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humour - Page 2

  • Jusque dans nos bras, Alice Zeniter

    Ca va vous sembler stupide mais j'ai mis un certain temps à retrouver où j'avais entendu cette bribe de phrase "jusque dans nos bras". Et puis j'ai trouvé, une fois la dernière page de ce roman passée. Oui, la Marseillaise ! Un hymne à la patrie, à l'unité de la nation devant l'adversité (aux paroles saisissantes de... détermination, faut-il le rappeler ? Oui appelons ça comme ça, de la détermination...) Un haka bien stimulant pour résister aux hordes tyranniques et sanguinaires, cette chanson. Bon, c'était peut-être utile au 18ème siècle, on trouvera certainement certains passages un chouilla excessifs en 2013.

    Bref, je m'égare.

    Nous sommes en France, novembre 2013. Notre nation est tellement évoluée qu'une de ses ministres subit publiquement le racisme le plus vil, le plus bas, le plus fétide. Comment en est-on arrivé là ? peut-on légitimement s'interroger. Nous aurions donc la mémoire si courte que nous aurions oublié qu'en 2007, à l'arrivée d'un nouveau Président de la République et de son gouvernement, un "ministère de l'identité nationale" aux relents pétainistes a été créé. Et pendant cette période, des gens ont vécu dans ce pays, avec la peur au ventre.

    C'est ce que rappelle Alice Zeniter dans ce roman très inspiré de l'actualité du quinquennat Sarkozy. A travers les aventures d'Alice et Mad, qui vont faire de leur union le plus blanc des mariages pour tenter de faire passer inaperçue la peau noire de Mad. Les amis d'enfance se jettent à corps perdus, mais pétris de questions, dans cette aventure qui leur semble injuste, mais pas si étonnante, puisqu'elle s'inscrit dans la grande lignée de l'histoire du racisme qu'ils écrivent ensemble depuis les bancs de la maternelle. Depuis le mot "bougnoule", depuis la haine anti-arabe de l'après 11 septembre 2001.

    Avec un humour incroyable, Alice Zeniter réussit la performance de la simplicité de la démonstration sans grand discours. Et nous rappelle qu'un roman, ça peut faire travailler un peu la compassion.

    Jusque dans nos bras, Alice Zeniter (France). Le livre de poche. 192 pages. 6, 60 €

    Catégories : Littérature Française 2 commentaires
  • Invitation à un assassinat, Carmen Posadas

    policier, agatha christie, voilier, espagneOlivia est une femme de caractère. Elle aime inviter les gens qui l'entourent à célébrer les événements marquants de sa vie : ses mariages, son divorce et même son assassinat. Parce que voilà, quand on est une teigne, on se fait des ennemis, et on augmente donc sans coup férir le nombre de candidats à l'homicide. C'est bien le pari d'Olivia, qui invite sur le voilier de son ex-mari, au large des Baléares, des personnages-clés de sa vie, sans lien apparent : sa soeur, son amant, son gynécologue, une jeune top-model à qui elle avait ravi un fiancé. Lequel, parmi eux, aura le cran de passer à l'acte, d'enfin se débarrasser d'elle ? 

    Carmen Posadas reprend tous les motifs du roman policier classique, avec de nombreuses références à Agatha Christie, au personnage de Sherlock Holmes, ou encore à Daphné du Maurier. Les ingrédients sont rassemblés : le huis-clos, les mobiles, les jalousies. S'y rajoutent un humour féroce et un cynisme délicieux, et l'audace d'avoir inversé les rôles, car ici, c'est la victime qui tient toutes les ficelles.

    Invitation à un assassinat, Carmen Posadas (Espagne). Points. 369 pages.

    7, 60 €.

    Catégories : Livre 0 commentaire
  • Les Morues, Titiou Lecoq

    9782253166801-T.jpgFoutraque. Bordélique. Savoureux. Comment trouver l'adjectif idéal pour qualifier ce roman étonnant ? Entre Bridget Jones et John Le Carré (pour les préoccupations de filles et l'espionnage), le pamphlet critique de la société et la publicité pour apple, les tergiversations amoureuses et le "no future" ... Il y a un un peu de tout dans Les Morues. Parce qu'un groupe de copines trentenaires qui boivent des vodkas accoudées au même bar toute l'année, ça recèle forcément des vies, des passages compliqués, des aspirations contradictoires, des prises de conscience, des prises de bec, des certitudes ébranlées. Sur ce point, la palme revient à Ema, en apparence très à même de distribuer les bons et les mauvais points. Les bons d'un côté et les mauvais d'un autre. Charlotte, son amie d'enfance était passée du côté obscur en projetant d'épouser "Tout-mou". Alors quand Ema apprend le suicide de cette amie, elle enrage de ne pas avoir les clés pour comprendre son geste. Qu'à cela ne tienne, elle va essayer de résoudre le mystère, quitte à utiliser des méthodes originales et fantasques, qui vont la mener vers des territoires inconnus pour elle, où les partenariats public-privé dans la gestion des musées jouent un rôle diabolique. Vous me suivez ? Plus compliqué qu'il n'apparaît de prime abord, non ?

