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  • Noces de neige, Gaëlle Josse

    train,russie, internet, rencontreUn trajet aller, un trajet retour. L'un en 2012, l'autre en 1881. C'est à bord du train Riviera Express, qui relie Nice à Saint-Pétersbourg. Au 19ème siècle, il permettait aux riches familles russes de venir passer l'hiver dans la douceur de la Côte d'Azur. Les fêtes se succédaient alors sans faiblir. En 2012, au départ de Saint-Pétersbourg,  il transporte des touristes "appareils photos vissés sur le ventre", et parfois des jeunes femmes comme Irina, venues rencontrer leur fiancé français d'internet, la boule au ventre et des questions plein la tête.

    Chapître après chapître, Gaëlle Josse entraîne le lecteur dans deux ambiances distinctes : d'un côté le charme et la distinction de la noblesse russe du 19ème siècle, teinté d'une violence extrême dans les sentiments. De l'autre, les questionnements insolubles d'une époque rythmée par des rencontres virtuelles et par le souci constant de sortir de la misère. En filigrane de ces deux époques en apparence si éloignées apparaît pourtant la même trame, faite de solitude, de sentiments, et d'une certaine forme de hasard...

    Noces de neige, Gaëlle Josse (France). J'ai lu. 123 pages. 6, 50 €

    A lire également sur ce blog, un entretien avec Gaëlle Josse sur l'écriture de Noces de neige, et une chronique sur le roman Nos vies désaccordées, Gaëlle Josse.

    Tentés par les voyages en train littéraires ? Lisez aussi  06 h 41, de Jean-Philippe Blondel, ou relisez bien sûr Le Crime de l'Orient-Express, d'Agatha Christie.

     

    Catégories : Littérature Française 0 commentaire
  • Gaëlle Josse : "La fragilité de ces moments où l'essentiel se noue"

    huis clos, russie, clichés, hasard, ellis islandFais-moi les poches avait déjà rencontré Gaëlle Josse pour Nos vies désaccordées, métaphore musicale sur les sentiments humains. Voilà qu'on la retrouve avec Noces de Neige, un huis-clos entre deux époques à bord d'un train pas comme les autres. L'occasion pour cette auteure généreuse de nous en dire plus sur l'écriture et ce qui la déclenche, les thèmes récurrents -conscients ou inconscients-, et les personnages qui prennent vie sur le papier.

    Fais-moi les poches : Gaëlle Josse, pourquoi ce lieu flottant qu'est le train comme trame de votre roman, et pourquoi celui-là précisément ?

    Gaëlle Josse : -Vous savez, ce n'est pas un choix conscient, délibéré au départ ! Lorsque j'ai découvert, à travers un reportage télévisé, la réouverture de cette ligne Moscou-Nice, en cinquante heure de voyage, deux nuits à bords, six ou sept pays traversés, partant sous la neige et arrivant sous les palmiers, ça m'a aussitôt fascinée, mais sans aucune arrière-pensée d'écriture.

    J'ai eu l'occasion d'aller à Nice quelques semaines plus tard (un signe ?) et je suis allée voir ce train au départ. Imaginez la chaleur niçoise, la découverte sur les panneaux de l'affichage Moscou à côté de Hyères, Aix, Marseille ou St Paul de Vence, les caractères cyrilliques sur le train, le personnel de bord en uniforme devant les wagons, les passagers qui s'interpellent en russe le long des quais... La nuit vient de tomber, et soudain ce train disparaît. Dans deux jours, il sera à Moscou....Qui prend ce train, pourquoi, que peut-il se passer pendant un tel voyage, tant de lenteur, d'arrêts, de paysages traversés, de pensées qui défilent, de vies qui se croisent....Parallèlement, j'ai redécouvert toute la liaison passionnée de l'aristocratie russe, jusqu'à la révolution d'octobre, avec la Côte d'Azur. L'idée ce de double voyage, hier et aujourd'hui, sur ce même parcours s'est installée aussitôt.

