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  • Fruits et légumes, Anthony Palou

    41IVKKm0dXL.jpgArrivé un jour en France avec deux oranges dans sa besace, fuyant l'Espagne franquiste, il finira quelques dizaines d'années après par devenir le spécialiste des agrumes et de la soupe majorquine dans les halles de Quimper. Parce que passer la frontière ne semblait pas suffisant pour fuir l'ombre du caudillo, il est monté se mettre au frais dans le Finistère et a pris femme parmi les Bretonnes. Comme un conte, mais en moins facile.

    Dans l'affaire familiale de fruits et légumes, créée par le grand-père majorcain, continuée par le fils et observée d'un oeil méfiant et attendri par le petit-fils, il y a les bons jours et les autres, les temps de vache maigre et ceux de l'ivresse des billets décomptés en fin de marché. Les gros coups de pas de chance, et les rouleaux compresseurs du monde qui bouge. Surtout là, dans ce coin de France, où un épicier audacieux dont on n'a pas fini d'entendre parler vient de dégoter une idée révolutionnaire : le supermarché. Il faudra faire avec. Ou peut-être pas.

    Le rythme est partout dans les mots d'Anthony Palou, les comparaisons bien trouvées, et l'humour se dresse en bouclier pudique, en pare-feu contre l'apitoiement. Sensible, donc. Drôle, on l'a dit. Un brin nostalgique et un rien désabusé. 

    Fruits et légumes, Anthony Palou (France). J'ai lu. 124 pages. 5, 60 €

    Si vous avez aimé Fruits et légumes, vous aimerez sans doute La petite cloche au son grêle, de Paul Vacca. 

    Catégories : Littérature Française 0 commentaire
  • Les oreilles de Buster, Maria Ernestam

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    Pour ses cinquante-six ans, Eva a reçu un cadeau gentil, joli, attentionné, de la part de sa petite fille : un carnet pour tenir son journal intime. Drôle d'idée se dit-elle. Et puis petit à petit, comme si les pages vierges l'appelaient, elle va griffonner quelques mots. Jusqu'au moment où ce carnet, devenu réceptacle de secrets trop bien gardés, va manquer de pages devant la nécessité de la confession. Car Eva le dit dès les premières lignes : à 7 ans, elle a décidé de tuer sa mère. A 17, elle est passée à l'acte. Et à part le singulier Buster, jusqu'à ce fameux carnet, elle n'a eu personne à qui raconter son étrange destinée. Même Sven, l'homme aux contours un peu mystérieux qui partage sa vie, n'est au courant de rien...

    On n'est donc pas ici du tout dans le polar ou le thriller. Car le propos d'Eva, avec quarante ans de recul, c'est de poser un contexte, d'expliquer le processus. Eva est une femme ouverte, serviable, à l'écoute de ses proches, de ses voisins. Elle fut une enfant attachante. Elle n'a rien d'un monstre. Mais une connexion ne s'est pas faite entre sa mère, humiliante, égoïste et fantasque, et elle. Puis les événements s'enchaînent. Sans surprise pour nous, lecteurs, tenus d'emblée au courant du drame central. Mais dans la tension, l'attente du point de non-retour, dans le comportement de la mère tout autant que dans le geste de la fille.

    Les oreilles de Buster, Maria Ernestam (Suède). Actes Sud. 448 pages.

    9, 80 €

    Vous aimerez peut-être aussi : La tour d'arsenic, de Ann B. Radge ou Rien ne s'oppose à la nuit, de Delphine de Vigan

     

    Catégories : Livre 2 commentaires
  • Les séparées, Kéthévane Davrichewy

    amitié,amour,coma,adolescence, vie adulteLa famille, les amours, l'amitié. Ainsi se résume la trilogie affective des vies humaines. Pour Alice et Cécile, les deux femmes qui occupent la première place dans ce roman, les amours auront été, au cours des longues années de leurs existences, fluctuantes, tandis que les rôles de leurs familles et de leur amitié auront traversé sans broncher -ou presque- les changements sociétaux, politiques, ou culturels de leur pays, la France. De mai 1981 aux smartphones, les amies grandissent, mûrissent, vieillissent ensemble, se désillusionnent et s'enthousiasment au gré des événements. Se serrent les coudes. Et puis un jour -gâchis- s'éloignent.

    Quand Cécile se retrouve emmurée dans une chambre d'hôpital suite à un accident de voiture, y aura-t-il quelqu'un pour penser à prévenir Alice, après toutes ces années ? Y aurait-il eu entre elles des omissions ou des mensonges plus graves que d'autres ?

    Kéthévane Davrichewy propose au lecteur une place atypique, car la narration l'amène tour à tour dans les pensées comateuses de Cécile et dans la chronologie de l'amitié entre les deux femmes. On peut s'y perdre un peu au cours des premières pages, pour se retrouver fasciné par la complexité -et l'évidence, à rebours- du dénouement.

    Les séparées, Kéthévane Davrichewy (France). 10/18. 163 pages. 6, 60 €

    Catégories : Livre 5 commentaires
  • Les vaches de Staline, Sofi Oksanen

    51KgwkbHdEL._.jpgVu d'Europe de l'ouest, un jour le mur de Berlin est tombé, et avec lui le rideau de fer et toute une époque. La narratrice de ce roman - comme Sofi Oksanen du reste- est Finlandaise, de mère Estonienne. Les Estoniens du début du 20 ème siècle ont dû devenir des soviétiques. Sans être des Russes, avec lesquels ils ne partagent pas grand chose. Vu de Finlande, le pays riche et puissant de l'autre coté du golfe, les Estoniennes sont les femmes qui cherchent à se marier avec un homme de l'ouest, ou simplement à faire une passe pour une paire de collants ou des tampons hygiéniques. Le rapport de force est injuste forcément. La perception de l'autre, de l'étranger pourtant si proche, est déformée, faussée.

    Oppressés entre les sirènes de l'ouest et la pesanteur soviétique, déportés en Sibérie où l'horreur est partout, les Estoniens se noient, semblent disparaître.

    Anna, née dans les années 80, la narratrice, vit avec ces deux cultures, Finlandaise et Estonienne. Mais partant, également avec la honte, des deux côtés. Il lui est impossible de révéler ses origines d'Eesti en Finlande, tant les clichés ont la peau dure, et tant le KGB a des oreilles partout, ici aussi, incarné par des petits soldats à la solde de ce pouvoir qui tient en étau, de l'autre côté de l'eau, leurs familles restées au pays. En Estonie, compliqué d'avouer qu'elle ne vit pas dans un conte de fées en Finlande quand les apparences montrent le contraire.

    Les chapitres se succèdent, alternant entre l'histoire de la famille d'Anna depuis l'arrivée des Soviétiques et le calvaire moderne de la jeune fille : l'incapacité à se nourrir normalement. Car ce que mange Anna, elle le vomit aussitôt. Et elle mange, beaucoup. Passant maître incontestée dans l'art de la dissimulation, du silence, de la disparition. Vomissant une Histoire qu'elle ne parvient pas à digérer.

    Ce roman incarne majestueusement un pan énorme du destin Estonien, et plus largement la souffrance de ceux qui ont dû quitter leur terre, et qui ne parviennent pas à reconstituer le puzzle. Un roman pur et très puissant.

     Les vaches de Staline, Sofi Oksanen (Finlande). Le livre de poche. 552 p.

    7, 90 €

     

    Catégories : Littérature Scandinave 0 commentaire