    Bref, sous une apparente simplicité, Les Morues n'est pas qu'un "roman de filles". On rit. On s'interroge. On doute. On compatit. Titiou Lecoq nous fait naviguer du grave au léger sans vergogne, en parvenant miraculeusement à trouver l'équilibre. Etonnant.

    Les Morues, Titiou Lecoq (France). Le livre de poche. 408 pages. 7, 10 €

    Titiou Lecoq nous explique comment elle a réussi à maintenir un équilibre dans son roman très polymorphe : passionnant !

     

    Catégories : Livre 5 commentaires
  • Titiou Lecoq : "les défauts du roman sont aussi les miens"

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    Titiou Lecoq a réussi un objectif risqué en écrivant Les Morues : mélanger les genres, quitte à se retrouver dans la catégorie inconfortable des "inclassables". Car elle sait nous faire rire, réfléchir, palpiter, compatir, railler. Elle nous explique ici comment elle est parvenue à trouver un équilibre narratif pour aboutir à ce roman savoureux.


    Fais-moi les poches - Une idée de roman pareille, Titiou Lecoq, avec autant de rebondissements, de personnages très  caractérisés, dites-nous tout : comment ça germe ?

     

    Titiou Lecoq - Je suis partie des personnages. Dès le début, j'avais une idée assez précise d'Ema et de Fred. J'avais même des bouts de dialogue, des répliques. Donc leur façon de parler, d'être m'est venue spontanément. Après la question c'était : j'en fais quoi. J'ai été très méthodique. J'ai lu pas mal de manuels de scénarios pour savoir par quel bout prendre le truc. Il fallait que je réponde à des questions précises : quels sont leurs rapports, comment ils se sont connus, où est-ce que chacun en est dans sa vie au début de l'histoire, où est-ce que chacun arrive, quelle évolution intérieure et extérieure ils vont suivre etc. J'ai essayé de suivre une intrigue classique découpée en trois actes avec des conflits pour chacun des protagonistes et un climax.  Avant Les Morues, à la fac, j'avais écrit un premier roman monstrueusement long, avec des passages de bravoure, des idées géniales. Et puis en finissant de l'écrire, je m'étais rendue compte que j'avais oublié un truc : l'histoire. Je n'avais pas d'histoire. Pas d'intrigue principale, pas d'intrigue secondaire. Au final, j'avais écrit une suite de scènes plus ou moins réussies avec des gens qui buvaient du café et fumaient des clopes en discutant. 
    Donc là, j'ai été assez scolaire. Je me suis dit : cette fois, je vais apprendre comment on raconte une histoire, quels sont les mécanismes narratifs. Ensuite, évidemment, pendant l'écriture, je me suis éloignée de "leçons de scénario" mais j'ai pu m'en éloigner en sachant ce que je faisais. J'avais envie que ce roman se lise d'une traite. C'est aussi pour ça que j'ai choisi une intrigue policière comme trame principale parce que c'est un genre très formateur qui oblige à réfléchir à la manière dont on structure son histoire. 
     
    FMLP - Diriez-vous que votre roman vous ressemble ?
    T. L - J'aime beaucoup cette question. Je la trouve nettement plus pertinente que "est-ce qu'Ema vous ressemble ? Est-ce que c'est autobiographique ?" Donc j'imagine que oui. Je suis assez d'accord avec les théories littéraires qui présentent l'auteur comme une conscience du monde, une intention en acte. La vision du monde qui se dégage des Morues, c'est forcément moi. Les obsessions des personnages aussi. Un certain mode de vie sans doute également. Et les défauts du roman sont aussi les miens. 
     