    Il est vrai qu'un tel huis-clos, unité de temps, de lieu, d'action comme toute tragédie qui se respecte ( !), est propice à l'exacerbation des sentiments, à la cristallisation des évènements, les personnages vont s'y révéler dans toute leur vérité, c'est ça qui m'intéresse avant tout. Les deux personnages principaux sont apparus très vite, ces deux jeunes femmes à la poursuite de leur destin, du sens de leur vie, qui font faire des choix déterminants, heureux ou tragiques, au cours de ce voyage. Et j'ai aimé détourner les clichés : les jeunes princesses ne sont pas forcément belles, et les jeunes russes qui arrivent à Nice ne sont pas toutes des prostituées...Et bien sûr, quel lien entre ces deux histoires, qui ne sont pas racontées par hasard ? Là aussi, la quête du sens d'une vie. Comme pour chacun de nous...

    FMLP- Sans révéler d'éléments essentiels sur votre roman, on peut dire que le hasard y joue un rôle important. C'était déjà le cas dans Nos vies désaccordées, où on retrouvait aussi les thèmes de la rencontre et de la fuite, ne tenant finalement qu'à un fil. Est-ce que ce sont des problématiques dont vous aviez conscience en prenant la plume ou se révèlent-elles ensuite, en constatant les points communs ?

    G. J - Le rôle du hasard dans nos parcours de vie, le geste ou la décision -ou leur absence- qui change tout, ces moments de bascule dont on ne prend conscience que bien plus tard, lorsqu'on relit sa vie...Oui, c'est quelque chose qui m'intéresse, et plus largement je dirais que c'est le sens de nos actes, de nos choix, de nos relations à l'autre. Ce qui dessine, détermine notre place dans le monde, finalement. La rencontre, on ne la choisit pas, mais on peut choisir quelle suite on veut lui donner, ce peut-être la fuite, salutaire ou source de remords, de culpabilité. Quelle est notre vraie, notre juste place dans ce monde ? Quelle est notre petite musique personnelle ? Comment nos actes nous en approchent ou nous en éloignent ? Vous avez raison, c'est quelque chose de présent dans mes livres, la fragilité de ces moments ou l'essentiel se noue, et aussi le regard porté sur autrui. Amour, hostilité ou indifférence, nous nous construisons aussi par ce regard, par l'amour donné ou refusé. J'avoue que je n'en ai pas conscience en écrivant, ce n'est qu'a postériori que je réalise combien je tourne autour de quelques obsessions, questionnements, et le plus souvent ce sont les lecteurs qui établissent ces rapprochements !

    FMLP - Votre dernier roman, Le dernier gardien d'Ellis Island, vient de sortir en grand format aux éditions Notabilia. Y retrouve-t-on ces thèmes qui vous sont chers ?

    G. J - Je crois bien que oui, à la lumière de votre question précédente ! C'est le récit d'une vie, par un homme, que j'ai imaginé être le « dernier gardien » de ce centre installé dans la baie de New York, qui a été le passage obligé d'une douzaine de millions d'immigrants venus d'Europe. Choc des cultures, déracinement, abandon d'une langue, d'un passé, pour que s'ouvre la Porte d'Or sur tous leurs espoirs... Et séisme amoureux, qui le conduira à toutes les transgressions... Là aussi c'est vrai, l'instant de la rencontre, de la collision devrai-je dire, les choix, les conséquences, les remords, les interdits... Un homme remonte le cours de sa vie, cherche à saisir le sens jusqu'à vertige.

    Je m'aperçois que ce sont les personnages qui m'intéressent avant tout, bien au-delà d'une histoire. J'aime les accompagner dans leur cheminement intérieur, leurs incertitudes, leurs errances, leurs éblouissements, et tenter de saisir leur moment de vérité avec eux-mêmes. C'est l'art du portrait en fin du compte qui me fascine le plus, faire surgir les reliefs, les ombres et les lumières de nos vies, les demi-teintes, approcher le mystère d'un être...Qu'est-ce qu'une vie en définitive ? Tant, et si peu de choses...

    FMLP - Peut-on dire que votre rythme d'écriture s'est accéléré ces dernières années ?

