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famille - Page 4

  • Les lisières, Olivier Adam

    9782290068489_cb.jpgLa sortie de ce roman en grand format ayant été très médiatisée, il y a de cela moins d'un an, c'est avec quelques représentations pré-conçues, nourries de commentaires et d'interviews de l'auteur, que j'appréhendais sa lecture. Je m'attendais en effet presque à un ouvrage sociologique, voire politique, traitant de l'extension des banlieues résidentielles en France et du vote extrême. Et bien, c'était vrai. Mais ce constat n'englobait pas toute la richesse de ce roman.

    Les lisières sont certes ici celles des villes, celles des orientations professionnelles pré-programmées en fonction du milieu social d'origine, des bulletins de vote du monde ouvrier en perdition sur les terres d'extrême-droite, la frontisation comme recours ultime et suicidaire au sentiment d'abandon. Mais Olivier Adam arpente surtout ici les champs de l'intime. Car les lisières, ce sont aussi les limites de la santé mentale dans un milieu hostile, celui de la société des hommes. L'organisation de la vie sur la corde raide de la vieillesse. Les affres de l'élévation sociale et de la reconnaissance des proches. La solitude. Le sentiment de solitude. L'extrême complexité des liens familiaux.

    En sillonnant la ville où il a grandi, le narrateur se remémore, les événements, les personnes. Il confronte le passé et le présent, s'interroge, digresse, constate. Cherche à comprendre. Cet entremêlement génère un réalisme stupéfiant, un malaise aussi, et certainement un soulagement immense : un auteur comme Olivier Adam peut écrire un roman foncièrement intimiste en dépeignant son époque. Il est souvent reproché au narrateur des Lisières de vivre en observateur dilettante, distancié et privilégié. Ce reproche ne peut en aucun cas être adressé à Olivier Adam, tant l'acuité de son regard est sublime... et utile.

    Les lisières, Olivier Adam. J'ai lu. 7, 90 €.

    Si vous avez aimé Les lisières, je vous recommande la lecture de Banquises, de Valentine Goby.

    Catégories : Livre 2 commentaires
  • Paris-Brest, Tanguy Viel

    71OPVDCNKyL._AA1500_.jpgPour qui a déjà arpenté les rues de Brest, ce roman est une obligation. Pour tous les autres, une nécessité. Parce que cette ville est une ambiance à elle seule, tout comme l'est ce roman. Parce qu'à Brest, les classes ouvrières, fourmis laborieuses de l'arsenal et du port cotoyèrent les officiers, les amiraux et leurs descendances. Même lieu, mondes opposés.

    La rencontre entre les deux univers s'opère pourtant dans ce roman. Le narrateur fréquente le fils Kermeur. Il voudrait bien être issu d'une famille de gauche, le fils Kermeur serait prêt à tout pour être d'une famille de droite. Alors va se constituer ce duo de pieds nickelés, qui n'est pas sans évoquer Les Apprentis de Pierre Salvadori. Parce que chacun étouffe dans son milieu, ils vont se trouver. Comme ça. Sans raison vraiment recevable. C'est quand la grand-mère du narrateur va hériter des millions de son compagnon de vieillesse, un amiral richissime rencontré sur le tard (très tard) sur les marches du Cercle marin, que les choses vont, disons, s'emballer. Il faudra donc, peut-être, pour paraphraser Miossec, un jour "quitter Brest". Et ça ne se fait pas comme ça.

    Il y a ici de la noirceur et de l'humour à parts égales, des descriptions acerbes et de la cocasserie. Equilibre étonnant. Les mots sont fluides, on se laisse même surprendre à lire, alors qu'on a l'impression d'entendre un conteur, Tanguy Viel.

    Paris-Brest, Tanguy Viel. Editions de Minuit, collection Double. 173 pages. 7 €

    Catégories : Livre 1 commentaire
  • Valérie Tong Cuong : quand l'esprit protège le corps...

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    Valérie Tong Cuong est l'auteure de L'ardoise magique. Elle a accepté de répondre aux questions de Fais-moi les poches sur l'écriture de ce roman, dans lequel l'esprit de Mina va la tromper pour mieux la sauver. Une lecture à conseiller aux adultes comme aux ados.

    Fais-moi les poches : - Pour écrire ce roman, vous avez dû vous mettre dans la peau d’une adolescente. Comment vous y êtes vous prise ? S’agit-il d’observation ou de puiser dans ses propres souvenirs ? 
    Valérie Tong Cuong : - J’ai utilisé bien sûr les réminiscences de ma propre adolescence qui fut compliquée, chaotique, intense, mais aussi l’observation de celle des autres – je m’imprègne en permanence de ceux que j’ai la chance de rencontrer, ados, enfants, adultes. 
    Il faut dire que j’ai des enfants adolescents : je baigne donc dans cet environnement qui m’a d’ailleurs inspiré également un court roman publié aux Editions du Moteur, la Battle
    Enfin, j’ajouterai que j’ai situé cette histoire à l'époque de l’adolescence, mais elle illustre avant tout un étranglement intérieur, un moment où l’on se sent au pied d’un mur infranchissable tout en étant dans l’incapacité à l’exprimer. Ce sentiment d’impasse, de solitude, d’être incompris, cette incapacité à avancer peut surgir à des moments très différents dans une vie, ce qui explique que tout le monde, quel que soit son âge, peut se sentir concerné par ce que ressent Mina, l’héroïne.