    FMLP - Quel a été votre secret pour ne jamais verser vers un genre précis tout en flirtant avec l'intrigue policière, la critique sociale, le roman de filles... ?
    T. L - Pas de secret à part faire attention à maintenir un équilibre à chaque fois entre les genres. Pas un équilibre artificiel. Il suffisait que je suive la vie de mes personnages telle qu'elle était. La journée, on est au travail, avec les problèmes qu'on peut y avoir, le soir on est avec ses amis, ou seul, ou en couple. Et essayer d'alterner tout ça c'est difficile dans la vie. Il fallait retranscrire cette difficulté. Et puis au milieu, Fred et Ema devaient trouver du temps pour enquêter (souvent pendant leur journée de boulot évidemment). Mais c'était bizarre parce qu'en même temps, ma volonté de mélanger les genres (simplement parce que la vie est comme ça, je n'ai rien inventé, Victor Hugo l'a très bien expliqué pendant la bataille des Anciens et des Modernes au sujet de Hernani) je savais que c'était ce qui allait poser problèmes à des éditeurs. En France, l'édition fonctionne beaucoup par collection. Un polar c'est la collection noire, un roman plus classique/ générationnel c'est la blanche, un truc qui parle des femmes c'est la série girly. 
    J'ai même eu un éditeur qui acceptait de publier le roman si je le réécrivais entièrement en choisissant un genre précis. Alors que mon idée de base était exactement l'inverse. 
    Et puis, même à la sortie, il y a eu des lecteurs qui étaient troublés par ce mélange. 
     
    FMLP - L'humour c'est important pour vous dans l'écriture ? Souhaitez-vous faire rire vos lecteurs, les faire rêver, réfléchir ?
    T. L - Oui. L'humour c'est important pour moi dans l'écriture. Même dans les articles que je peux faire parce que je pense que c'est aux auteurs d'aller vers les lecteurs et pas forcément l'inverse. Quand on veut parler de sujet pas sexy comme la Révision Générale des Politiques Publiques, ça passe mieux en y ajoutant des blagues. C'est plus pédagogue. 
    Après, dans ma vie en général, même au milieu des pires catastrophes, mes amis et moi, on a tendance à faire des blagues. Sinon ce serait invivable. Je crois que c'est Chesterton qui disait "la vie est une chose trop importante pour être prise au sérieux". 
     
    FMLP - La sortie en poche de votre roman, est-ce aussi un moment clé ?
    T. L - Quand j'ai appris que le Livre de Poche achetait les droits des Morues, j'étais très contente parce, pour des raisons financières évidentes, c'est dans cette collection que j'ai lu le plus de romans. Mais ça restait assez abstrait. Mais depuis la parution du poche, c'est marrant parce que je découvre à quel point ça donne une deuxième vie à un livre, une nouvelle exposition. Ca va faire deux ans que les Morues sont parues et je me retrouve de nouveau à recevoir des messages de lecteurs (ou des demandes de blogs ;) 
     
    FMLP - Et en ce moment vous écrivez quoi ?
    T. L - Je galère comme une damnée sur un deuxième roman mais je vais en venir à bout. (Autopersuasion.) Mon éditrice m'avait prévenue que le deuxième c'était le plus douloureux à faire. Elle avait raison. Surtout quand le premier a bien marché. Il y a une pression ridicule qu'on se met involontairement. Donc niveau parution, il est prévu pour septembre 2014. Et j'ai aussi un autre livre en cours, qui est une adaptation de mon blog (Girls and geeks) qui devrait paraître vers janvier prochain.  
    Catégories : Livre, Rencontres 0 commentaire
  • Comment devenir écrivain quand on vient de la grande plouquerie internationale, Caryl Férey

    51oPANJZCML._.jpgBon, soyons clairs, le titre est à l'image du texte : insolent, drôle, au style enlevé. En un mot : décapant. Le parcours autobiographique d'un écrivain, pour qui tout commence par les journées d'enfance pas toujours roses aux côtés d'un frère, comment dire... un peu rude.  En province. Non pas en province, en Bretagne. Non, pas en Bretagne, à Montfort-sur-Meu !

    Puis c'est l'appel du stylo très tôt, des textes-fleuves d'écolier, raillés par la maîtresse (encore !). Quelques années et une réforme du service militaire plus tard, le premier roman est publié grâce à la souscription, bien avant les facilités du monde numérique. Quelques squats chez des copains après, pour échapper au RMI, les couloirs de la télévision. Où oeuvrent les tâcherons du spectacle, les ouvriers du rêve, payés (pas souvent) à coups de gloire passagère plutôt qu'en fraîche monnaie pour pondre des scénarios de série (où l'on découvre qu'"écrire de la merde, ce n'est pas si facile que ça"). Le parcours est long, tortueux, décourageant. Mais l'envie d'écrire, et par dessus tout, de se faire lire et de pouvoir en vivre surpasse tout, catapulte les épreuves. Surtout quand on a toujours été chanceux, qu'on a toujours fait 6 aux dés dans les jeux de société.

