Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Sulak, Philippe Jaenada

    51DgypbeXDL._SY445_.jpgEn préambule, et comme un lecteur averti en vaut deux, il faut préciser que Philippe Jaenada est un auteur capable de promettre d'offrir un exemplaire de son dernier roman à quiconque en volera un. Voilà de longues années que je lis TOUS les romans de Philippe Jaenada, que je les conseille, les offre, mais je n'en ai encore volé aucun. Mais pour m'inspirer un tant soit peu du panache de Bruno Sulak, je m'autorise aujourd'hui un hold-up en bonne et due forme : je chronique un roman qui n'est pas sorti en poche. Tout simplement parce qu'il m'est impossible d'attendre. Et puis, merde, il finira bien par sortir en poche ! (On sent ici une certaine fébrilité dans l'auto-justification foireuse, non ?)

    D'habitude, dans les romans de Philippe Jaenada, il y a toujours un type qui écluse les bars parisiens accompagné de son sac-matelot, d'un journal de turf et de toutes les casseroles qui composent sa vie. Toujours des passages hilarants. En effet, force est de constater qu'il peut être risqué de lire du Jaenada dans un lieu public, car s'esclaffer devant quelques feuilles de papier imprimé ne semble pas naturel à tout le monde. Mais comme Jaenada est un manipulateur hors-pair, il sait aussi utiliser le bon vieux truc de la douche écossaise dans le but de nous retourner comme des crêpes. Et vous pouvez vous retrouver à trembler ou pleurer en moins de deux, ce qui peut s'avérer gênant également dans les transports en commun. Alors me direz-vous, faut-il lire les romans de Philippe Jaenada ? Ma réponse est OUI. Surtout si vous lisez tranquillement, chez vous, sans témoin. Ou si vous n'éprouvez jamais aucun sentiment, mais dans ce cas, il y a beaucoup d'autres livres plus adaptés à votre cas.

    Je disais donc... Que d'habitude, les romans de Philippe Jaeanada nous font découvrir des personnages qu'on a l'impression de connaître déjà un peu. Et bien là, volte-face, je n'avais pour ma part jamais entendu parler de Bruno Sulak. Or, cet homme a bel et bien existé, et c'est la vie de ce personnage que Philippe Jaenada a voulu retracer à travers les lignes de ce roman. Un Arsène Lupin des temps modernes, si on veut la faire courte. Mais devenir un braqueur classe, ça ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut commencer par naître. Ce que Jaeanada nous raconte très bien, en retraçant le parcours de la famille Sulak, de la Pologne au village provençal de Trets, en passant par le nord. Et puis il faut être viré de l'armée, alors qu'on commençait à s'y sentir à son aise. Et ensuite faire des rencontres et n'avoir pas froid aux yeux.

    Il faut ensuite une force de caractère disons, peu commune, pour enchaîner les braquages de supermarchés, avant de s'attaquer aux bijouteries, sans jamais faire résonner le son d'une arme à feu. Pour vivre en cavale tout le temps. Pour s'échapper de prison.

    Et voilà que l'on découvre un Philippe Jaenada qui a dû bosser, bosser, bosser, se documenter jusqu'à relever les perles de la presse, recouper les dates de multiples existences. Du factuel, des comptes-rendus de procès, des articles de presse. Sans se départir malgré tout de son humour légendaire. 

    Et voilà que l'on se surprend à ne pas pouvoir dormir avant d'en savoir plus sur ce Sulak dont on n'avait pourtant jamais, ô grand jamais, entendu parler.

    Alors vous comprendrez bien qu'attendre la sortie en poche, non, ce n'était pas possible. 

    Sulak, Philippe Jaenada (France). Julliard. 496 p. 22 €

    Une interview vidéo de Philippe Jaenada qui parle de Sulak ici.

    Catégories : Livre 5 commentaires
  • A défaut d'Amérique, Carole Zalberg

    histoire familiale,juif,usa,guerreQue voyons-nous à part quelques pelletées de terre quand nous enterrons nos grands-parents, nos arrières grands-parents ? De vieilles personnes, fatiguées, usées, apaisées qui ont enfin trouvé le repos. Difficile de les imaginer jeunes, amoureux, fougueux. Difficile même de les imaginer dans le tourbillon de l'Histoire : tranchées, déportation, immigration, pogroms, Algérie. Fantômes aux yeux hagards dans le hall de l'hôtel Lutetia.

    Puisque les grands traumatismes de l'Histoire donnent naissance à des silences sans fin, nous ne parvenons pas à imaginer nos vieux dans leurs jeunes années. A défaut d'Amérique est un roman qui débute justement par un enterrement, celui d'Adèle. Une très vieille femme donc. Juive. Qui aura retrouvé quelques années avant sa mort Stanley, le soldat américain rencontré dans les rues de Paris à la Libération. Et à cet enterrement, une présence étrange, celle de Suzan, la fille de l'Américain.

    Alors on reprend tout depuis le début, l'histoire de l'Europe depuis les premiers jours du XXème siècle. Tous ces événements dont on connaît les noms en oubliant parfois de les incarner, de leur donner des visages. Se dessine ainsi l'histoire de deux familles, chacune d'un côté de l'Atlantique, chacune résumant un siècle fou. 