     

    FMLP - En ce moment, j’ai l’impression que les romans –français en particulier et féminins la plupart du temps- évoquent beaucoup la famille, les mères en particulier. Comment expliquer cette tendance ? 
    V. T. C  - Une hypothèse serait que l’éclatement des repères et la déshumanisation des rapports humains créent ce besoin de revenir à l’image fondatrice (et en principe protectrice, mais parfois destructrice) de la mère. Dans le même ordre d’idées, les quêtes d’identité se multiplient : beaucoup d’entre nous réalisent qu’ils se sont perdus de vue. Alors, ils ressentent le besoin de revenir à l’origine pour comprendre. Or l’origine de tout, de nos souffrances comme de nos capacités à nous défendre, réside dans la qualité de l’amour reçu (ou pas) dans l’enfance, au sein de la famille.

     

    FMLP - Dans L’ardoise magique, la « mort » d’Alice va sauver Mina, la préserver du suicide. Pensez-vous que notre inconscient puisse créer ainsi des réflexes de survie ?

    V. T. C - L’esprit est renversant dans les possibilités qu’il offre pour «protéger» le corps – la survie. Ainsi, il est admis que nous sommes capables d’occulter inconsciemment des événements de notre passé auxquels nous ne pourrions faire face. La mémoire va enfouir profondément un traumatisme, pour éviter tout simplement que nous nous suicidions. Elle reviendra seulement lorsque l’on sera assez fort pour l’affronter sans mettre notre vie en danger. Des sujets fascinants...

     

    FMLP - Repartir à zéro quand à 18 ans, on traîne déjà beaucoup de casseroles, être « résilient », ça demande beaucoup d’efforts . Où Mina va-t-elle puiser ces forces ? Avez-vous imaginé ce que va être sa vie après vos dernières lignes ?

    V. T. C - La résilience tient à différents facteurs. Le paramètre indispensable, c’est la rencontre. Seule, Mina serait incapable de modifier son point de vue. Elle resterait avec ses certitudes sombres. Mais David – « Sans-larme » va l’aider à décadrer, à revoir les choses sous un angle différent. Cependant, cette rencontre ne serait sans doute pas suffisante si Mina n’avait en elle des ressources de vie. Car malgré ses difficultés, elle a reçu de l’amour lorsqu’elle était enfant. Cet amour-là a préservé chez elle la possibilité d’aimer à nouveau la vie, et l’idée, même bien cachée, qu’elle pourrait à nouveau être aimée de son prochain. A l’issue du livre, Mina a beaucoup appris sur elle-même et sur le fonctionnement de l'être humain. Et elle sait qu'elle n'est pas condamnée à la solitude. Elle a donc les forces nécessaires pour avancer.

     

    FMLP - Etait-il important pour vous de surprendre le lecteur à la fin du roman comme vous l’avez fait ?
    V. T. C - Cette surprise était capitale dans la mesure où la narration se fait par la voix de Mina. C’est SA surprise à elle, qu’il fallait transmettre. Cela me permettait de créer un bouleversement chez le lecteur, de lui couper le souffle. Provoquer des émotions fortes, c’est un des intérêts de l’écriture romanesque.

    Photo : Delphine Jouhandeau 

    Valérie Tong Cuong est l'auteure de L'atelier des miracles  en grand format chez Lattès, La Battle, (Editions du moteur), et Providence, Big, Où je suis,  Gabriel, Ferdinand et les iconoclastes (J'ai lu), Noir dehors (Livre de poche)

    Catégories : Livre, Rencontres 1 commentaire
  • Le dîner, Herman Koch

     

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    C'est aux Pays-bas que nous dinons ce soir. Petits plats dans les grands, il s'agit d'un "grand" restaurant, bonnes manières riment ici avec bonne chère. Alors si en plus vous dinez avec le futur premier ministre du pays, qui n'est autre que votre frère, il paraît évident qu'il s'agira d'un moment agréable, tout en retenue et en élégance. Ca, c'est pour le cadre, la petite musique de fond. 

    Car c'est de violence et d'amoralité dont parle ce roman, dont l'originalité est de tisser ses pages autour d'une seule unité de temps, ce fameux dîner. Deux frères, qui ont reçu une bonne éducation et évoluent dans les sphères privilégiées d'un pays développé, ont élevé leurs enfants, devenus adolescents. Un jour pourtant, les rouages se grippent, avec une brutalité inouïe. Les fils vont commettre un acte haineux, honteux, scandaleux, incroyable. Quelles réactions vont adopter leurs parents ? Où se place, au bout du compte, le curseur de la morale quand on tient à sauver sa peau, sa famille, les apparences ?

    Plus on approche du dessert et plus l'auteur nous bluffe. Herman Koch souffle le chaud et le froid sur ses lecteurs en les tenant en haleine et en les amenant où ils ne veulent sans doute pas aller : de l'autre côté de la bienséance. C'est agréable et dérangeant.