    G. J - Accéléré, je ne sais pas, j'ai l'impression d'écrire à mon rythme, lorsqu'une histoire vient s'imposer avec une force telle que je dois l'écrire. Il est vrai que cela fait quatre livres en quatre ans, mais je ne me suis jamais dit « il faudrait que je trouve une nouvelle idée » ! A chaque fois, c'est un moment particulier, un évènement, minuscule souvent, qui déclenche les choses en ouvrant des portes dans mon imaginaire. Il faut être percuté de façon personnelle, intime pour écrire, pour réaliser ce tissage entre une histoire, des personnages et un inconscient à l'œuvre qui va faire émerger l'essentiel. Sinon on fabrique juste un bouquin ! Et j'ai la belle surprise de voir les lecteurs au rendez-vous, c'est aussi un chemin qui se tisse avec eux, d'un livre à l'autre.

    FMLP - Une idée de roman germe-t-elle dans votre tête en ce moment ?

    G. J - Oui, je l'avoue ! Vous savez, entre le moment où l'on met le point final à un manuscrit et le moment où il sort en librairie, il se passe de longs mois. Un temps de jachère, de repos, de vide nécessaire, et puis au moment le plus inattendu, un sujet qui vient vous questionner, vous embarquer, et ne vous lâche plus. Alors on y va...

     Photo : Xavier Remongin

     

    Catégories : Livre, Rencontres 0 commentaire
  • Maine, J. Courtney Sullivan

    usa, vacances, familleUne maison familiale dans le Maine avec accès direct à la plage : le bon plan pour passer ses vacances d'été. Dans l'idée en tous cas. Car dans les faits, il faut ménager les sensibilités des uns et des autres, adapter les programmes aux turpitudes, aux déconvenues. Alice, la grand-mère, trie ses souvenirs par le vide, un bon moyen d'alléger l'aigreur. Kathleen, sa fille, ne vient que sous la menace et préfère la compagnie des vers qu'elle élève pour fabriquer du compost à l'autre bout du pays. Maggie, la petite-fille, vient se cacher loin de la ville après avoir appris en une seule fois qu'elle était enceinte et larguée par son petit ami. Quant à Ann Marie, la belle fille pieuse et parfaite, elle perfectionne ses maisons de poupée en attendant d'hériter un jour, peut-être, du grand domaine familial. Tout cela sous le regard bienveillant d'un jeune prêtre dont le charme ne laisse indifférente aucune des femmes de la famille Kelleher...

    La recette du roman polyphoniques s'adapte parfaitement à ce texte, où chaque personnage se révèle aussi attachant qu'insupportable. On reste suspendu à l'attente du clash, qui se révèle plus subtil et diffus qu'un simple coup de tonnerre.

    Maine, J. Courtney Sullivan (USA). Le livre de poche. 600 pages. 8, 30 €

    Catégories : Littérature Américaine 0 commentaire
  • Comment les fourmis m'ont sauvé la vie, Lucia Nevaï

    usa, enfance, résilience, adoption, religionDéterminisme social contre résilience, le combat est rude dans ce roman d'enfance. Nés dans une famille bringuebalante autant que la cabane qui l'abrite, au Etats-Unis, Crane et ses frères et soeurs ont pour unique distraction le passage quotidien du train, dont les rails tremblent des dizaines de minutes auparavant pour qui sait tendre l'oreille. La jeune Crane a en outre la malchance d'être née avec une difformité au visage et des yeux défaillants, qui la font passer pour une idiote aveugle qu'elle est loin d'être. Et des malchances elle en a d'autres, voyez un peu : une mère prostituée à ses heures, une deuxième mère folle de Dieu dans la même maison, un père évangéliste, des jeunes voisins sadiques, une soeur aînée alcoolique bien qu'encore enfant, un cadavre au plafond. Oui, ça fait beaucoup.

    Alors le jour où les services sociaux mettent le nez dans tout ça, la famille est éclatée, Crane confiée à des religieuses qui vont lui permettre l'accès à l'éducation et à une adoption miraculeuse. Crane rencontre alors Ollie, une femme infertile et infirme qui va tout donner pour elle, affection, protection et éducation. La question sera bien sûr de savoir s'il est possible d'échapper aux voies qu'on nous a promises.

    Le récit emprunte la voix d'une enfant décalée et maline, avec fantaisie, audace et humour. Un excellent moment.

    Comment les fourmis m'ont sauvé la vie, Lucia Nevaï (USA).

    Editions Philippe Rey, Collection Fugues. 236 pages. 9 €

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