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  • Les Morues, Titiou Lecoq

    9782253166801-T.jpgFoutraque. Bordélique. Savoureux. Comment trouver l'adjectif idéal pour qualifier ce roman étonnant ? Entre Bridget Jones et John Le Carré (pour les préoccupations de filles et l'espionnage), le pamphlet critique de la société et la publicité pour apple, les tergiversations amoureuses et le "no future" ... Il y a un un peu de tout dans Les Morues. Parce qu'un groupe de copines trentenaires qui boivent des vodkas accoudées au même bar toute l'année, ça recèle forcément des vies, des passages compliqués, des aspirations contradictoires, des prises de conscience, des prises de bec, des certitudes ébranlées. Sur ce point, la palme revient à Ema, en apparence très à même de distribuer les bons et les mauvais points. Les bons d'un côté et les mauvais d'un autre. Charlotte, son amie d'enfance était passée du côté obscur en projetant d'épouser "Tout-mou". Alors quand Ema apprend le suicide de cette amie, elle enrage de ne pas avoir les clés pour comprendre son geste. Qu'à cela ne tienne, elle va essayer de résoudre le mystère, quitte à utiliser des méthodes originales et fantasques, qui vont la mener vers des territoires inconnus pour elle, où les partenariats public-privé dans la gestion des musées jouent un rôle diabolique. Vous me suivez ? Plus compliqué qu'il n'apparaît de prime abord, non ?

    Bref, sous une apparente simplicité, Les Morues n'est pas qu'un "roman de filles". On rit. On s'interroge. On doute. On compatit. Titiou Lecoq nous fait naviguer du grave au léger sans vergogne, en parvenant miraculeusement à trouver l'équilibre. Etonnant.

    Les Morues, Titiou Lecoq (France). Le livre de poche. 408 pages. 7, 10 €

    Titiou Lecoq nous explique comment elle a réussi à maintenir un équilibre dans son roman très polymorphe : passionnant !

     

    Catégories : Livre 5 commentaires
  • Titiou Lecoq : "les défauts du roman sont aussi les miens"

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    Titiou Lecoq a réussi un objectif risqué en écrivant Les Morues : mélanger les genres, quitte à se retrouver dans la catégorie inconfortable des "inclassables". Car elle sait nous faire rire, réfléchir, palpiter, compatir, railler. Elle nous explique ici comment elle est parvenue à trouver un équilibre narratif pour aboutir à ce roman savoureux.


    Fais-moi les poches - Une idée de roman pareille, Titiou Lecoq, avec autant de rebondissements, de personnages très  caractérisés, dites-nous tout : comment ça germe ?

     

    Titiou Lecoq - Je suis partie des personnages. Dès le début, j'avais une idée assez précise d'Ema et de Fred. J'avais même des bouts de dialogue, des répliques. Donc leur façon de parler, d'être m'est venue spontanément. Après la question c'était : j'en fais quoi. J'ai été très méthodique. J'ai lu pas mal de manuels de scénarios pour savoir par quel bout prendre le truc. Il fallait que je réponde à des questions précises : quels sont leurs rapports, comment ils se sont connus, où est-ce que chacun en est dans sa vie au début de l'histoire, où est-ce que chacun arrive, quelle évolution intérieure et extérieure ils vont suivre etc. J'ai essayé de suivre une intrigue classique découpée en trois actes avec des conflits pour chacun des protagonistes et un climax.  Avant Les Morues, à la fac, j'avais écrit un premier roman monstrueusement long, avec des passages de bravoure, des idées géniales. Et puis en finissant de l'écrire, je m'étais rendue compte que j'avais oublié un truc : l'histoire. Je n'avais pas d'histoire. Pas d'intrigue principale, pas d'intrigue secondaire. Au final, j'avais écrit une suite de scènes plus ou moins réussies avec des gens qui buvaient du café et fumaient des clopes en discutant. 
    Donc là, j'ai été assez scolaire. Je me suis dit : cette fois, je vais apprendre comment on raconte une histoire, quels sont les mécanismes narratifs. Ensuite, évidemment, pendant l'écriture, je me suis éloignée de "leçons de scénario" mais j'ai pu m'en éloigner en sachant ce que je faisais. J'avais envie que ce roman se lise d'une traite. C'est aussi pour ça que j'ai choisi une intrigue policière comme trame principale parce que c'est un genre très formateur qui oblige à réfléchir à la manière dont on structure son histoire. 
     
    FMLP - Diriez-vous que votre roman vous ressemble ?
    T. L - J'aime beaucoup cette question. Je la trouve nettement plus pertinente que "est-ce qu'Ema vous ressemble ? Est-ce que c'est autobiographique ?" Donc j'imagine que oui. Je suis assez d'accord avec les théories littéraires qui présentent l'auteur comme une conscience du monde, une intention en acte. La vision du monde qui se dégage des Morues, c'est forcément moi. Les obsessions des personnages aussi. Un certain mode de vie sans doute également. Et les défauts du roman sont aussi les miens. 
     