    Le dîner, Herman Koch (Pays-bas). 10 / 18. 355 pages. 8, 10 €.

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  • Entretien avec un vampire : Philippe Jaenada

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    Nous continuons notre voyage en Transylvanie en compagnie de Philippe Jaenada. Il nous dit tout sur l'écriture de "Bogdana", sa nouvelle vampirique de Bienvenue en Transylvanie. Tout, et un peu plus...

    Fais-moi les poches : - Pour établir ce recueil, avez-vous travaillé en concertation avec les autres auteurs ou avez-vous découvert les nouvelles des autres après l'écriture ?

    Philippe Jaenada : -Non, j'ai fait ça tout seul dans mon coin. Je connais plusieurs des auteurs qui ont participé au recueil, mais je ne les ai pas contactés au moment de l'écriture, je ne sais pas du tout ce qu'ils ont fait (j'ai un peu honte, je n'ai toujours pas lu).

    FMLP : - Vous poussez le souci du réalisme jusqu'à « inviter » un vampire dans votre propre famille... Ça ne les dérange pas ?

    P.J : - Ça ne risque pas de trop les déranger, car tout est vrai. Presque. Mon oncle (par alliance) roumain ressemble en tout point à celui de la nouvelle. Quand les choses sont vraies, on peut les écrire, non ?

    FMLP : -La scène où la jeune fille terrifiée surgit dans la forêt est digne d'un film comme « Projet Blair Witch » en terme d'épouvante. Qu'est-ce qui vous a inspiré pour l'écrire ?

    P.J : - Ce qui m'a inspiré, c'est la réalité, bien sûr. Non, bon, d'accord, le "presque" de la réponse du dessus est un peu vrai là, pour être honnête. Je me suis inspiré d'une sorte de légende que j'ai trouvée dans un magazine d'héroïc fantasy (ou quelque chose comme ça, je ne sais pas exactement comment s'appellent ces trucs-là) que lit mon fils. Mais faut pas le dire.

    FMLP : - Etes vous sûr et certain de ne pas avoir reçu d'héritage vampirique de votre oncle ?

    P.J :- Pas sûr, non. Un auteur qui utilise ce qui l'entoure, les gens qu'il connaît, pour en nourrir ses histoires, c'est un genre de vampire, il me semble. D'ailleurs, approchez, n'ayez pas peur, montrez-moi votre cou.

    Philippe Jaenada est l'auteur de Le Chameau sauvage (Prix de Flore 1997, adapté au cinéma sous le titre "A + Pollux"), La grande à bouche molle, Nefertiti dans un champ de canne à sucre, Le cosmonaute, Les Brutes, Plage de Manaccora, 16 h 30, La femme et l'ours... disponibles chez J'ai lu ou Points.

    Catégories : Livre, Rencontres 2 commentaires
  • La tour d'arsenic, Anne B. Radge

    514FVHQ4B2L._SL500_AA300_.jpgPrenez une vieille femme qui vient de mourir. Imaginez maintenant ses enfants, hilares et soulagés, s'empressant de préparer un feu de joie avec les biens de la défunte. Combien aura-t-il fallu d'incompréhensions et de rancoeurs mal digérées pour en arriver là ? C'est ce que va essayer de comprendre la petite fille, elle-même devenue mère. Il lui faudra disséquer l'histoire familiale pour obtenir des amorces d'explications, mais comme un oignon dont on enlève sans relâche couche après couche, une découverte peut en cacher une autre, toujours. On remontera ici jusqu'au prémices du XXème siècle, car il faut sans aucun doute plusieurs générations pour porter un fardeau.

    Anne B. Radge raconte bien les histoires : elle campe un décor, et puis, tout à coup, on se rend compte que c'est le décor qui est devenu l'histoire. Et c'est plutôt plaisant de se faire abuser de la sorte.

    La tour d'arsenic, Anne B. Radge (Norvège). 10 /18. 499 pages.

    9, 10 €.

    Catégories : Littérature Scandinave 2 commentaires
  • Rien ne s'oppose à la nuit, Delphine de Vigan

    419yRqhSsYL._SL500_AA300_.jpgQue se cache-t-il derrière ces quelques mots lancés en l'air un beau jour par Alain Bashung ? Le destin étrange d'une femme, la mère de la narratrice, et à travers elle les sinuosités de toute une famille.

    Delphine de Vigan aime faire passer le lecteur de l'autre côté du miroir, ce côté obscur où se disent les choses qui d'habitude sont tues. Dans les familles, il en va ainsi de la folie, des morts honteuses, des gestes déplacés. Et puis, dans ses lignes, ceux qui parlent fort ne sont pas toujours ceux qui en disent le plus.

    Une lecture dérangeante et fascinante.

    Rien ne s'oppose à la nuit, Delphine de Vigan (France).

    Le Livre de Poche. 7, 60 €

    Si vous avez aimé ce roman, vous apprécierez peut-être La tour d'arsenic, de Anne B. Radge, ou Les oreilles de Buster de Maria Ernestam.

    Catégories : Livre 2 commentaires