    Alors un jour, oui, pour Caryl Férey, c'est arrivé, après quelques sciatiques et un CV contenant à lui tout seul tous les corps de métier du monde du travail : être publié dans une grande maison d'édition. Enfin. Il était temps.

    Dès les premières lignes, Caryl Férey nous embarque dans son univers déjanté. Il décrit la galère avec un humour vif et un style évident, singulier, comme si le contenu était complètement à l'image des mots qui le décrivent. Décoiffant !

    Comment devenir écrivain quand on vient de la grande plouquerie internationale,

    Caryl Férey (France). Points. 161 pages. 10 €

    De la plouquerie internationale aux marches de Cannes : pour en savoir plus sur Caryl Férey, lisez l'entretien qui suit.

    Catégories : Livre 2 commentaires
  • Paris-Brest, Tanguy Viel

    71OPVDCNKyL._AA1500_.jpgPour qui a déjà arpenté les rues de Brest, ce roman est une obligation. Pour tous les autres, une nécessité. Parce que cette ville est une ambiance à elle seule, tout comme l'est ce roman. Parce qu'à Brest, les classes ouvrières, fourmis laborieuses de l'arsenal et du port cotoyèrent les officiers, les amiraux et leurs descendances. Même lieu, mondes opposés.

    La rencontre entre les deux univers s'opère pourtant dans ce roman. Le narrateur fréquente le fils Kermeur. Il voudrait bien être issu d'une famille de gauche, le fils Kermeur serait prêt à tout pour être d'une famille de droite. Alors va se constituer ce duo de pieds nickelés, qui n'est pas sans évoquer Les Apprentis de Pierre Salvadori. Parce que chacun étouffe dans son milieu, ils vont se trouver. Comme ça. Sans raison vraiment recevable. C'est quand la grand-mère du narrateur va hériter des millions de son compagnon de vieillesse, un amiral richissime rencontré sur le tard (très tard) sur les marches du Cercle marin, que les choses vont, disons, s'emballer. Il faudra donc, peut-être, pour paraphraser Miossec, un jour "quitter Brest". Et ça ne se fait pas comme ça.

    Il y a ici de la noirceur et de l'humour à parts égales, des descriptions acerbes et de la cocasserie. Equilibre étonnant. Les mots sont fluides, on se laisse même surprendre à lire, alors qu'on a l'impression d'entendre un conteur, Tanguy Viel.

    Paris-Brest, Tanguy Viel. Editions de Minuit, collection Double. 173 pages. 7 €

    Catégories : Livre 1 commentaire
  • Chouquette, Emilie Frèche

    41Ke3RTP2aL._SL500_.jpgLa saison des mères et grands-mères indignes continue, après Rien ne s'oppose à la nuit, de Delphine de Vigan, La tour d'arsenic, d'Anne B. Radge, voici Chouquette. Indigne certes, elle aussi, dans son rôle de mère et de grand-mère, mais assumée... Enfin, c'est ce que voudrait montrer Catherine, la grand-mère en question, pour qui les apparences font force de loi. Quitte à se mentir à soi-même sur bien des sujets et par de multiples artifices, mêlant le déni et le lifting. 

    Aigre et vacharde, Catherine n'épargne rien à personne : sa fille, ses domestiques, ses amis, son petit-fils, sa fausse-vraie meilleure amie. Personne ne trouve grâce à ses yeux, à part Jean-Pierre, son mari... Sauf qu'il l'a quittée depuis des mois et qu'elle est la seule à sembler ne pas le savoir.

    Reste que Catherine n'est pas la seule à en prendre pour son matricule. Egoïste jusqu'à la nausée, superficielle jusqu'à... Saint-Tropez, serait-elle pour autant plus condamnable que sa fille, pourtant philanthrope et altruiste ?

    Humour féroce et clairvoyance se partagent la vedette dans ce roman fin, surprenant et pas du tout "politiquement correct". Délicieux. A découvrir d'urgence !

     

    Chouquette, Emilie Frèche (France). J'ai Lu. 157 pages. 6 €.

    Catégories : Livre 1 commentaire