    FMLP - Quel a été votre secret pour ne jamais verser vers un genre précis tout en flirtant avec l'intrigue policière, la critique sociale, le roman de filles... ?
    T. L - Pas de secret à part faire attention à maintenir un équilibre à chaque fois entre les genres. Pas un équilibre artificiel. Il suffisait que je suive la vie de mes personnages telle qu'elle était. La journée, on est au travail, avec les problèmes qu'on peut y avoir, le soir on est avec ses amis, ou seul, ou en couple. Et essayer d'alterner tout ça c'est difficile dans la vie. Il fallait retranscrire cette difficulté. Et puis au milieu, Fred et Ema devaient trouver du temps pour enquêter (souvent pendant leur journée de boulot évidemment). Mais c'était bizarre parce qu'en même temps, ma volonté de mélanger les genres (simplement parce que la vie est comme ça, je n'ai rien inventé, Victor Hugo l'a très bien expliqué pendant la bataille des Anciens et des Modernes au sujet de Hernani) je savais que c'était ce qui allait poser problèmes à des éditeurs. En France, l'édition fonctionne beaucoup par collection. Un polar c'est la collection noire, un roman plus classique/ générationnel c'est la blanche, un truc qui parle des femmes c'est la série girly. 
    J'ai même eu un éditeur qui acceptait de publier le roman si je le réécrivais entièrement en choisissant un genre précis. Alors que mon idée de base était exactement l'inverse. 
    Et puis, même à la sortie, il y a eu des lecteurs qui étaient troublés par ce mélange. 
     
    FMLP - L'humour c'est important pour vous dans l'écriture ? Souhaitez-vous faire rire vos lecteurs, les faire rêver, réfléchir ?
    T. L - Oui. L'humour c'est important pour moi dans l'écriture. Même dans les articles que je peux faire parce que je pense que c'est aux auteurs d'aller vers les lecteurs et pas forcément l'inverse. Quand on veut parler de sujet pas sexy comme la Révision Générale des Politiques Publiques, ça passe mieux en y ajoutant des blagues. C'est plus pédagogue. 
    Après, dans ma vie en général, même au milieu des pires catastrophes, mes amis et moi, on a tendance à faire des blagues. Sinon ce serait invivable. Je crois que c'est Chesterton qui disait "la vie est une chose trop importante pour être prise au sérieux". 
     
    FMLP - La sortie en poche de votre roman, est-ce aussi un moment clé ?
    T. L - Quand j'ai appris que le Livre de Poche achetait les droits des Morues, j'étais très contente parce, pour des raisons financières évidentes, c'est dans cette collection que j'ai lu le plus de romans. Mais ça restait assez abstrait. Mais depuis la parution du poche, c'est marrant parce que je découvre à quel point ça donne une deuxième vie à un livre, une nouvelle exposition. Ca va faire deux ans que les Morues sont parues et je me retrouve de nouveau à recevoir des messages de lecteurs (ou des demandes de blogs ;) 
     
    FMLP - Et en ce moment vous écrivez quoi ?
    T. L - Je galère comme une damnée sur un deuxième roman mais je vais en venir à bout. (Autopersuasion.) Mon éditrice m'avait prévenue que le deuxième c'était le plus douloureux à faire. Elle avait raison. Surtout quand le premier a bien marché. Il y a une pression ridicule qu'on se met involontairement. Donc niveau parution, il est prévu pour septembre 2014. Et j'ai aussi un autre livre en cours, qui est une adaptation de mon blog (Girls and geeks) qui devrait paraître vers janvier prochain.  
    Catégories : Livre, Rencontres 0 commentaire
  • Sukkwan Island, David Vann

    41N-uaR+yoL.jpgAu début, ça démarre bien. Une version d'Into the wild façon père divorcé en recherche de contact avec son fils. On redémarre à zéro. Adieu la vie de dentiste, bonjour les grands espaces, la solitude, les ravitaillements par avion, les ours, les élans, la pêche au saumon, les réserves pour l'hiver, le bois à scier. L'authentique, l'essence de la relation. Mais il y a quand même un peu de Psychose dans tout ça. Car on se doute petit à petit qu'un truc pas net se trame et que quand ça va péter il n'y aura personne sur cette île perdue de l'Alaska pour entendre les cris. Sournoisement, la tension monte. Et tout éclate bien avant qu'on en ait eu conscience.

    Alors là, d'un coup, la vie au grand air n'est plus le sujet principal. La tension psychologique, palpable, laisse place à des scènes d'horreur, où tout contrôle échappe aux personnages.

    Chez David Vann, vivre en contact direct avec la nature n'exempte de rien, et certainement pas des plus odieux face-à-face avec soi-même.

    Sukkwan Island, David Vann (Etats-Unis). Folio. 240 pages. 6, 50 €

    Catégories : Livre 3 commentaires