norvège, et il sortira bientôt au Danemark et en Suède.

    FMLP - En ce moment, écrivez-vous un nouveau roman ? O. T - J’ai fini en mars 2014 la suite du dernier Lapon. Le livre sortira en septembre 2014 toujours chez Métailié. J’ai attaqué le troisième tome, j’en suis aux prémices, à l’investigation, aux rencontres, aux voyages, toute cette partie du travail que j’adore.

    FMLP - Le dernier Lapon en film, c'est prévu ?

    O.T - Un producteur suédois a acheté une option sur le dernier Lapon et travaille sur le projet depuis un certain temps. Je garde la tête froide, beaucoup d’options ne se transforment jamais en films.

    Catégories : Livre, Rencontres 0 commentaire
  • 06 h 41, Jean-Philippe Blondel

    communication,amour,passé,trainLe roman à huis-clos est sans aucun doute un exercice risqué. Cela n'a semble-t-il pas effrayé Jean-Philippe Blondel, qui campe ce texte dans une seule unité de lieu : le train Troyes-Paris de 6 H 41. Ces trains paupières lourdes du lundi matin, à l'ambiance si différente des wagons du dimanche soir, avec leurs lots de blues de fin de week-end. Ces trains où l'on dort, on feuillette, on pianote. Souvent seuls malgré la proximité évidente des voisins de sièges.

    Un double voyage s'opère ici : dans l'espace bien sûr, avec ce train qui trace sa route vers Paris, mais dans le temps surtout. Car, par hasard, Cécile et Philippe se retrouvent côte à côte dans ce train. 25 ans plus tôt, ils ont été amants pendant plusieurs mois. Ils ont visité Londres ensemble. Puis, brusquement, leur histoire s'est arrêtée et ils ne se sont jamais revus. Ils ont mené des trajectoires parallèles, parfois inattendues. Et là, dans ce wagon, ils feignent de ne pas se reconnaître. Pourtant les émotions, les souvenirs, les rancoeurs, les questions surgissent en nombre. L'intimité du passé paraît incroyable, indécente presque.

    Jean-Philippe Blondel parvient dans ce roman à ménager du suspense, à éveiller des émotions universelles, avec aisance et subtilité. Le cynisme de certaines descriptions et réflexions ajoute du piment à l'ensemble. Un vrai coup de coeur ! 

    06 h 41, Jean-Philippe Blondel (France). Pocket. 158 pages. 5, 80 €

    A lire aussi : Jean-Philippe Blondel répond aux questions de Fais-moi les poches ! sur ce roman, la promiscuité obligatoire et les voyages en train.

     

    Catégories : Littérature Française 4 commentaires
  • Jean-Philippe Blondel : "Je voulais écrire sur la promiscuité obligatoire"

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    Jean-Philippe Blondel se ferait-il une spécialité des "road trip" ? Dans son précédent roman, un personnage très nettement autobiographique parcourait les routes des Etats-Unis pour fuir une tragédie. Dans 06 h 41, les pensées des personnages vont vite, très vite, à la vitesse du TER dans lequel ils sont embarqués, dans le matin blême. Un huis-clos absolument réussi et jubilatoire. Jean-Philippe revient ici sur son écriture.

     

    Fais-moi les poches - Une idée de roman pareille, avec une unité de lieu très resserrée, ça vient comment ?

    Jean-Philippe Blondel - Ca vient surtout quand on prend le TER régulièrement et qu'on laisse ses pensées vagabonder. Cet espace clos avec déplacement géographique est propice à la rêverie et au bilan -cela faisait très longtemps que je voulais écrire sur un voyage en train - et sur la promiscuité obligatoire.

    FMLP- Les envolées pensives de vos personnages vous permettent des moments d'écriture qui semblent assez jubilatoires (en tous cas, ils le sont à la lecture !). Le personnage de Philippe exprime quelques pensées peu politiquement correctes sur la génération de ses parents, par exemple. C'est cynique, et drôle à la fois. Vous n'allez pas me dire que derrière les pensées de Philippe et de Cécile ne se cachent pas un peu les vôtres ?

    J.P. B - Jubilatoire, c'est le mot - le roman a été un bonheur d'écriture, tout était très fluide.. Maintenant, je me suis mis dans la peau des deux personnages, et j'ai tenté de voir comment ils pouvaient percevoir le monde, donc toutes leurs pensées ne sont pas les miennes (heureusement !), d'autant que je n'ai aucune expérience concernant les parents vieillissants... (Lire à ce sujet la chronique sur Et rester vivant, paru en 2013 en poche, et l'entretien avec Jean-Philippe Blondel)

    FMLP - Est-ce vrai que vous avez laissé un exemplaire de 06 h 41 dans le train Troyes-Paris de 06 h 41 qui est le cadre du roman ?

    J.P. B - Oui, bien sûr - je trouvais la mise en abyme très amusante... Je ne sais pas qui l'a trouvé...

    FMLP - En ce moment, vous écrivez ?

    J.P. B - De toute façon, j'écris tous les jours. En janvier 2015 paraitra chez Buchet-Chastel un roman intitulé Un hiver à Paris qui m'a arraché les tripes - et là, je travaille sur ce qui viendra ensuite, mais je garde le secret pour le moment car je ne sais pas exactement où je vais...

     

    Catégories : Livre, Rencontres 0 commentaire