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  • Désorientale, Négar Djavadi

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    Il y a le génie de ce titre, ce mot-valise qui résume vraiment parfaitement l'ambiance du roman, une trouvaille sémantique qui synthétise une histoire. L'histoire, c'est celle de Kimiâ. On fait connaissance avec la jeune femme dans la salle d'attente d'un hôpital parisien, où elle attend son tour pour une insémination. Dans cette salle à l'ambiance gênée, les pensées de Kimiâ remontent le fil de son existence, de Téhéran où elle est née, à Paris où elle vit. Entre les deux endroits, un parcours sinueux : la vie d'une famille d'opposants politiques aux régimes du Shah puis de Khomeiny, le deuil d'un pays, d'une culture étouffée par la dictature, l'exil à travers les montagnes, les menaces, l'adaptation à un nouveau pays, la quête d'identité, la terreur persistante, même longtemps après.

    Négar Djavadi économise ses phrases, sait toujours comment écrire pour aller droit au but, sans jamais rien ôter de la richesse des échanges entre les personnages. Le parcours de Kimiâ s'inscrit dans la géopolitique mondiale, comme dans l'intimité la plus ténue. Entre le très grand et le très petit. Désorientale, c'est un roman tout en finesse, qui évoque bien sûr le Persepolis de Marjane Satrapi.

    Désorientale, Négar Djavadi (France). 350 pages. Editions Liana Levi.22 €

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  • Juste avant l'oubli, Alice Zeniter

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    Dès qu'il est question d'île et de huis-clos, on ne peut s'empêcher de penser à Agatha Christie. Une île, des êtres humains regroupés dans un endroit exigu et hostile, autant de possibilités de scénarios angoissants. Mais ce n'est pas cette angoisse là que choisit Alice Zeniter en situant son roman à Mirhalay, île des Hébrides dont la sauvagerie n'a d'égale que la rudesse du climat et l'éloignement du continent. C'est autre chose, de plus subtil. Car Alice Zeniter, comme dans Jusque dans nos bras ou Sombre dimanche, décortique les relations humaines.

    Alors qui sont-ils, nos humains à observer, cette fois-ci ? Il y a Emilie, universitaire passionnée de Galwin Donnell, un romancier, auteur de polar, disparu mystérieusement sur l'île de Mirhalay des années auparavant alors qu'il y vivait en quasi-ermite. En charge de l'organisation d'un séminaire sur l'auteur, elle goûte sur place à l'ambiance de cette île où a vécu l'auteur qu'elle admire plus que tout. Il y a son  compagnon, Franck, qui essaie modestement de se montrer à la hauteur des relations hautement cultivées d'Emilie. Test éprouvant pour la solidité de son couple. Il y a le bal des universitaires avec leur hiérarchie plutôt obscure quand on ne fait pas partie du cercle. Il y a le gardien de l'île, qui a connu Donnell, et qui peine à dissimuler sa détestation pour tous ces pèlerins au vocabulaire enlevé. Et puis il y a les falaises, le vent, la pluie, l'écume, la solitude.

    A situation exceptionnelle, relations exceptionnelles. Nous ne sommes pas dans du Agatha Christie, mais le polar est présent dans les références au début, et dans l'intrigue à la fin. Mais la principale victime dans cette enquête-là est le lien entre Emilie et Franck.

    Juste avant l'oubli est un roman qui joue avec les codes, les références littéraires. Il crée habilement des attentes, pour mieux nous surprendre, dans un cadre qui laisse la place à toutes les fantasmagories.

    Juste avant l'oubli, Alice Zeniter (France). J'ai lu. 283 pages. 7, 10€

     

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  • Les gens dans l'enveloppe, Isabelle Monnin avec Alex Beaupain

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    C'est plus qu'un roman. D'abord la re-création d'une réalité à partir de photos de familles datant des années 70, achetées par lot sur internet par Isabelle Monnin, au gré du hasard. Une histoire qui se tricote à partir des regards sur les photos, de la couleur du papier peint, des absents, des récurrences. C'est ensuite une enquête, menée après l'écriture de la première partie, pour découvrir la véritable identité des "gens dans l'enveloppe". Une enquête, qui, à la grande surprise d'Isabelle Monnin elle-même, se révèle fructueuse très rapidement. Ses personnages de papier prennent une véritable identité. Elle les rencontre et confronte son histoire la réalité de cette famille. Les coïncidences sont parfois troublantes, les intuitions assez bien senties. Et la situation s'avère particulière, puisque l'enquête d'Isabelle Monnin la plonge dans l'intimité d'une famille qui lui est complètement inconnue. Une famille qui, à aucun moment, ne songe à lui fermer la porte. Ce sont enfin ces photos, présentes au centre de l'objet-livre, mystérieuses et familières.

    Et puis Alex Beaupain, compositeur-interprète de grand talent et ami de l'auteure, a parachevé le projet par un album musical (téléchargeable gratuitement à l'achat du livre), inspiré du texte fictif, comme de la véritable histoire de la famille. Sur cet album, les véritables protagonistes prennent le micro, racontant à leur tour l'histoire de Laurence, Michelle, Mémé Poulet.

    C'est donc un objet étonnant que ces Gens dans l'enveloppe, fusée à plusieurs étages. Roman, enquête, confessions autobiographiques aussi, oeuvre musicale. Une ambiance des années 70, des tricots rayés, des vacances au camping, des aspirations féminines, du monde qui change. Au delà d'un projet surprenant, un livre d'une grande qualité, plein d'émotion.

    Les Gens dans l'enveloppe, Isabelle Monnin avec Alex Beaupain (France). Le livre de poche. 8, 90 €

    Catégories : Littérature Française, Musique 0 commentaire