    Carole Zalberg nous prend avec elle, de Vilnius à la rue de Beaubourg, de Palm Beach à l'Afrique du sud, des pogroms aux tours jumelles. Avec ces femmes et leurs familles, acteurs et victimes d'un siècle qui donne le tournis. L'Histoire prend grâce à elle des visages attachants et on peine à abandonner A défaut d'Amérique.

    A défaut d'Amérique, Carole Zalberg (France). Babel. 240 pages. 7, 70 €

    Ecrire sur plus d'un siècle d'Histoire : un projet titanesque ? Retrouvez les réponses de Carole Zalberg dans l'entretien qu'elle a accordé à Fais-moi les poches !

    Catégories : Livre 0 commentaire
  • Carole Zalberg : "Mon outil est avant tout l'empathie"


    empathie,écriture,histoire familiale

    En écrivant A défaut d'Amérique, Carole Zalberg a entrepris un projet de grande envergure : un roman qui court sur plus d'un siècle, dans les remous et les cataclysmes de l'Histoire du XXème siècle. Dans ces turbulences, des êtres humains, des familles, des relations naissent et meurent. Sous la plume de Carole Zalberg, les événements prennent corps, les acteurs de l'Histoire ont un visage.


    Fais-moi les poches ! - Ecrire un roman qui se déroule sur plus d'un siècle, c'est un peu titanesque, ça ne fait pas un peu peur ? De quoi se nourrit cette écriture : témoignages, travail de recherche ?

    Carole Zalberg - Non, je n’ai pas été impressionnée pour la simple raison que je n’avais pas pour projet de couvrir le vingtième siècle. Comme toujours, je suis partie de quelques données et envies (la rencontre entre Adèle et Stanley, le voyage d’Adèle outre-atlantique un demi-siècle plus tard, l’envie d’explorer les effets des mouvements provoqués par les conflits, etc) et j’ai tiré sur le fil. Tout s’est imposé au fur et à mesure, y compris la construction. Bien sûr, j’ai fait quelques recherches. Juste assez pour ne pas commettre d’erreurs grossières mais pas trop : je n’aime pas que la documentation prenne le pas sur l’invention.


    FMLP - D'après vous, les traumatismes liés à l'Histoire peuvent-ils se résorber ou condamnent-ils irrémédiablement des familles ou des individus au malheur, même à travers les générations, comme peut le laisser penser le roman ?

    C. Z - Je n’ai pas de théories à ce sujet et, là encore, je me contente, de façon purement intuitive, d’imaginer des personnages et leur évolution. Mon “outil” est avant tout l’empathie. Ce que j’ai imaginé pour cette lignée de femmes, à mesure que je creusais, c’est un “mal” enkysté, ce sont des peurs métabolisées, transformées, que seul le temps - la vie qui s’écoule - permet d’évacuer.


    FMLP - Quel "rôle" joue exactement Suzan dans le scénario de votre roman ? Observatrice, rabat-joie, rattrapeuse de temps perdu... ?

    C. Z - Je crois que Suzan est tout cela à la fois. Elle rêve d’offrir à son père un dernier bonheur, est dépassée par ce qu’elle provoque et confrontée à ses propres limites et renoncements.


    FMLP - Et en ce moment, vous écrivez ?

    C. Z - Je suis davantage dans une phase de réécriture et de “mijotage” que d’écriture à proprement parler. J’ai retravaillé, pour le festival Livres à vous de Voiron, un roman inédit, “Entre autres” que les éditions Jérôme Millon publieront en tirage limité (c’est-à-dire confidentiel), relu les épreuves de Feu pour feu, mon roman à paraître en janvier chez Actes Sud, et je couve un prochain projet dont je ne peux encore parler mais qui me porte déjà alors même que je n’en ai pas écrit une ligne.


    Carole Zalberg est aussi l'auteure, entre autres, de La mère horizontale ; Et qu'on m'emporte, Albin Michel. Et en littérature jeunesse : Le jour où Lania est partie, Nathan ; Je suis un arbre, Actes Sud junior ; J'aime pas dire bonjour, Grasset jeunesse.
    Catégories : Livre, Rencontres 0 commentaire
  • Invitation à un assassinat, Carmen Posadas

    policier, agatha christie, voilier, espagneOlivia est une femme de caractère. Elle aime inviter les gens qui l'entourent à célébrer les événements marquants de sa vie : ses mariages, son divorce et même son assassinat. Parce que voilà, quand on est une teigne, on se fait des ennemis, et on augmente donc sans coup férir le nombre de candidats à l'homicide. C'est bien le pari d'Olivia, qui invite sur le voilier de son ex-mari, au large des Baléares, des personnages-clés de sa vie, sans lien apparent : sa soeur, son amant, son gynécologue, une jeune top-model à qui elle avait ravi un fiancé. Lequel, parmi eux, aura le cran de passer à l'acte, d'enfin se débarrasser d'elle ? 

    Carmen Posadas reprend tous les motifs du roman policier classique, avec de nombreuses références à Agatha Christie, au personnage de Sherlock Holmes, ou encore à Daphné du Maurier. Les ingrédients sont rassemblés : le huis-clos, les mobiles, les jalousies. S'y rajoutent un humour féroce et un cynisme délicieux, et l'audace d'avoir inversé les rôles, car ici, c'est la victime qui tient toutes les ficelles.

    Invitation à un assassinat, Carmen Posadas (Espagne). Points. 369 pages.

    7, 60 €.

    Catégories : Livre 0 commentaire