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  • La chaise numéro 14, Fabienne Juhel

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    Comme des milliers de femmes, Maria subit en cet été 1945 l'humiliation publique : la tonte de la traîtresse qu'elle est supposée être, pour avoir entretenu une relation  avec un officier allemand. C'était la guerre, à Saint-Brieuc, et ce client régulier de l'auberge de son père est devenu son amant.

    Placée sur une chaise de bistrot -la chaise numéro 14- devant le restaurant familial, en proie aux insultes d'inconnus, mais aussi de ses voisins, de ses anciens camarades de classe et même d'un ancien amoureux dont les motivations sont troubles, elle subit les coups de ciseaux d'un coiffeur réquisitionné pour cette tâche qu'il ne ressent aucun plaisir à accomplir. Un autre dessine une croix gammée sur son crâne devenu chauve. Au sol, ses longs cheveux roux captent la lumière. Dans la foule captive, des soldats américains.

    Maria restera calme. Mais avec patience et obstination, elle fera changer de camp la honte, poursuivra ses agresseurs, démontrera de quel côté se situe l'indignité.

    Un roman historique plein de tension, où l'on rencontre Louis Guilloux en ambassadeur des valeurs humaines.

    La chaise numéro 14, Fabienne Juhel. Babel. 8, 50 € 

    Catégories : Littérature Française 0 commentaire
  • Emilie Frèche : Mère et femme ? Oui, mais pas au même moment...

     

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    Emilie Frèche est l'auteure du très réjouissant Chouquette, un roman de femmes. Des femmes larguées et attachantes, culpabilisées et désinhibées. Emilie Frèche a accepté de répondre, avec une grande sensibilité, aux questions de Fais-moi les poches ! sur ce livre qui fait le point, à sa façon, sur la condition féminine.

    Fais-moi les poches  -Catherine est une femme en crise personnelle engloutie -malgré elle et sans vraiment s'en apercevoir- dans la crise financière. Ce contexte était-il important pour mettre en scène votre personnage ?

    Emilie Frèche - Le contexte de la crise financière était très important, car c'est un livre sur la décadence. Sur la fin d'une époque. Celle de l'argent facile, de la jeunesse éternelle d'une génération qui ne veut pas céder sa place, d'un capitalisme qui se vivait comme la fin de l'Histoire et qui, comme tout ce système, arrive à sa fin. La crise financière répond à la crise intime que traverse Chouquette, et intensifie le sentiment de naufrage qui habite tout le roman.

    FMLP - Catherine, la grand-mère "indigne", ou sa fille, l'humanitaire à l'instinct maternel : laquelle de ces deux femmes vous semble-t-elle correspondre le mieux à son époque ?

    E.F - Il me semble que Catherine, comme Adèle, sont les archétypes de leur génération. Chouquette, celle des soixante-huitards qui a décidé pour l'éternité qu'ils seraient jeunes, libres, cools, festifs, amoraux, et puis Adèle, l'enfant issue de cette génération, sans repères, sans interdits à devoir enfreindre, et qui du coup pour se construire, devient "la mère de sa mère": une fille très sérieuse, très rigide, pleine de principes, qui fait de l'humanitaire parce qu'elle a une conscience aigüe du monde dans lequel elle vit - même si elle n'est pas fichue de s'occuper de son fils...

    FMLP-Pourquoi avoir choisi de mettre en scène une femme de 60 ans ?

    E.F - La plus grosse avancée, pour les femmes, s'est faite dans les années 60-70: divorce, pilule, avortement... Elles ont été formidables, en se libérant de tant de choses, elles nous ont permis de grandir dans un monde où notre place, en tant que femmes, nous a toujours semblé évidente (même si il reste encore des disparités), et j'avais envie de voir, cinquante ans plus tard, où ces femmes en étaient dans leur vie. Est-ce qu'elles étaient heureuses ? Epanouies ? Je ne crois pas, car on peut se libérer de tout, mais pas de l'amour. C'est le cas de Chouquette, esclave de ses sentiments pour un mari odieux. Et quand on s'en libère, on souffre d'en manquer; c'est le cas de Diane Van Keler qui, malgré sa réussite professionnelle, sa beauté, sa vie sexuelle intense, vit dans une misère affective absolue.

    FMLP-Au bout du compte, être mère et femme, cela vous semble compatible ?

    E.F - Oui, bien sûr, heureusement qu'on peut être à la fois mère et femme. Mais peut-être pas au même moment, peut-être pas toujours parfaitement, ou aussi intensément - et ce n'est pas très grave. Et c'est le "ce n'est pas très grave" qu'il faut retenir ! Je crois que la femme moderne est une femme dotée du don d'ubiquité - d'ailleurs, j'ai écrit un roman sur la question, Une femme normale (Points Seuil), qui est le portrait d'une femme vue par trente personnages de son entourage: il y a trente femmes différentes, et c'est ça la normalité !

    FMLP-Que ressentez-vous pour Catherine ?

    E.F - Au premier abord, de l'agacement, du mépris, de la colère aussi, peut-être un peu de pitié, mais au bout du compte, de la jalousie je crois. Car Chouquette a eu cette chance inouïe d'aimer un homme pendant trente ans. De l'aimer vraiment. Aimer fait souffrir, certes, mais rend si vivant... J'envie le coeur qui bat de Chouquette

    FMLP-Pourquoi n'accordez-vous aux hommes que des rôles invisibles (ou presque) ?

    E.F  - Quand vous aurez lu Deux Etrangers, vous ne pourrez plus dire cela! C'est un roman sur une fille qui part retrouver son père après sept ans de silence. Le père est la figure masculine par essence, la toute première, et je crois que j'ai eu du mal à m'y attaquer, mais maintenant que c'est fait, les hommes pourront avoir la part belle dans mes livres !

    Photo :  Mélania Avanzato

    Emilie Frèche est l'auteure de Deux étrangers (Actes Sud), et en poche : Une femme normale (Points), Le film de Jacky Cukier (Babel).

    Catégories : Livre, Rencontres 0 commentaire